Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 2

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Avec cet amendement nous abordons la possibilité de rachat des jours de repos non pris par les salariés cadres. Cela nous amène à évoquer plusieurs aspects.

S'agissant de l'application de la réduction du temps de travail aux cadres, faut-il rappeler que les cadres, à l'exception des véritables cadres dirigeants dont la spécificité justifie sans doute un régime particulier, sont des salariés comme les autres ? Ils ont eu largement l'occasion, depuis une dizaine d'années, d'en prendre pleinement conscience. Ils n'ont pas été épargnés par le chômage, y compris par le chômage de longue durée. Ils ont également vu, au cours de cette période, leur pouvoir d'achat fondre de près de 10 %.

Par ailleurs, le statut de cadre ne se distingue vraiment que par les cotisations et les prestations sociales afférentes. Il n'y a pas lieu de priver les cadres des éléments de progrès social qui ont été votés, jusqu'en 2002, en faveur des salariés dans leur ensemble. C'est pourquoi la définition d'un forfait en jours pour calculer leur temps de travail avait été votée en 2000. Elle permettait de tenir compte de la nécessaire autonomie des cadres ; certains d'entre eux sont d'ailleurs qualifiés depuis de « cadres autonomes ».

Que s'est-il passé ensuite ? Peu d'employeurs - et cela nous renvoie au début de notre débat - ont fait le choix de l'investissement et de la création d'emplois. J'ai envie de dire que les cadres, eu égard à leurs conditions de travail, à leur charge de travail, sont de véritables victimes du capitalisme patrimonial.

D'un côté, des jeunes, nombreux, surdiplômés, restent à la porte des entreprises, porte qui demeure obstinément close, alors qu'ils sont prêts à mettre leur talent, leur créativité, leur énergie, au service de la dynamique économique. De l'autre côté, des cadres pressurés, surmenés, accumulent sur un compte épargne-temps, en trois ou quatre ans à peine, jusqu'à six mois de congés non pris, jours de réduction du temps de travail ou congés payés.

Ne serait-il pas préférable que les entreprises qui exploitent ainsi leurs cadres réfléchissent à leur organisation interne et à la possibilité d'embaucher des jeunes - ou même des moins jeunes ?

Je ne fais là que citer le témoignage des représentants de la Confédération générale des cadres, la CGC, que la commission des affaires sociales a auditionnés.

Nous sommes là dans un système absurde et contre-productif non seulement au regard de l'emploi, mais aussi en termes de développement économique et de dynamique entrepreneuriale. C'est pourtant ce système que vous voulez encourager en créant la possibilité de racheter les jours de repos.

D'ailleurs, si le texte est d'une grande imprécision sur les modalités exactes de ce rachat, il est en revanche sans ambiguïté quant à son principe : il s'agit bien d'augmenter le temps de travail des cadres, en échange d'une majoration dont le montant est inconnu, en ouvrant par exemple la possibilité à l'employeur d'expliquer aux cadres que, s'ils ne veulent pas se voir licenciés pour faute professionnelle lourde sans indemnité, il leur faudra renoncer à leurs jours de RTT.

Mais ce ne sont pas seulement ceux dont le compte épargne-temps est trop garni qui vont devoir racheter leurs jours de repos : en prenant cette mesure générale, le Gouvernement encourage le procédé.

Monsieur le ministre, vous jouez non seulement contre l'emploi présent, mais aussi contre l'emploi futur, et ce alors même que, en matière de durée du travail, les cadres sont mal protégés par la législation européenne actuelle. Une personne relevant d'une convention de forfait en jours, en effet, pourrait ne bénéficier que des règles relatives au repos quotidien de onze heures et au repos hebdomadaire. Le lien n'est que trop facile à faire avec la proposition de loi !

Poursuivre dans cette voie est clairement erroné, tant sur le plan du développement économique que sur le plan social.

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