Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 2

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le ministre, le libellé du paragraphe III de l'article 2 montre l'intérêt particulier que vous portez à la situation des personnels d'encadrement.

Il s'agit, concrètement, de leur proposer de choisir entre repos compensateur et rémunération complémentaire pour ce qui concerne les heures effectuées sous le régime du temps choisi.

La vérité est que, d'une certaine manière, ce paragraphe est l'hommage du vice à la vertu !

Quelle est la réalité du travail des cadres ?

Cela a été dit, ils sont, comme les autres salariés, victimes de la modération salariale. Ils constituent d'ailleurs le principal public d'expérimentation des formes individualisées de rémunération liées à l'atteinte d'objectifs de production, à la réalisation de contrats commerciaux ou à la concrétisation de projets de recherches et d'études.

Ils sont singulièrement visés - et pour cause ! - par l'ensemble des dispositifs de distribution de stock-options, par la mise en place de plans d'épargne retraite et, de fait, sont souvent victimes de politiques salariales menées au détriment de l'accroissement de la rémunération directe.

Parallèlement, ces dernières années, du fait de l'intensification des processus de production et de la complexité croissante des tâches qui leur sont demandées, ils sont aussi les premières victimes de l'incapacité à mettre en pratique la réduction du temps de travail. Ainsi, nous avons indiqué que la réalité du forfait-jours des cadres, eu égard au plafond existant, limitait la portée de la réduction du temps de travail à sept jours calendaires pour une année, c'est-à-dire environ quarante-neuf heures de présence pour l'ensemble d'un exercice.

Quarante-neuf heures de réduction du temps de travail pour quarante-sept semaines théoriques d'activité professionnelle, cela veut dire que, assez étrangement, le passage des 39 heures aux 35 heures s'est traduit pour les personnels d'encadrement forfaitisés par une réduction d'une heure par semaine de leur temps de travail ! Il y a là une arithmétique de la réduction qui nous échappe.

Voilà donc que, avec ce paragraphe III, on nous propose de permettre aux cadres, la tête sur le billot, de renoncer à leurs congés et d'opter pour une rémunération majorée dont le montant serait au demeurant fixé par un accord collectif : en clair, les heures choisies seraient rémunérées au petit bonheur la chance, avec un bonus ici de 10 %, là de 25 %, ailleurs de 15 %, sans que soit appliquée aucune autre règle que celle de l'existence d'un accord.

Quant aux conventions collectives qui interdisent expressément le recours aux heures supplémentaires - cela existe ! -, elles seraient hors champ d'application.

Soit dit en passant, rien n'empêche sans doute de penser que la majoration de ces « heures choisies » puisse trouver d'autres formes de compensation qu'une compensation salariale.

Tant que nous y sommes, qu'est-ce qui pourrait empêcher un employeur de proposer à un cadre la prise en charge d'une complémentaire santé qu'il aurait, lui, employeur, choisie en lieu et place du salarié pour couvrir ses dépenses de santé et celles de sa famille ? Cela existe, monsieur le ministre, vous le savez ! Je me demande si de telles dispositions sont respectueuses de la liberté du contrat, et je pense que vous devriez les examiner de plus près.

De fait, quand on y réfléchit bien, le paragraphe III de l'article 2 est bel et bien un outil destiné à renforcer l'individualisation de la rémunération des salariés. Or, pour la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail des cadres, il n'existe pas de solution individualisable qui soit acceptable, voire défendable.

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