Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 30 mars 2010 à 14h30
Débat sur la protection des jeunes sur les nouveaux médias

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sous la pression du développement de la société de l’information, Internet est devenu le moyen de communication le plus sollicité. Comment, dès lors, peut-il profiter aux plus jeunes sans pour autant les mettre en danger ?

Si les technologies de l’information et de la communication, telles qu’Internet, constituent indéniablement un outil pédagogique et de communication bénéfique pour les enfants, les jeunes et leurs familles, elles n’en demeurent pas moins des vecteurs potentiels de dangers qui posent la question de la protection de l’enfant, notamment en termes de contenus inadaptés à de jeunes publics : images violentes et traumatisantes, dégradantes, pornographiques et pédopornographiques.

Internet regorge de ces communications manifestement immorales et illicites. Des actes apparemment légers et de divertissement peuvent avoir des conséquences importantes. Je pense, par exemple, au sexting, phénomène nouveau et dramatique, consistant, pour des adolescents, à transmettre, grâce à leurs téléphones portables, des images érotiques personnelles.

Je ne peux que me réjouir d’entendre que l’éducation aux nouvelles technologies a été intégrée dans le socle commun de connaissances et de compétences à maîtriser par tout élève à l’issue de la scolarité obligatoire. Actuellement, cet enseignement reste avant tout centré sur l’apprentissage matériel de l’outil Internet, sans véritable identification des contraintes juridiques et sociales dans lesquelles s’inscrivent ses différentes utilisations. Il est pourtant indispensable de dissocier la maîtrise technique des outils numériques de leur usage éthique et responsable. Il s’agit aujourd’hui de définir ce qu’il est convenu d’appeler sur le réseau la « néthiquette ».

Faciliter l’accès à l’outil informatique, c’est non seulement permettre l’éveil aux nouveaux médias dès le plus jeune âge, mais aussi et avant tout, me semble-t-il, faire en sorte de développer l’esprit critique des générations futures à leur égard.

Cette précaution est incontournable pour que nos enfants ne soient pas à l’avenir aliénés à ces nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Il faut aider les plus jeunes à décoder les messages reçus, notamment les messages publicitaires, à analyser des images fixes ou animées. Il faut aussi les alerter contre les dangers potentiels des sites en ligne de rencontre et d’échange ou de certains blogs.

Pour cela, il est urgent de mettre en place une véritable et concrète éducation aux médias.

L’État, au travers de l’école, mais aussi la société tout entière doivent prendre leurs responsabilités face à la révolution numérique. Si nous sommes conscients des immenses progrès réalisés grâce au formidable outil qu’est Internet, nous savons aussi que, sans une éducation appropriée destinée à les protéger, les jeunes seront les premières victimes d’un fléau dramatique.

La semaine dernière, notre assemblée a voté à l’unanimité une disposition à ce sujet. L’article 1er de la proposition de loi coécrite par ma collègue du groupe du RDSE, Anne-Marie Escoffier, visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, confie désormais à l’éducation nationale une mission de prévention et de sensibilisation des jeunes quant à l’utilisation des services de communication au public en ligne et aux conséquences qu’elle peut avoir sur leur vie privée.

Aux termes de cet article, est donc insérée, dans le cadre de l’enseignement d’éducation civique, une formation destinée à développer le sens critique des jeunes internautes à l’égard de l’information disponible et des comportements de chacun en ligne.

C’est un premier pas dans la bonne direction. Je m’en réjouis, car il était fondamental d’intervenir rapidement pour protéger la vie privée face au développement massif d’espaces dits « sociaux » sur Internet, tels que Facebookou les blogs personnels.

Mais il ne faut pas s’arrêter là. Il est essentiel de poursuivre l’effort engagé en s’assurant, notamment, que les moyens nécessaires à la bonne mise en œuvre de ces dispositions seront déployés dans une période où les moyens alloués à l’éducation nationale sont malheureusement déjà en constante diminution. Je suis, bien sûr, favorable à une ouverture en direction des documentalistes, aptes à prendre le relais en la matière.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ne sacrifions pas une génération sur l’autel du progrès technologique à tout prix ! Ne soyons pas pour autant liberticides !

Dans son rapport d’information fait au nom de la commission de la culture, David Assouline propose la création d’un organisme chargé de la protection de l’enfance sur les médias. Il se substituerait à l’ensemble des commissions existantes et verrait sa composition élargie à la société civile. Par ailleurs, il souhaite, comme nous, un renforcement de la coopération européenne et internationale, s’agissant notamment de la constitution de listes blanches et noires.

Je ne citerai pas toutes les propositions de la mission, avec lesquelles nous ne pouvons qu’être d’accord. À l’évidence, notre société doit se donner les outils pour rétablir l’équilibre entre répression et éducation, pour responsabiliser chacun d’entre nous, les jeunes aussi bien que les adultes qui les entourent, dans l’usage qu’ils font d’Internet.

C’est cet équilibre qu’appellent de leurs vœux les sénateurs radicaux de gauche et tous les membres du groupe RDSE. Nous attendons, madame la secrétaire d’État, des propositions concrètes du Gouvernement.

Mes chers collègues, n’oublions jamais la célèbre formule de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »

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