Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans l’introduction du rapport d’information intitulé Les nouveaux médias : des jeunes libérés ou abandonnés ? qu’il a remis, au nom de commission des affaires culturelles, en 2008, David Assouline soulignait : « c’est surtout la question des relations que la jeunesse entretient avec ces médias qui inquiète ou qui réjouit : les nouveaux médias exposent-ils nos jeunes à des dangers majeurs tels que la perte de repères, la dépendance cybernétique ou la dissolution du sens critique ? Ou la révolution numérique va-t-elle rendre radieux l’avenir de nos enfants en facilitant leur apprentissage et en favorisant la démocratie à travers le droit donné à chacun de s’exprimer sur la Toile ? »
Près de deux ans après la publication de ce rapport, la question, cruciale, se pose toujours dans les mêmes termes. Qu’en est-il aujourd’hui de la relation entre les jeunes et les médias ? Cette relation fusionnelle représente-t-elle une chance ou un danger ? L’outil risque-t-il de devenir le maître ? Ne l’est-il pas déjà lorsqu’il conduit des jeunes à s’enfermer ? Pour s’en convaincre, il suffit d’observer certains jeunes dans le métro ou d’écouter certains parents relater l’enfermement de leurs enfants les conduisant parfois jusqu’à la dépression. Le professeur Batel, qui dirige le service d’addictologie de l’hôpital Beaujon, me faisait récemment observer que l’addiction aux médias était une pathologie de plus en plus fréquente.
Le Sénat a organisé de façon tout à fait opportune un débat sur la protection des jeunes face aux nouveaux médias, à l’heure de la génération numérique, où un jeune sur trois tient un blog, un sur deux se sert d’une messagerie instantanée, deux sur trois jouent sur ordinateur et plus de neuf sur dix naviguent sur Internet et détiennent un téléphone mobile. L’utilisation des nouveaux médias constitue leur troisième activité, après le sommeil et l’école.
Certes, le développement d’Internet représente un progrès dans l’accès à la communication. Ce qui nous préoccupe aujourd’hui, c’est la protection des enfants face au caractère choquant que peuvent revêtir certains contenus d’Internet pour eux et face à la cybercriminalité. Cette dernière peut être définie comme l’ensemble des infractions pénales commises via le réseau Internet. Plus précisément, elle est l’œuvre de délinquants qui utilisent les systèmes et les réseaux informatiques soit pour commettre des infractions spécifiques à ces systèmes et réseaux informatiques, soit pour développer ou pour faciliter des infractions qui existaient avant l’apparition de l’internet.
Aujourd’hui, des faits divers sordides impliquant des mineurs ayant été abusés par des adultes rencontrés sur Internet ou exerçant entre eux des pressions psychologiques insoutenables par le biais de la diffusion de films dégradants tournés ou non sous la contrainte sont encore monnaie courante.
En dehors de cela, l’accès direct des enfants à des images à caractère violent, pornographique continue de poser problème, en dépit des systèmes de logiciels de contrôle parental.
Enfin, la problématique de l’addiction de jeunes à des jeux de rôle violents effectués en réseau et de leur perte de repères réels est toujours d’actualité, comme celle de la protection des données personnelles des mineurs, qui, plus que tout autre, étalent bien souvent leur vie privée sur la Toile.
Serge Tisseron, dans son ouvrage intitulé Enfants sous influence Les écrans rendent-ils les jeunes violents ?, indique que « les images violentes perturbent les enfants. Même s’il n’est pas prouvé qu’elles favorisent le passage à l’acte, elles créent de l’angoisse, suscitent de la honte et, surtout, encouragent l’agressivité du groupe. » Pendant l’enfance, le jeune entre souvent dans un espace potentiel de jeu ; il risque ensuite de commettre les violences.
Les travaux réalisés par Marcel Frydman sur des groupes d’enfants sont intéressants. D’abord, la projection de films violents augmente la fréquence de comportements agressifs de manière immédiate, puis cet effet faiblit. Ensuite, les enfants déjà habitués, voire soumis à l’agressivité dans leur milieu environnemental sont les plus sensibles à la violence des films. Enfin, dernier élément tout aussi important, l’influence de cette violence sur le comportement des jeunes par l’intermédiaire de l’écran est annulée si la vision de ce qu’ils ont vu sur l’écran est suivie d’un temps d’échange avec leurs parents. C’est dire si la vulnérabilité face à la confusion entre le réel et l’imaginaire est d’autant plus grande lorsque les institutions de la transmission, à savoir la famille et l’école, n’ont pas joué leur rôle.
Madame la secrétaire d’État, nous vous savons concernée par ce sujet et nous saluons les actions que vous avez menées jusque-là, …