Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 30 mars 2010 à 14h30
Débat sur l'encadrement juridique de la vidéosurveillance

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la vidéosurveillance, qui fait l’objet de l’excellent rapport d’information de nos collègues Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier, n’est pas véritablement une nouveauté. Elle est en effet connue depuis des décennies, plus précisément depuis 1942, année où l’Allemagne hitlérienne la mit au point pour observer le lancement des célèbres fusées V-2.

En revanche, sa généralisation plus ou moins systématique constitue une innovation, ce qui ne peut qu’attirer l’attention du législateur, généralement placé sous les feux croisés de ceux pour qui, en matière de sécurité, la vidéosurveillance est la panacée, et des détracteurs de ces dispositifs, qui leur reprochent, parfois à juste titre, leur inefficacité, leur coût et les atteintes à la vie privée que leur utilisation est susceptible d’induire.

C’est dire si cette question compte parmi les plus complexes qui se posent aujourd’hui à notre société. Aussi tenterai-je d’éviter les partis pris et chercherai-je à comprendre comment, en une trentaine d’années, on est passé d’un système de protection de certains lieux très spécifiques relevant, par exemple, du monde assez clos de la haute joaillerie ou des grands musées de la planète, à la surveillance de lieux publics entiers où, à toute heure, déambulent des foules.

Contrairement à d’autres pays, la France a réglementairement défini l’encadrement de la vidéosurveillance dans les lieux publics en 1995. Cette question revêt une importance certaine à l’heure où l’État ne se contente plus de contrôler a priori les demandes d’installation de dispositifs de vidéosurveillance, mais encourage directement à mettre en place de tels équipements, en particulier par l’attribution d’aides financières au titre du FIPD, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, et en facilitant l’octroi des autorisations.

Les professionnels reconnaissent installer chaque année entre 25 000 et 30 000 nouveaux systèmes de vidéosurveillance. À la fin de 2007, le nombre de caméras autorisées sur la voie publique était estimé à 340 000, l’objectif clairement affiché étant de parvenir à tripler ce chiffre d’ici à l’année 2010, en répartissant les équipements dans les aéroports, les gares, autour des routes et dans les transports publics. C’est beaucoup – beaucoup trop si ce n’est pas utile !

Au reste, le décret du 22 janvier 2009 modifiant le décret initial de 1996 n’a-t-il pas créé des conditions propices à un traitement plus rapide des dossiers et, ainsi, à un tel essor ? Il est évident que le Gouvernement a choisi d’accélérer le rythme d’installation des caméras, mais a-t-il réalisé des études pour déterminer si cela est vraiment utile ?

Selon les partisans de la vidéosurveillance, ce système permet, en principe, de prévenir efficacement la criminalité. Je dis bien « en principe », car, en Grande-Bretagne par exemple, où la vidéosurveillance est très développée – plus qu’en France en tout cas ! –, on s’est très rapidement heurté au manque de personnel pour analyser les images collectées. Les surcoûts importants qui en ont résulté ont conduit Scotland Yard à parler, en 2008, d’un « utter fiasco », c’est-à-dire d’un échec complet !

Ainsi, alors que la Grande-Bretagne a investi des sommes fabuleuses pour s’équiper du plus vaste système de surveillance d’Europe, 3 % seulement des délits seraient résolus à l’aide des caméras de surveillance.

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