Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 30 mars 2010 à 14h30
Débat sur l'encadrement juridique de la vidéosurveillance

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Cela devrait nous engager à être prudents pour l’avenir et à faire en sorte que la vidéosurveillance joue un rôle véritable dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité ou la délinquance, mais qu’elle ne soit pas un alibi rassurant la population, sans effet direct.

Avec 500 000 caméras, Londres est la capitale la mieux pourvue au monde, mais pas la plus sûre. En effet, la vidéosurveillance est rapidement détectée et sa présence ne fait souvent que déplacer les délits vers des zones non surveillées, où il faut alors envoyer patrouiller des policiers, ce qui est toujours plus efficace. En outre, la vidéosurveillance n’a pas d’effet dissuasif sur les comportements impulsifs, tels ceux qui sont provoqués par l’alcool.

Si cet outil est d’une grande utilité durant les phases d’enquête, notamment dans les lieux clos- les parkings, les centres commerciaux ou encore les commerces -, il est peu probant dans l’identification ou le suivi des délinquants qui opèrent dans des espaces étendus et complexes, comme les voleurs à la tire et les violeurs en série.

À ce titre, je crois utile de rappeler qu’il n’existe à ce jour en France qu’un seul rapport sur l’efficacité de la vidéoprotection. Il a été réalisé par votre ministère en juillet 2009, monsieur le ministre. Cela n’est pas suffisant pour généraliser l’usage de la vidéoprotection.

Ensuite, au coût de 15 000 euros en moyenne par caméra, il faut ajouter l’embauche des personnels chargés de regarder les écrans de contrôle en permanence. Ils sont, dit-on, 30 000 pour les 40 000 caméras dont le déploiement est prévu d’ici à 2011. Au mois d’octobre 2009, cela a conduit le gouvernement britannique à proposer aux citoyens de visionner chez eux les flux d’images de la vidéosurveillance, avec l’attribution d’une prime au meilleur « visionneur »…

Ce projet, qui incite au voyeurisme, est critiqué par beaucoup comme étant malsain et attentatoire. Si besoin était, cela montre que l’utilisation de la vidéosurveillance pose donc naturellement la question de l’éthique. C’est ce que fait régulièrement remarquer l’association Souriez, vous êtes filmés, en dénonçant, à juste titre, l’usage abusif des caméras, et posant ainsi un certain nombre de questions quant à l’intégrité physique et morale des personnes filmées, leur information sur ces images, le droit d’accès et la conservation de ces mêmes images, ainsi que les recours possibles en cas de difficultés d’accès auprès des commissions départementales de vidéosurveillance, lesquelles, le plus souvent, ont du mal à répondre aux demandes compte tenu de l’insuffisance de leurs moyens, humains et financiers.

Un certain nombre de textes sont actuellement en cours d’examen, en particulier le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPPSI », qui a été transmis au Sénat le 16 février dernier.

Ce texte vise, d’une part, à étendre les cas d’autorisation de vidéosurveillance par des personnes privées filmant les abords de leurs bâtiments, afin de prévenir les atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans les lieux les plus exposés, et, d’autre part, à doter la Commission nationale de la vidéosurveillance d’une mission nationale de contrôle.

Il est vrai que la dualité des régimes juridiques et des organes de contrôle constitue une difficulté majeure non seulement pour les utilisateurs de la vidéosurveillance, qui ont parfois du mal à saisir la distinction entre lieux privés et lieux publics, mais aussi pour les citoyens qui souhaitent exercer leurs droits. À mes yeux, la Commission nationale de l’informatique et des libertés demeure la plus à même de se prononcer sur cette question.

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