Intervention de Louis Nègre

Réunion du 30 mars 2010 à 14h30
Débat sur l'encadrement juridique de la vidéosurveillance

Photo de Louis NègreLouis Nègre :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme mon collègue Jean-Paul Alduy, je m’exprimerai en tant que maire. Je m’appuierai non pas sur les rapports élaborés, y compris par les Britanniques, mais sur ce que je suis à même de constater personnellement sur le terrain dans le domaine qui nous occupe.

Je me réjouis que le débat d’aujourd'hui, dans le cadre de la semaine de contrôle de l’action du Gouvernement, porte sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance.

Cette technologie, devenue aujourd’hui un véritable sujet de société, permet, de façon moderne, pragmatique et pacifiée, de lutter efficacement contre certains agissements contraires à la loi. Et je tiens à féliciter tout particulièrement MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier de la qualité de leur rapport d’information, particulièrement détaillé, qui porte, vous le savez tous, sur un sujet incontestablement sensible et qui, dans le passé, bien sûr, a souvent suscité de vraies polémiques !

Mais je crois que, aujourd'hui, il faut regarder la réalité en face : la vidéoprotection est demandée par les Français. Dans un récent sondage, 81 % d’entre eux estiment que l’installation de caméras peut améliorer la sécurité. Ils la demandent, parce qu’ils la perçoivent, non sans raison, comme efficace.

En effet, selon le rapport de l’Inspection générale de l’administration de juillet 2009, les crimes et délits chutent deux fois plus vite dans les villes équipées que dans celles où aucun dispositif n’est installé.

Les principales constatations que l’on peut faire sont les suivantes.

Premièrement, la vidéoprotection n’est pas une fin en soi ; c’est clair.

Deuxièmement, elle n’a un véritable impact répressif et dissuasif, j’y insiste, que si une sanction pénale est prononcée par une juridiction à la suite de la constatation d’une infraction et de l’arrestation de ses auteurs.

Troisièmement, le constat a été établi que la délinquance a baissé en moyenne plus fortement dans des communes équipées de vidéoprotection que dans celles qui n’en disposent pas.

Quatrièmement, le taux d’élucidation global ne progresse significativement que dans les villes où il y a une forte densité de caméras installées.

Cinquièmement, la localisation des caméras, la qualité des images et des enregistrements – les corapporteurs nous l’ont dit tout à l’heure – sont effectivement déterminants pour une utilisation à des fins d’enquête judiciaire, pour la collecte d’éléments de preuve.

Aujourd'hui, on compte un peu plus de 350 000 caméras autorisées, dont à peine 20 000 sont installées sur la voie publique ; d’où l’objectif de triplement d’ici à 2011. Je ne peux que m’en féliciter, monsieur le ministre.

Par ailleurs, grâce à la création du Fonds interministériel de prévention de la délinquance par la loi du 5 mars 2007, l’État a aidé les communes à hauteur de 42 millions d'euros et financé 1 200 projets.

L’État apporte une contribution de 40 % en moyenne aux dépenses d’investissement nécessaires pour installer ces caméras.

Dans le département des Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, maire de Nice – je suis le premier vice-président de la communauté urbaine –, a mis concrètement l’accent sur la sécurité des personnes en déployant un système de vidéoprotection extrêmement développé et performant, qui a rapidement montré son intérêt.

Pour parler de la ville de Cagnes-sur-Mer, dont je suis le maire, l’arrêté préfectoral du 8 juillet 2008 autorise la commune à installer quarante-deux caméras vidéo et un centre de supervision urbaine, ou CSU. Ce centre opère vingt-quatre heures sur vingt-quatre, trois cent soixante-cinq jours de l’année et, désormais, trente caméras fonctionnent.

De plus, j’ai récemment signé une convention avec le président du conseil général afin que les caméras installées en protection des collèges par le département puissent être reliées au CSU, qui prend le relais après la fermeture des établissements. Cette coordination des pouvoirs publics renforce à l’évidence l’efficacité du système.

De même, ce centre de supervision urbaine regroupe l’ensemble des images et concourt largement à la sécurité publique. C’est d’ailleurs devenu un appui recherché des forces de police et de gendarmerie. Quarante-trois réquisitions de la police nationale ou de la gendarmerie ont été effectuées en 2009.

J’ai entendu certains, à cette tribune, parler de dispositif liberticide, inefficace et sans effet dissuasif. En tant que maire, je m’inscris en faux contre ce tableau, excessivement négatif.

Au contraire, le centre de supervision urbaine de ma ville a pu déclencher avec efficacité – ce sont des faits, chers collègues ! – l’action de la police, permettant ainsi d’interpeller en flagrant délit les auteurs de différentes infractions graves : trafic de stupéfiants devant des établissements scolaires, agressions sexuelles, un vol à main armée et des vols à la portière.

Donc, contrairement à ceux qui paraissent douter de la vidéoprotection, au vu des résultats obtenus dans ma commune et à l’appui décisif de cette technologie nouvelle pour résoudre certaines affaires de délinquance, je ne peux qu’être favorable au développement maîtrisé de ces systèmes.

Cette efficacité, mes chers collègues, est ressentie positivement par la population.

Dans le strict respect du cadre légal qui s’impose à nous – d’autres pays, même très démocratiques, ne sont pas aussi contraints que nous à ce titre – et au vu des résultats que nous avons obtenus, la population se déclare très favorable, elle aussi, au développement de la vidéoprotection dans ma ville.

La pertinence de notre dispositif est telle que le conseil municipal a, sur mon initiative, approuvé hier soir un projet complémentaire d’extension. En effet, en accord et en coordination la plus étroite avec la police nationale, trente-quatre caméras supplémentaires seront implantées sur des sites qui ont fait l’objet d’une étude préalable approfondie.

Compte tenu de ce résultat, et puisqu’aucun de mes concitoyens n’a eu à subir le moindre désagrément, la moindre atteinte à ses libertés individuelles, je suis favorable à la plupart des recommandations contenues dans le rapport de nos collègues.

Permettez-moi de revenir plus en détail sur ces recommandations.

Je suis entièrement d’accord avec les recommandations n° 2 et 3, qui préconisent de mieux informer le public et de ne pas déléguer la surveillance de la voie publique à des personnes privées.

J’émets, en revanche, une réserve sur la recommandation n° 1. Il s’agirait de réunir pour les confier à une seule autorité, en l’occurrence la CNIL, les compétences d’autorisation et de contrôle en matière de vidéosurveillance. Ne croyez pas que je doute de la CNIL, bien au contraire ! Je pense que la CNIL est une institution très importante, mais assez parisienne et bureaucratique. Je souhaiterais donc que cette autorité un peu lointaine partage le pouvoir d’autorisation et de contrôle avec les préfets des départements qui sont, eux, en prise directe avec les spécificités locales.

J’approuve entièrement la recommandation n° 4, visant à former les opérateurs chargés de visionner les images de la voie publique. Permettez-moi néanmoins d’apporter un bémol : il serait, à mon sens, tout à fait excessif de placer sous la surveillance de caméras contrôlées par la police et la gendarmerie les opérateurs municipaux eux-mêmes. Je le rappelle, ces personnels sont de qualité et, par ailleurs, assermentés.

Je tempère de même mon adhésion aux recommandations n° 5 et 6 par un autre bémol. Monsieur le ministre, je conviens que le développement des systèmes de vidéosurveillance au niveau des bassins de vie est de nature à favoriser une coordination de ces systèmes, mais je suis extrêmement réservé quant au transfert « automatique » aux EPCI, car cela met en cause le pouvoir de police des maires. Et je tiens au pouvoir de police des maires !

Si donc j’approuve la coordination, je suis beaucoup plus réservé à l’égard du transfert « automatique ».

Les recommandations n° 7, 8 et 9, visant à mettre en place une procédure simplifiée, à délivrer une autorisation pour des zones plutôt que pour chaque caméra et à soumettre à une procédure simplifiée les dossiers de renouvellement d’autorisations, me paraissent relever du bon sens.

En définitive, la vidéoprotection est un outil supplémentaire qui, sans être la panacée, peut se révéler efficace.

Telle est la raison pour laquelle, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense nécessaire de faire évoluer l’encadrement juridique de la vidéosurveillance selon les pistes qui ont été tracées par la commission des lois, sous réserve des aménagements et des bémols que j’ai évoqués.

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