Intervention de Brice Hortefeux

Réunion du 30 mars 2010 à 14h30
Débat sur l'encadrement juridique de la vidéosurveillance

Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

Vous le savez, la vidéoprotection est au cœur de la politique de sécurité voulue par le Président de la République. Je le dis à l’attention de Mme Klès, elle constitue, en effet, un outil de prévention, de dissuasion et d’élucidation des crimes et délits. Parce qu’il s’agit donc d’un outil protecteur, nous avons la volonté de parler de « vidéoprotection ». Au-delà d’une bataille sémantique, le terme correspond à une réalité.

Aujourd’hui, où en sommes-nous ?

La France compte globalement un peu plus de 400 000 caméras autorisées. Ces caméras peuvent être situées dans des espaces publics et soumises à la procédure de la loi du 21 janvier 1995, qui organise la protection de la liberté individuelle. J’ai noté que Mme Escoffier y est particulièrement attentive.

Ces caméras sont également installées dans des lieux ouverts au public – aux alentours de 320 000 – et dans les transports, pour plus de 60 000. Sur la voie publique, elles sont à peine plus de 20 000, chiffre, à l’évidence, un peu faible.

C’est pourquoi le Président de la République et le Gouvernement ont placé au rang de priorité le déploiement effectivement massif de la vidéoprotection sur la voie publique avec, pour objectif – cela a été rappelé à juste titre – le triplement du nombre des caméras, qui devrait donc passer de 20 000 à 60 000 avant la fin de l’année 2011.

J’insiste sur le fait que, parallèlement, l’équipement des établissements scolaires les plus sensibles, des moyens de transports et des parties communes d’immeubles collectifs doit être poursuivi et amplifié. Cet équipement ne saurait remplacer la présence humaine, notamment des policiers et des gendarmes, mais il constitue l’un des moyens - certes, pas le seul - de ne laisser aucun répit aux délinquants.

Contrairement à ce que j’ai entendu, nous ne présentons pas cet outil comme la panacée ! Nous savons que tel n’est pas le cas, mais c’est pour nous l’un des moyens de lutter efficacement contre la délinquance.

Il est vrai, vous avez été plusieurs à le rappeler, que nos concitoyens plébiscitent la vidéoprotection. Si les chiffres cités illustrent, par leur grande variété, les différentes lectures des sondages, ils vont tous dans la même direction.

Je connais, pour ma part, une enquête parue en août dernier au terme de laquelle 81 % des Français interrogés estimaient que l’installation de caméras pouvait améliorer la sécurité. Si nos compatriotes la demandent, c’est au nom du bon sens : ils ont parfaitement compris qu’elle est efficace. Ils ne la réclameraient pas à 81 % si elle était inefficace, inutile, dangereuse ou liberticide, mesdames, messieurs les sénateurs !

Selon un rapport de l’Inspection générale de l’administration du mois de juillet 2009, les crimes et délits chutent, en effet, deux fois plus vite dans les villes équipées que dans celles où aucun dispositif n’est installé. À Cagnes-sur-Mer comme à Perpignan – et ce n’est pas l’ancien maire de Perpignan qui me contredira ! – des utilisations novatrices ont été engagées qui ont eu des résultats.

Il est très intéressant, et réconfortant, de constater que beaucoup de ses détracteurs d’hier sont devenus, aujourd’hui, des partisans de la vidéoprotection. Disant cela, je me place non sur le terrain de l’idéologie, mais sur le terrain du pragmatisme, refusant le déni de réalité

Je pense notamment à certains élus locaux, qui sont, à l’évidence, aujourd’hui ravis que l’État apporte son soutien financier à la vidéoprotection dans leurs communes. Entre 2007 et 2009, le Gouvernement a ainsi soutenu 1 169 projets, pour 42 millions d’euros, prenant souvent en charge jusqu’à 50 % du coût total.

Grâce à la dotation du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, en 2010, je dispose de 30 millions d’euros pour soutenir les projets des communes, contre seulement 12 millions en 2008 et 17 millions en 2009.

Monsieur Alduy, j’ai bien compris l’habileté dialectique par laquelle vous avez suggéré que l’État, dont chacun sait qu’il dispose de moyens illimités - particulièrement en ce moment ! - aille plus loin que le seul investissement et couvre éventuellement une partie du fonctionnement…C’était bien essayé, monsieur le sénateur, mais je crains malheureusement de ne pouvoir vous suivre !.)

J’ai déjà engagé 14 millions d’euros pour 280 projets représentant plus de 3 500 caméras, et les préfets instruisent chaque jour de nouvelles demandes qui seront honorées dans l’année.

Bien entendu, il n’est pas question, madame Klès, d’étendre la vidéoprotection à n’importe quel prix ! Je suis, comme vous, comme la totalité d’entre vous, attaché à la préservation de la liberté individuelle. L’efficacité des moyens donnés aux forces de l’ordre, d’une part, aux magistrats, d’autre part, pour la prévention et la résolution des crimes et délits, doit aller de pair avec la légitime protection de nos compatriotes contre les abus.

J’entends vos observations concernant le contrôle de l’installation et du fonctionnement des caméras de vidéoprotection. Je pense, comme vous, que des améliorations sont possibles, mais, je le dis très clairement, elles ne devront pas venir freiner ou hypothéquer le déploiement de la vidéoprotection si nécessaire.

Vous aviez déjà fixé le régime de la vidéoprotection dans la loi du 21 janvier 1995 complétée par la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme. Je pense sincèrement que ce régime est efficace et qu’il assure déjà une protection effective de la liberté individuelle.

J’en veux pour preuve deux séries de chiffres.

La première illustre l’efficacité de ce régime juridique pour permettre un développement dynamique de la vidéoprotection. C’est ainsi que 114 468 autorisations d’installation de caméras ont été délivrées par les préfets depuis 1995. Le nombre annuel des autorisations est en augmentation constante, passant de 4 681 en 1999 à 10 853 en 2008 et à 13 240 en 2009. Entre 2008 et 2009, l’augmentation est donc de 24 %.

La seconde série de chiffres apporte une preuve de la solidité juridique des décisions prises : le nombre des plaintes et recours contentieux demeure très faible année après année. En 2008, vingt-neuf plaintes ont été adressées aux préfets sur des systèmes défaillants, contre quatorze en 2007. Seulement deux recours contentieux ont été déposés en 2008, contre quatre en 2007. Moins de cent recours gracieux ont été déposés durant ces mêmes années. En 2009, le nombre de plaintes demeure très réduit, dix-neuf, soit une baisse de 34 % par rapport à 2008, et le nombre de recours contentieux est à nouveau de deux. Cela démontre la solidité du système.

J’en tire deux conclusions, en forme de recommandations.

La première est que le volume des dossiers de demande d’autorisation déposés dans les départements ne pourrait certainement pas être traité directement par une instance nationale, quelle qu’elle soit, dans des délais raisonnables.

J’ai bien noté la très grande solidarité qui anime la Haute Assemblée, toutes familles politiques confondues, mais je suis encore plus heureux de constater que le président de la CNIL, votre collègue Alex Türk, opine quand j’évoque cette situation. J’y suis très sensible !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion