Intervention de Jean-Claude Danglot

Réunion du 6 décembre 2007 à 10h00
Loi de finances pour 2008 — Pilotage de l'économie française

Photo de Jean-Claude DanglotJean-Claude Danglot :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, compte tenu des cinq minutes qui me sont allouées pour exprimer l'avis du groupe communiste républicain et citoyen sur la mission « Pilotage et conduite de l'économie », je concentrerai mes propos sur l'Institut national de la statistique et des études économiques.

Récemment, l'Institut a annoncé une série de modifications concernant ses enquêtes sur l'emploi, notamment l'augmentation de la taille de l'échantillon de référence. Selon nous, cette évolution ne peut être envisagée que si des moyens financiers et en personnels supplémentaires sont accordés

Or, la loi de finances et le contrat pluriannuel de performance, signé en février dernier entre le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le directeur du budget et le directeur général de l'INSEE, ne vont pas dans ce sens. Ainsi, le contrat de performance prévoit une réduction des emplois équivalents temps plein travaillé de 5, 4 % sur trois ans. Le Gouvernement confirme donc, encore une fois, sa politique de démantèlement des administrations de l'État, poussant vers la privatisation un nombre croissant de missions d'enquête et de contrôle.

En ce qui concerne plus précisément les missions de l'INSEE, je voudrais maintenant aborder deux questions d'importance pour nos concitoyens : les chiffres du chômage et l'indice des prix.

Notre assemblée - comme chacun d'entre nous, j'en suis persuadé - est convaincue qu'une statistique indépendante est un outil essentiel de démocratie politique. Garantir cette indépendance nécessite de s'interroger sur l'existence d'éventuelles pressions politiques sur les institutions statistiques mais, également, d'assurer la transparence méthodologique.

Or, en janvier dernier, l'INSEE a pris une décision unique dans son histoire en reportant la publication des chiffres du chômage au lendemain de l'élection présidentielle. En effet, contrairement aux déclarations triomphales du gouvernement de Villepin, le taux de chômage moyen n'était vraisemblablement pas descendu à 8, 7 % de la population active, mais avoisinait les 9, 8 %.

Ce taux était certainement très gênant pour un candidat à l'élection présidentielle, membre du gouvernement depuis plusieurs années, et qui n'entendait pas mener une politique économique et sociale très différente ! Nous ne pouvons que constater l'existence d'un véritable problème d'indépendance de la statistique et de sa crédibilité.

Selon le Gouvernement, le chômage baisse. Or, comme l'a rappelé la sénatrice Odette Terrade dans son rapport, l'INSEE confesse lui-même que la modification de sa méthode de calcul a abouti à réduire le taux de chômage de presque un point au deuxième trimestre de 2007 ! Une chose est sûre, si le chômage baisse, le nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail est supérieur aux 2, 2 millions affichés à la fin du mois de juillet 2007 par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi !

Pourquoi croyez-vous que nos concitoyens ne ressentent pas l'amélioration du marché de l'emploi ? Sans doute parce que les chiffres que vous assénez ne rendent pas compte de la réalité ! Dans les chiffres de l'ANPE, des populations entières ne sont pas prises en compte : est-ce à croire que ces personnes n'existent plus ? Or, si le taux de chômage s'est stabilisé, l'ensemble des gens privés d'emploi, se trouvant dans des situations précaires, a continué de progresser.

À titre d'exemple, dans mon département, tous les secteurs sont touchés. C'est ainsi que 10 000 emplois industriels ont été supprimés durant ces quatre dernières années, dans le textile, et notamment dans le secteur de la dentellerie, qui continue à délocaliser à outrance, dans la chimie, chez les équipementiers automobiles, dans l'agroalimentaire, la verrerie - avec Arc international -, l'industrie papetière et dans bien d'autres encore. Le secteur public n'est pas épargné : hôpitaux, tribunaux, enseignement. L'annonce récente de 7 000 suppressions de contrats de travail dits « aidés », dans le seul département du Pas-de-Calais, sème également le doute sur les résultats que vous présentez. En revanche, ces salariés attendent pour cette fin d'année leur lettre de licenciement, qui, elle, sera bien réelle !

Je ne souhaite pas continuer dans la froideur de vos statistiques. Je m'attacherai surtout à vous dire ce qu'elles représentent dans la vie concrète de milliers de personnes, qui souhaitent tout simplement vivre dignement de leur travail !

En octobre 2007, une délégation d'une centaine de demandeurs d'emploi du Nord-Pas-de-Calais a entrepris une marche pour le respect de la dignité humaine et le droit au travail. Le samedi 27 octobre, à l'issue de leur périple qui les a conduits à traverser six départements, ils ont remis 4 500 curriculum vitae à l'Élysée, à l'intention du Président de la République.

À ce jour, aucune offre d'embauche n'est parvenue à ces milliers de demandeurs d'emploi qui ont fait cette démarche. Pourtant, le Président de la République avait promis, lorsqu'il était candidat, de proposer deux emplois adaptés à chaque chômeur. La livraison se fait toujours attendre dans les ANPE ! Le Gouvernement est-il vraiment capable d'honorer cet engagement chiffré ?

Au regard de l'inadéquation des mesures annoncées par le Président de la République pour répondre à la baisse du pouvoir d'achat des Français et à la précarisation accrue du monde du travail, je crois qu'il n'était pas inutile, dans une mission consacrée au pilotage et à la conduite de l'économie, d'aborder la question des décalages existant entre la perception de la réalité par le Gouvernement et par les Français. Même si je reste persuadé que l'insuffisance des actions menées relève plus de l'absence de volonté politique que de la cécité !

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