Intervention de Jean-Paul Emorine

Réunion du 6 décembre 2007 à 21h45
Loi de finances pour 2008 — Politique des territoires

Photo de Jean-Paul EmorineJean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, Jean-Paul Alduy et Dominique Mortemousque, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, n'ayant pu, à leur grand regret, être présents ce soir, j'ai le plaisir de présenter au Sénat l'avis de cette commission sur la mission « Politique des territoires ».

La réduction du périmètre de cette mission, amorcée dès 2007, s'est brutalement accélérée. Cette dernière ne comporte plus, dans le projet de loi de finances pour 2008, que deux programmes, à savoir le programme « Aménagement du territoire », qui retrace les moyens de la DIACT, la Délégation à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, et le programme expérimental « Interventions territoriales de l'État », ou PITE, qui regroupe sept grands projets interministériels de nature très diverse. Comme l'a observé en commission Jean-Paul Alduy, nous sommes réduits au « minimum syndical », puisqu'il ne peut y avoir de mission mono-programme.

Vous le savez, mes chers collègues, la cohérence de cette mission avait, depuis sa création, suscité bien des interrogations. Ce périmètre restreint ne les lève pas, compte tenu du particularisme du PITE, qui se présente comme un ensemble de mini-programmes étanches et indépendants les uns des autres. Minimaliste, la mission reste également composite.

En revanche, sa nouvelle architecture pose le problème de sa masse critique car, telle qu'elle a été modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, elle ne représente que 415 millions d'euros en crédits de paiement, soit le dixième des moyens consacrés à l'aménagement du territoire, estimés à 4, 15 milliards d'euros par le nouveau document de politique transversale qui remplace cette année l'ancienne annexe « jaune ».

Nous nous félicitons, certes, de la création de ce document, d'autant plus que celle-ci avait été demandée par les rapporteurs pour avis de la commission lors de la discussion de la dernière loi de finances.

Toutefois, il nous semble, madame la secrétaire d'État, que la politique de l'aménagement du territoire peine à trouver sa traduction dans la maquette LOLF, et c'est pour nous un problème qui mérite examen. Nous serions donc heureux d'entendre le point de vue du Gouvernement sur cette question.

En tout cas, mes chers collègues, ce défaut de lisibilité budgétaire de la politique de l'aménagement du territoire contraste, comme le soulignent nos rapporteurs pour avis, avec la vitalité de cette politique et sa capacité à innover et à se rénover.

Je ne m'étendrai pas, madame la secrétaire d'État, sur l'analyse des crédits de la mission, qui a été réalisée, avec le talent qu'on lui connaît, par M. le rapporteur spécial de la commission des finances.

Permettez-moi, toutefois, d'évoquer rapidement, après lui, deux points précis relevés par nos rapporteurs pour avis.

Le premier point porte sur la situation du FNADT, le Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire, qui est préoccupante du fait des écarts accumulés entre le niveau des engagements du fonds et celui de ses moyens de paiement.

Nous saluons, madame la secrétaire d'État, l'effort réalisé pour assainir cette situation tout en maintenant un volume de crédits de paiement suffisant. Toutefois, comme la commission des finances, nous souhaitons être assurés que cette remise en ordre ne pèsera pas, en 2008 ni en 2009, sur les missions du fonds, en particulier sur les nouveaux contrats de projets État-régions et sur le financement des pôles d'excellence rurale.

Le deuxième point que je souhaite relever concerne les dépenses fiscales. Dans l'audit du programme « Aménagement du territoire » qu'il a réalisé cette année, le comité interministériel d'audit des programmes, le CIAP, s'est interrogé, comme avant lui les rapporteurs des deux assemblées, sur les dépenses fiscales associées à ce programme, qui sont estimées pour 2008 à 733 millions d'euros.

Les rapporteurs pour avis de la commission avaient souhaité obtenir des informations sur ces dépenses, sur les critères de leur rattachement au programme et surtout sur leur efficacité économique, notamment en termes de création d'emplois. Or ces questions sont demeurées sans réponse. Je voudrais donc insister, madame la secrétaire d'État, sur la nécessité de progresser dans l'analyse des dépenses fiscales et de leur « efficience ».

Par ailleurs, les débats récents que nous avons eus ici même sur la réforme des exonérations de cotisations sociales dans les zones de revitalisation rurale auraient mérité d'être éclairés par un bilan détaillé de ces mesures, qui semblent avoir obtenu de bons résultats.

Je rappellerai, madame la secrétaire d'État, que, lors de l'examen de la loi DTR, la loi relative au développement des territoires ruraux, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur devant le Sénat, nous avions obtenu pour les zones rurales des exonérations assez sensibles, et je me souviens de la bataille que nous avions livrée alors avec le ministère des finances.

Les zones rurales en France rassemblent 4, 5 millions d'habitants, dans 12 000 communes, avec des seuils de population qui, dans le Cantal, sont inférieurs à 31 habitants au kilomètre carré. Je crois donc qu'il faut analyser de façon plus pertinente les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient ces zones avant d'adopter de nouveaux dispositifs.

Mes chers collègues, j'en viens à la réalité de la politique d'aménagement du territoire : pour votre commission des affaires économiques, celle-ci s'apprécie à travers la poursuite de la politique des pôles et la rénovation de deux instruments anciens de l'aménagement du territoire, à savoir la contractualisation avec les régions et la prime d'aménagement du territoire, la PAT, créées l'une et l'autre voilà un quart de siècle.

Tout d'abord, la politique des pôles de compétitivité ou des pôles d'excellence rurale est véritablement innovante, car elle est fondée non pas sur une logique de guichet mais sur le soutien aux initiatives des acteurs économiques ; elle a suscité une réelle mobilisation. Ces deux dispositifs arrivent à l'heure des premières évaluations, et les modalités de leur poursuite font l'objet d'une réflexion.

Après la labellisation, en juillet 2005, de cinq nouveaux pôles de compétitivité, qui a porté le nombre de ces derniers à 71, dont 17 pôles à vocation mondiale, les nouvelles créations sont suspendues en attendant les résultats de l'évaluation qui sera menée en 2008, donc pendant la dernière année d'application du dispositif de soutien prévu.

Avant même cette évaluation, quels sont les premiers éléments du bilan des pôles de compétitivité ?

Je relèverai tout d'abord que le dispositif d'accompagnement financier, qui représente 1, 5 milliard d'euros sur trois ans, s'est mis en place selon le rythme prévu et a dans l'ensemble bien fonctionné, bénéficiant depuis 2005 à quelque 332 projets de recherche et développement, d'un montant total de près de 3 milliards d'euros, et dans lesquels se trouvent impliqués 9 000 chercheurs.

J'émettrai une seule réserve : l'application des exonérations fiscales, évaluées à 160 millions d'euros sur trois ans et consenties aux entreprises situées dans la zone de recherche-développement des pôles et participant à leurs projets, a pris du retard, en raison de l'échelonnement, jusqu'en mai 2007, de la parution des décrets délimitant les zones éligibles, ce qui a beaucoup gêné les PME concernées.

En revanche, il faut souligner que tous les pôles ont présenté des projets de recherche et développement, ce qui indique qu'une véritable dynamique s'est créée, que la participation des PME, qui avait suscité quelques interrogations, semble s'être bien enclenchée, tant en termes de participation aux pôles - 74 % des entreprises des pôles à vocation mondiale labellisées avant juillet dernier sont des PME - que d'accès aux aides à la recherche.

Les PME représenteraient ainsi 48 % des entreprises bénéficiaires des aides du fonds unique interministériel et recevraient 28 % des aides accordées, ce qui donne à croire - j'espère, madame la secrétaire d'État, que vous pourrez nous le confirmer - que l'objectif d'intégration des PME dans des filières de projet est en passe d'être atteint.

Les pôles d'excellence rurale, qui se fondent sur une logique de soutien à un projet, relèvent de la même inspiration que les pôles de compétitivité. Ils ont connu le même succès, si bien que 379 pôles d'excellence rurale ont été créés au lieu des 300 prévus - je me souviens être intervenu auprès du ministre responsable de l'époque et même du Premier ministre, pour que l'on atteigne ces chiffres -, et que le soutien public a été porté cette année à 235 millions d'euros sur trois ans, somme qu'il faut rapprocher du montant total d'investissements prévu, qui est estimé à 1, 2 milliard d'euros.

Une évaluation initiale du dispositif a été conduite cette année par le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux : nous espérons, madame la secrétaire d'État, que ses conclusions nourriront une réflexion sur l'intégration de la technique de l'appel à projets dans les instruments de la politique de l'aménagement rural.

Imposée en partie par les évolutions de la réglementation européenne, la réforme de la politique contractuelle avec les régions et de la prime d'aménagement du territoire, créées en 1982, a aussi été l'occasion d'intégrer les priorités en matière de compétitivité des territoires, de développement durable et de cohésion sociale définies aux sommets européens de Lisbonne et de Göteborg.

Précédée d'une très large concertation, la réforme des contrats État-région les recentre sur des secteurs vitaux pour le développement régional et sur de grands projets, en maintenant le niveau des concours de l'État à 12, 7 milliards d'euros. Nous nous félicitons aussi de la mise en cohérence des contrats de projet État-région et de la programmation des nouveaux fonds structurels, ainsi que de l'harmonisation des procédures de suivi et d'évaluation de ces deux instruments, qui devrait faciliter l'exécution des contrats de plan État-région et le respect des engagements pris.

Enfin, en dépit de la réduction, en métropole, du champ d'application des aides à finalité régionale, la PAT devrait rester un instrument efficace de soutien à l'activité et aux créations d'emplois, grâce à un zonage très fin, incluant le plus grand nombre possible de territoires en difficulté ou susceptibles d'accueillir de nouveaux projets, et à une réforme de son régime qui la rendra plus sélective, plus incitative. Cette réforme utilise toutes les possibilités de la réglementation communautaire pour maximiser les aides à l'innovation et aux PME.

En fonction de ces observations, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».

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