Intervention de Yolande Boyer

Réunion du 6 décembre 2007 à 21h45
Loi de finances pour 2008 — Politique des territoires

Photo de Yolande BoyerYolande Boyer :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » dont nous examinons ce soir les crédits est réduite à sa plus simple expression, puisqu'elle compte désormais seulement deux programmes, au lieu de cinq auparavant : « Aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ».

Le rapporteur affirmait d'ailleurs en commission, comme vient de le rappeler M. Émorine, que « le périmètre de la mission est réduit au minimum syndical » et que « la politique d'aménagement du territoire peine à trouver une traduction lisible dans le cadre de la LOLF ».

En effet, cette mission se trouve noyée dans le grand ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

En ce qui concerne les crédits, ils baissent de 10 millions d'euros, soit de 11 %, pour les autorisations d'engagement, et de 16 millions d'euros, soit de 6 %, pour les crédits de paiement.

Mon intervention portera essentiellement sur l'aménagement du territoire, mais je veux évoquer un point particulier du programme « Interventions territoriales de l'État », qui est nouveau et finance des actions interministérielles limitées dans le temps.

Je suis en effet spécialement attentive à l'action « Eau-agriculture en Bretagne », qui est dotée de 30, 8 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 17 millions d'euros en crédits de paiement, principalement affectés au plan « urgence nitrates ». Ce dernier mobilisera 87 millions d'euros sur cinq ans.

Cette action a le mérite d'amener la Commission européenne à suspendre la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes. Le plan précité devrait permettre, pour la fin de 2009, la mise en conformité avec la réglementation communautaire de neuf bassins versants de Bretagne.

J'en viens maintenant à l'aménagement du territoire.

Il se caractérise, depuis quelque temps, par une nouvelle philosophie : celle de la compétitivité des territoires, mis en concurrence.

Cette philosophie est illustrée par des changements d'appellation, le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, étant devenu le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, le CIACT, et la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, étant devenue la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT.

On ne parle plus de péréquation ni de solidarité. Le retrait de l'État pèse lourdement sur les collectivités locales, notamment sur les plus fragiles d'entre elles. Il est pourtant important de rappeler qu'elles réalisent 72 % des investissements publics et contribuent ainsi fortement à l'activité publique et à l'emploi.

Une récente étude de l'Association des régions de France dévoile que les régions ont dû abonder les crédits à hauteur de 18, 4 % pour assumer la gestion des personnels techniciens, ouvriers et de service de l'éducation nationale, les TOS.

De plus, concernant les communes et les communautés de communes, la fin du contrat de croissance et de solidarité est annoncée pour 2008. Il devrait en résulter une forte baisse, à concurrence d'environ 20 %, de la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

L'autonomie financière des collectivités en prend encore un coup, mais il faut bien appliquer le dogme énoncé par M. le Premier ministre : « moins de services, moins de personnel, moins d'État sur le territoire » !

Dans le même ordre d'idées, j'évoquerai les pôles de compétitivité, mais pas tout à fait de la même manière que M. Émorine !

Ce dispositif est une illustration d'une politique qui attribue des primes publiques à la concentration de capital humain ou financier. Il est présenté comme un moyen de résoudre, à lui seul, les problèmes d'attractivité du territoire et de délocalisations.

Quant aux pôles d'excellence rurale, je m'interroge sur la capacité de territoires non organisés à porter des projets nouveaux pour lesquels les taux de subvention s'élèvent à 33 %, ce qui les oblige donc à trouver d'autres financements.

Concernant la prime d'aménagement du territoire, les crédits qui lui sont affectés baissent depuis plusieurs années. Nous pouvons nous interroger sur le rôle que peut jouer ce dispositif doté de moins en moins de moyens pour les territoires fragilisés, ainsi que sur les seuils d'éligibilité, qui viennent d'être relevés.

Quant aux contrats de projet, ils se substituent aux contrats de plan État-région et seront dorénavant couplés avec les fonds européens pour la période 2007-2013, ce qui est une bonne chose.

Avec 12, 7 milliards d'euros, la participation de l'État est inférieure à la contribution européenne, qui est de 18 milliards d'euros. Au vu des prévisions budgétaires, le niveau de 14 % d'engagements prévu ne pourra être atteint la première année.

Les priorités indiquées reflètent presque exclusivement les préoccupations de l'État, mais il faut souligner que les routes sont exclues de ces contrats : dans ces conditions, quelles assurances peut-on avoir, s'agissant de l'aménagement du territoire, en termes d'infrastructures ? Il est clair que l'aménagement du territoire passe par des infrastructures performantes - ma collègue Jacqueline Alquier évoquera ce point dans un instant - et par le maintien des services publics en milieu rural, qui sont essentiels au maillage du territoire.

S'agissant précisément des services publics, je veux évoquer une évolution que tous les élus locaux dénoncent. Je consacrerai le reste de mon intervention à ce thème.

Depuis plusieurs années, en milieu rural, nous assistons à la disparition des bureaux de poste, des services des directions départementales de l'équipement, des hôpitaux de proximité.

Les hôpitaux de proximité contribuent au maintien de la qualité de l'offre de soins par leur seule présence. Leur fermeture présente un risque en termes d'aménagement du territoire, mais aussi d'efficacité de la dépense publique. Afin de pouvoir faire des choix sérieux, un moratoire de dix-huit mois a été demandé.

L'exemple le plus récent de « déménagement du territoire » est la mise en place de la carte judiciaire, qui va se solder par la disparition de 178 tribunaux d'instance, de 23 tribunaux de grande instance, de 55 tribunaux de commerce, de 63 conseils de prud'hommes.

Cette réforme, certes nécessaire, personne ne le nie, se fait au mépris de toute raison, selon une simple logique mécanique et comptable, sans concertation et avec un mépris profond des élus locaux, qui connaissent leurs territoires. Mais Mme la garde des sceaux ne prend la peine ni de les écouter, ni de les recevoir, ni de répondre à leurs courriers. Jamais des élus de la République n'avaient été traités de cette façon !

Comme des images sont plus parlantes que des discours, je vous présente, madame la secrétaire d'État, deux cartes figurant la géographie judiciaire bretonne avant et après la réforme de Mme Dati ! §Je crois que ces cartes sont éloquentes : il n'y a plus rien au centre de la Bretagne, on peut parler de désert judiciaire breton ! J'imagine que d'autres régions doivent connaître des situations analogues.

S'agissant toujours des services publics, la réforme de l'administration des impôts est actuellement mise en oeuvre, par la fusion de la direction générale des impôts et de la comptabilité publique...

Par ailleurs, des bruits courent, auxquels je n'ose croire en tant que maire d'une ville siège d'une sous-préfecture, faisant état de la suppression à venir de sous-préfectures.

On pourrait encore évoquer les réductions drastiques des subventions des caisses d'allocations familiales, qui remettent en cause les politiques des collectivités locales en faveur de la jeunesse.

Quant aux maisons de l'emploi dont les contrats ne sont pas signés, elles sont « gelées », nous dit-on ! Pourquoi ?

Pourquoi signer, en outre, une charte de l'organisation des services publics et au public en milieu rural si elle n'est pas respectée ?

L'Association des maires de France et l'Association des petites villes de France dénoncent de telles pratiques, mais elles ne sont pas entendues.

Parler d'aménagement du territoire dans ces conditions, c'est vraiment se moquer du monde. Aujourd'hui, la politique menée renforce les territoires favorisés et néglige ceux qui sont en situation de détresse. Notre crainte, c'est la concentration des aides publiques, la concentration des moyens financiers et humains dans les zones fortement urbanisées.

Je crois important de rappeler qu'efficacité économique et solidarité sociale et territoriale ne s'opposent pas. L'aménagement du territoire doit être le moyen d'affirmer le rôle de l'État, pour faire valoir les principes d'égalité, de solidarité.

La politique du gouvernement auquel vous appartenez va à l'encontre de ces objectifs, madame la secrétaire d'État, c'est pourquoi le groupe socialiste votera contre ce projet de budget.

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