Monsieur le président, `madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, mes propos vont sans doute répéter sur certains points ceux de mes collègues, mais chacun doit s'exprimer à son tour.
La mission « Politique des territoires » est réduite, cette année, à deux programmes « Aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ».
L'aménagement du territoire est une grande et belle intention qui suppose une politique cohérente de long terme, des moyens conséquents et des outils d'intervention pluriannuels et adaptés.
Or nous parlons, aujourd'hui, d'une mission dont le périmètre se réduit chaque année et pour laquelle les ministères de tutelle varient au gré des constructions gouvernementales. J'avais déjà insisté, l'année dernière, sur le manque de cohérence de cette mission rattachée, ces cinq dernières années, à trois ministères différents.
Cette mission, l'une des plus faibles en termes de crédits, est une addition de projets sans beaucoup de moyens. Cela ne signifie pas, bien entendu, que ces projets ne sont pas bons, mais ils témoignent d'une technique très pointilliste ! Les pôles, comme le programme des interventions territoriales de l'État, les PITE, ciblent des points particuliers, et les contrats de projet ont remplacé les contrats de plan. Nous sommes bien dans la même logique. Les réponses ponctuelles qui sont apportées masquent mal le renoncement de l'État à équilibrer, à répartir et à aménager le territoire dans une vision de long terme.
Et pourtant, le concept d'aménagement du territoire perdure dans le vocabulaire tant les élus et la population y sont attachés. Lorsque nous parlons de transport, de téléphonie mobile, d'accès à l'internet avec nos concitoyens - et je vous assure qu'ils viennent nous en parler souvent dans nos permanences -, nous sommes assaillis de questions.
Les Français ne comprennent pas la logique qui consiste à poser une conduite de gaz ou une ligne téléphonique seulement là où c'est rentable. Qu'il s'agisse de la présence postale, de l'accès aux nouvelles technologies ou de la desserte ferroviaire de nos territoires, tous ces services sont mis à mal et les collectivités sont de plus en plus sollicitées pour garantir leur présence.
Aujourd'hui, force est de constater que tout service public jugé non rentable est simplement fermé. C'est d'autant plus fâcheux que, la plupart du temps, ce sont les mêmes populations, habitant la campagne, qui sont privées de l'ensemble de ces services.
Cette manière de procéder a tout à voir avec le commerce et rien avec l'aménagement du territoire. Or la finalité d'une politique des territoires, c'est bien la répartition des services et la péréquation des moyens. Je ne conteste pas l'intérêt d'encourager l'excellence, mais, sans infrastructures de transport et de télécommunications dignes de ce nom, il n'est pas de développement possible pour un territoire, d'autant plus s'il est fragilisé. Les caisses sont vides, nous répète-t-on à l'envi. Alors pourquoi avoir fait ce cadeau somptueux de 15 milliards d'euros ? Une répartition différente des crédits aurait peut-être permis d'être plus juste.
La liste des services publics menacés est trop longue pour que je les évoque tous. Je parlerai seulement de la réforme de la carte judiciaire, qui entérine la disparition d'environ 400 juridictions, principalement des tribunaux d'instance et des conseils de prud'hommes.
Concernant ces derniers, on voudrait progressivement faire disparaître cette instance paritaire que l'on ne s'y prendrait pas autrement. Savez-vous que les personnes qui interviennent dans les conseils de prud'hommes, si elles sont indemnisées, sont quasiment des bénévoles ? Leur demander de faire des kilomètres supplémentaires avec une si petite rémunération est le meilleur moyen de décourager toute envie de s'investir.
J'évoquerai maintenant les zones blanches. Le problème n'est pas réglé partout, loin de là. Or nous assistons à la disparition de tout indicateur dans les documents budgétaires. Pourtant, nombre de nos concitoyens peuvent témoigner des carences de la couverture numérique du territoire. Dans ce sens, la gestion du dividende numérique aurait dû être l'occasion de poser la question essentielle de l'intégration du haut débit dans le service universel. Mais, au fond, sommes-nous vraiment surpris ? Le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré que « la réforme de l'État supposera que chacun d'entre nous accepte qu'il y ait moins de services, moins de personnels, moins d'État sur son territoire » ?
Si l'on considère les moyens et les outils de l'aménagement du territoire, on constate que le Commissariat général au Plan a disparu, que la DATAR, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, a fait place à la DIACT, Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, et que l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, n'est assurée de financement que jusqu'en 2008, peut-être 2009.
L'année prochaine, l'examen des crédits de la mission « Politique des territoires » se fera peut-être, comme à l'Assemblée nationale, dans le cadre non plus de notre séance plénière mais d'une commission élargie. La mission aura peut-être même disparu. « C'est bien triste », comme le disait l'un de nos collègues de la majorité.
Les crédits du programme « Aménagement du territoire » sont encore en diminution pour 2008, de 9, 5 % en autorisations d'engagement et de 5, 7 % en crédits de paiement. Les engagements pris dans le cadre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire ne pourront donc pas être tenus, même si des efforts ont été faits pour l'alimenter.
La LOLF a en principe pour ambition de permettre de mieux utiliser l'argent public en évaluant la pertinence des attributions et en mesurant plus précisément la consommation des crédits, c'est-à-dire, en un mot, en permettant au Parlement d'y voir clair. En tout cas, c'est ce qui nous a été affirmé.
Et que constatons-nous ? Un périmètre variable, des réponses incomplètes des services - aux dires même du rapporteur -, des engagements non tenus, des indicateurs peu pertinents.
À vrai dire, j'aurais pu lire intégralement les principales observations - résumées au début du rapport - du rapporteur spécial, Roger Besse, dont je salue le travail, ou encore des passages du rapport de notre collègue Jean-Paul Alduy. Tous deux ont laissé transparaître un certain désenchantement. Mais peut-être ai-je mal interprété leurs propos ?
Madame la secrétaire d'État, vous aurez compris en écoutant mon intervention que le groupe communiste républicain et citoyen ne votera pas les crédits de cette mission.