Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 6 décembre 2007 à 21h45
Loi de finances pour 2008 — Politique des territoires

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai quelques scrupules à intervenir à cette heure tardive sur un problème qui, certes, fait partie des sept actions du PITE, mais qui, contrairement aux autres, est d'une nature politique : je veux parler du « programme exceptionnel d'investissement en faveur de la Corse », le PEI.

Un bref retour en arrière me permettra de vous rappeler que le PEI a été prévu dans la loi Jospin relative à la Corse adoptée en 2002. Cette loi faisait suite aux accords de Matignon, qui traitaient de problèmes éminemment politiques.

Ce programme devait être doté de 2 milliards d'euros sur quinze ans. Une première convention d'application portait sur la période 2003-2006. Les démarrages sont toujours difficiles, aussi, ne faisons pas preuve d'une trop grande sévérité. Mais il faut bien dire que, très vite, les dégâts ont commencé, si j'ose dire.

J'avais interrogé M. Estrosi l'an dernier ; il m'avait répondu de façon extrêmement succincte. Je me réjouis donc que ce soit vous qui soyez au banc du Gouvernement, madame la secrétaire d'État. J'espère que les réponses que vous m'apporterez seront plus substantielles que celles que j'avais obtenues l'an dernier.

Après la première convention, la collectivité territoriale de Corse et l'État en ont signé une deuxième. La première convention était dotée d'un montant de 500 millions d'euros, et la deuxième, de 1 milliard d'euros. Les deux cumulés représentent donc au total pratiquement les trois quarts du montant global programmé pour le PEI. Vous imaginez le problème !

Dans le projet de budget qui nous est soumis, sont prévus 5 millions d'euros en crédits de paiement et 11 millions d'euros en autorisations d'engagement. Un de mes collègues, qui ne siège pas dans cette assemblée, a estimé que, dans ces conditions, le PEI était « pulvérisé ».

Ces propos méritent d'être nuancés. Bien sûr, les contributeurs - quel mot horrible ! - sont là pour fournir les crédits qui manquent au budget. La participation d'un ensemble d'organismes permet d'ajouter 84 millions d'euros en autorisations d'engagement et 38, 6 millions d'euros en crédits de paiement. Il s'agit notamment de l'AFTIF, de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, de l'Agence de l'eau, du Comité national du sport. Je vous donne bien volontiers acte que ces crédits supplémentaires sont bienvenus. Mais on peut s'interroger : quel est le rapport entre l'Agence de l'eau et le PEI ?

On peut se demander aussi de quels moyens vous disposerez pour suivre la traçabilité des crédits qui viennent d'organismes extérieurs au budget. Comment allez-vous vérifier que ces crédits sont bien utilisés ?

En fait, la lisibilité de la programmation du PEI au regard des objectifs recherchés par le législateur en 2002 n'apparaît pas clairement. Aujourd'hui, toutes les opérations concernant les investissements et les équipements en Corse sont incluses dans le PEI alors que ce dernier n'avait pour objet que de rattraper un retard historique.

Notre collègue Paul Girod avait eu l'intuition de ce glissement et du fait que, compte tenu de l'effondrement des crédits déconcentrés et des fonds structurels, le PEI deviendrait ce vase où tout s'engouffre, où l'on inscrit tous les crédits d'équipement, et pas seulement ceux que je viens d'évoquer.

La liste des opérations inscrites dans le PEI constitue un véritable « inventaire à la Prévert ». Je n'aurai pas la cruauté de vous énumérer dans le détail celles de la période 2002-2006.

Faut-il une pelouse synthétique sur un stade ? Faut-il quelques mètres de canalisations pour une opération d'adduction d'eau ? Faut-il, comme dans certaines communes, une étude de faisabilité pour installer un jardin d'enfants ? Dans tous ces cas, on fait appel au PEI !

Comme il s'agit probablement de la dernière fois que l'on évoquera à cette tribune cette mission, qui relèvera sans doute à l'avenir des commissions élargies, autant que j'en profite ! Vous le voyez bien, le PEI est devenu en quelque sorte un véritable fourre-tout. La liste des opérations qu'il sert à financer a de quoi édifier.

Madame la secrétaire d'État, il faudrait réfléchir à la façon d'éviter que des opérations injustifiées ne figurent au PEI. Par quelles mesures en revenir à l'esprit de la loi ?

Il y a eu un plan Bretagne, un plan Massif central. Le PEI aurait pu les remplacer, mais il ne les remplacera pas car tous ses crédits ne sont consacrés qu'à des problèmes insignifiants.

J'aimerais que l'on m'explique pourquoi la rénovation et l'aménagement urbains doivent relever du PEI alors que les problèmes qui se posent à Ajaccio ou à Bastia sont de même nature que ceux que l'on rencontre à Vitrolles, je songe aux routes, aux déchets... Je le répète, le PEI n'avait qu'un seul objet : rattraper un retard historique. Le dispositif est complètement dénaturé.

Je pense que, dans dix ans - le temps passe vite -, le réseau routier de Corse sera à peu près dans le même état que celui dans lequel il se trouvait lorsque le PEI a été créé. L'axe Bonifacio ne sera pas terminé, car il n'y aura plus de crédits. Il a fallu vingt ans pour construire vingt kilomètres !

Un glissement a été opéré. Comment en sortir ? Je n'en sais rien. La seule chose que je peux dire, c'est que l'État et la collectivité territoriale de Corse ont tous deux cédé à la facilité, ce qui a conduit à la dénaturation du PEI. Pour ma part, je me réjouis de n'y avoir jamais pris part.

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