Intervention de Claude Biwer

Réunion du 6 décembre 2007 à 21h45
Loi de finances pour 2008 — Politique des territoires

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen de ce budget est particulièrement important, car il nous permet de débattre de l'aménagement du territoire, sujet qui intéresse au plus haut point l'ensemble des élus locaux.

Une fois n'est pas coutume, je dirai que si, globalement, la politique d'aménagement du territoire menée par le Gouvernement va dans le bon sens, lorsque l'on examine de manière plus fine certaines orientations, on ne peut s'empêcher de ressentir quelques inquiétudes quant au devenir de nos territoires ruraux.

Je crains en effet que ne se redessine, de manière insidieuse, une France à deux vitesses. Je vous donnerai quelques exemples qui semblent indiquer, malheureusement, que nous allons dans ce sens.

Les très importants crédits des contrats de projets État-Régions, soit 12, 7 milliards d'euros, auxquels s'ajoute la contribution européenne sur les territoires, soit 18 milliards d'euros, semblent malheureusement privilégier les centres urbains au détriment des zones rurales.

Les pôles de compétitivité mobilisent 1, 5 milliard d'euros, dont 831 millions de crédits d'État, mais, là encore, ils sont affectés à des projets essentiellement urbains, même si leur intérêt ne peut pas être mis en doute.

Certes, il y a plus de pôles d'excellence rurale - nous en avons bénéficié - mais l'État n'y consacre que 235 millions d'euros.

S'agissant des ressources financières des communes, il faut noter que les crédits de la dotation de solidarité urbaine vont dépasser le milliard d'euros en 2008, alors que cette dotation n'est versée qu'à quelques dizaines de villes, tandis que les crédits de la malheureuse dotation de solidarité rurale, versée à plus de 20 000 communes, atteindront à peine les 690 millions d'euros !

Malgré nos nombreuses interventions et la réforme constitutionnelle, la véritable péréquation que nous sollicitons nous semble encore bien lointaine. Nous revenons sur ce sujet chaque année. Malgré cela, nous avons véritablement le sentiment que le fossé se creuse.

De même, si les résultats sur le terrain des zones franches urbaines sont plus qu'encourageants, le moins que l'on puisse dire est que le décollage économique des zones de revitalisation rurale est plus qu'incertain.

Ce constat m'a conduit à maintes reprises à demander que la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux soit au moins égale à celle qui est mise en oeuvre en faveur des zones urbaines. Il faudrait pour cela majorer de manière substantielle les crédits affectés aux pôles d'excellence rurale et à la dotation de solidarité rurale, autoriser les zones de revitalisation rurale, les ZRR, à créer des zones franches rurales et leur permettre de bénéficier des mêmes réductions de charges fiscales et sociales que les zones franches urbaines. Je suis persuadé que ce serait la meilleure manière d'y attirer des entreprises. J'ai, avec plusieurs de mes collègues, déposé une proposition de loi allant dans ce sens. Je compte beaucoup sur l'appui du Gouvernement.

Le développement des territoires ruraux passe aussi par le maintien de services publics de qualité. À cet égard et à la lumière des réactions de certains de mes collègues de bien d'autres départements, je crains malheureusement que la charte sur l'organisation de l'offre des services publics et au public en milieu rural ne soit pas véritablement respectée et que l'on continue de « réorganiser » les services publics, les bureaux de poste, les recettes-perceptions et les gares de fret sans réelle concertation. À cet égard, l'annonce récente de la réorganisation régionale de La Poste en Lorraine est tout à fait édifiante : les élus, y compris les élus nationaux, en ont été indirectement prévenus par une organisation syndicale ! Cela n'est pas tout à fait normal.

Le renforcement de l'attractivité des territoires ruraux passe aussi par le développement des technologies désormais indispensables aux entreprises et aux particuliers. Il faudrait d'abord que la téléphonie mobile fonctionne dans toutes les zones, que tous les secteurs ruraux puissent bénéficier d'un accès à internet à haut débit et que la télévision numérique terrestre soit diffusée de façon maximale.

Dans la Meuse, malgré d'indéniables progrès grâce aux efforts considérables du département et des élus locaux, de nombreuses entreprises, ainsi que de nombreux particuliers, n'ont pas accès à l'heure actuelle à ces technologies - force est de le constater - ou alors dans de mauvaises conditions. Cela n'est pas admissible. Ainsi, madame la secrétaire d'État, moi-même, je ne peux pas accéder à la téléphonie mobile et au haut débit dans mon bureau de sénateur, situé dans ma mairie. C'est tout simplement aberrant !

Enfin, un aménagement harmonieux du territoire nécessite des infrastructures de transport judicieusement ciblées. J'ai deux inquiétudes à cet égard : que le Grenelle de l'environnement ne sonne le glas d'infrastructures routières pourtant indispensables, notamment en Lorraine, sans pour autant développer le ferroviaire de proximité, et que l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, dont on a beaucoup parlé, ne dispose plus à partir de 2009 des moyens financiers lui permettant de financer les priorités préalablement définies en matière d'aménagement du territoire.

La commission des affaires économiques, dont je suis l'un des rapporteurs, se penche actuellement sur ce grave problème et formulera très prochainement des propositions.

Telles sont les observations et les propositions que je souhaitais formuler à l'occasion de l'examen de ce budget, que je voterai parce que souvent on est bien obligé de faire avec ce que l'on a... Mais je pense qu'il ne serait pas inutile, de temps en temps, de rebattre les cartes afin d'éviter que les meilleures d'entre elles n'aillent toujours aux mêmes. Je ne vous cacherai pas que je voterais ce budget avec encore plus d'enthousiasme si vous vouliez bien nous donner quelques signes d'une plus grande solidarité en faveur des territoires ruraux.

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