Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 6 décembre 2007 à 21h45
Loi de finances pour 2008 — Politique des territoires

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget qui nous est soumis est, du fait notamment de la modification de son périmètre, un petit budget. Il ne compte que deux programmes. Les crédits d'engagement n'atteignent que 356 millions d'euros, les crédits de paiement, 415 millions d'euros. À côté de cela, le Gouvernement présente sa « politique transversale d'aménagement du territoire » pour 4, 5 milliards d'euros. Entre les deux, c'est le grand écart ! Cela ne facilite pas l'appréciation de ce budget.

L'une des missions premières de ce budget est d'assurer l'équité territoriale. Or il ne dit évidemment rien sur les renoncements de l'État dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse des fermetures de tribunaux dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire ou encore des menaces pesant sur les hôpitaux de proximité. Ces fermetures seront lourdes de conséquences pour les territoires. Ce sont les agglomérations moyennes qui seront touchées de plein fouet.

Si l'État soutient un projet concernant vingt villes moyennes témoins afin d'analyser sur un an l'effet d'une politique sectorielle sur leur territoire, il ne s'agit pour le moment que d'études. La politique en faveur du développement de ces villes n'est pas au rendez-vous du budget pour 2008, alors qu'elle devrait être au coeur de la politique territoriale.

Si nous ne voulons pas que nos régions ressemblent à un désert, avec tous les problèmes sociaux et environnementaux qui en découleraient, il est essentiel de maintenir des services publics en milieu rural. Or on cherche vainement quelle est la politique de l'État dans ce domaine ! La charte sur l'organisation de l'offre des services publics et au public en milieu rural, qui a été signée en 2006, semble aujourd'hui bafouée.

Dans notre région, par exemple, la SNCF supprime les arrêts non rentables du train Carmaux-Paris et certains trains grandes lignes sans qu'aucune concertation sérieuse, semble-t-il, n'ait eu lieu au préalable.

Si les pôles d'excellence ruraux constituent pour certains territoires une opportunité, ils ne concernent que les territoires qui disposent déjà d'atouts à faire valoir.

S'agissant enfin des pôles de compétitivité, la labellisation de plus de soixante et onze pôles, là où il ne devait y en avoir qu'une quinzaine, réduit la participation de l'État dans des secteurs stratégiques.

Parce qu'il n'a pas eu le courage d'arbitrer plus fermement entre les projets à l'origine, le Gouvernement concentre son action sur les sept pôles mondiaux et saupoudre des miettes sur les pôles et les entreprises les plus modestes.

Le problème de ce qu'il convient désormais d'appeler la technique de l'aménagement du territoire par appels à projets, c'est que, souvent, les territoires les mieux organisés sont aussi naturellement les mieux à même de répondre rapidement à la demande. Les territoires les moins bien dotés sont toujours les derniers prêts.

De même, le choix des projets retenus dans le programme des interventions territoriales de l'État dans ce budget s'apparente à une mise en concurrence des territoires, à moins qu'il ne s'agisse tout simplement de clientélisme ?

Les régions mènent depuis longtemps une politique volontariste à l'égard des pays, des parcs naturels régionaux et des agglomérations.

Lors des négociations sur les contrats de projets entre l'État et les régions pour la période 2007-2013, c'est grâce à l'insistance de ces dernières que l'État a accepté d'inscrire un volet territorial. Mais ces crédits individualisés et régionalisés sont laissés à l'appréciation des préfets. On peut là aussi craindre un certain clientélisme.

Concrètement, on assiste de tous côtés au désengagement de l'État dans les territoires. Rappelons simplement que la région Midi-Pyrénées chiffre en 2008 à plus de 32 millions d'euros le montant cumulé des dépenses transférées en 2004 et non compensées ou que ce sont encore les régions qui compensent la remise en cause par l'État des aides individuelles aux entreprises.

Et que dire encore de l'arrêt du soutien de l'État, annoncé par votre collègue Mme Lagarde, au programme de création et de labellisation des maisons de l'emploi, programme qui, si mes souvenirs sont exacts, avait été lancé en 2005 par M. Borloo, à grand renfort de publicité.

Quant aux priorités de l'État, elles devraient être définies dans le cadre d'un prochain comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, un CIADT. D'après les déclarations du Gouvernement, ce comité devrait se réunir dans quelques semaines pour envisager les suites du Grenelle de l'environnement. Il s'agit d'un rendez-vous important. Dans la France de 2007, on ne peut plus accepter que ce comité gouvernemental définisse seul cette politique. J'espère que le Parlement y sera associé, ne serait-ce que pour décider qui fait quoi et qui finance !

La politique des territoires, comme je viens de l'évoquer, mais aussi la politique des transports devraient être revisitées dans ce cadre, car, contrairement à ce que l'on voudrait parfois nous faire croire, tous les territoires ne sont pas aujourd'hui désenclavés, si on considère l'accès qu'ils ont ou non à l'emploi, aux services publics, à l'enseignement, aux commerces.

Vous me pardonnerez, je l'espère, de m'éloigner un tout petit peu, en termes strictement budgétaires, du sujet de ce soir, mais, sur le fond, il s'agit bien de la politique des territoires.

Le réseau routier national doit être entretenu et modernisé, en particulier là où il est essentiel pour faciliter les échanges.

Or je ne vois rien dans le budget qui me rassure quant à l'engagement de l'État en 2008 sur les programmes de développement et de modernisation des itinéraires.

Mes craintes sont d'autant plus fondées que, dans mon département, le Tarn, nous attendons depuis des années la RN 126, reliant Castres à Toulouse, avec mise en sécurité et en deux fois deux voies. Les crédits attendus ayant fondu, l'ensemble des décideurs porte avec force le projet de voie autoroutière concédée. Le devenir du deuxième bassin industriel de Midi-Pyrénées en dépend.

Dans nos territoires, nous insistons sur l'importance du transport ferroviaire. Ainsi, par un emprunt de 500 millions d'euros, la région Midi-Pyrénées tente d'apporter un début de réponse à l'état de délabrement des voies, alors même que cela n'est pas de sa compétence et relève de Réseau ferré de France. Sans cette intervention, aucun train ne pourrait plus rouler dans une dizaine d'années.

L'État doit accompagner cet effort, notamment en assurant à la région une desserte en ligne à grande vitesse, et ce dans un délai raisonnable. Les moyens qu'il consacre au transport ferroviaire sont sans commune mesure avec les besoins. Ce sont encore une fois les collectivités locales qui doivent prendre le relais.

J'en viens à présent aux engagements contractés dans le cadre du Grenelle de l'environnement.

S'agissant de la réalisation de 2 500 kilomètres supplémentaires de lignes à grande vitesse, il faudra savoir qui en déterminera l'emplacement et le tracé et qui financera une telle opération. En effet, les collectivités locales sont déjà de plus en plus sollicitées, même pour les grandes lignes en cours d'étude.

Il ne faudrait pas que les aménagements structurants concernent une fois encore les zones les plus favorisées, c'est-à-dire les territoires où les collectivités locales ont les moyens de participer au financement.

S'agissant du fret, le Gouvernement et la SNCF ont choisi une voie, le désengagement de l'activité du wagon isolé dans 262 gares, qui n'est pas porteuse d'avenir. Un autre choix industriel s'imposait. Il fallait maintenir à niveau notre réseau secondaire tout en en optimisant l'usage par des dispositions réglementaires favorisant le report modal.

Pour toutes ces raisons, le budget ne nous semble pas à la hauteur des enjeux de la politique des territoires de notre pays.

S'agissant des annonces du Grenelle de l'environnement, si on peut accepter l'absence de traduction de ses orientations dans le projet de loi de finances pour 2008 pour des raisons de délais, certains choix, comme ceux qui ont été effectués en matière ferroviaire, augurent déjà assez mal de l'avenir.

Une telle approche a minima des territoires peut avoir des conséquences économiques, sociales et écologiques extrêmement graves sur tous les espaces fragilisés. Il est donc important d'associer tous les acteurs à sa définition et à sa programmation concrète. Nous y serons très attentifs.

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