Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme nous le savons tous, nos territoires sont aujourd'hui confrontés à des défis nouveaux, en particulier la concurrence économique de plus en plus vive, les évolutions contrastées du monde rural et des villes - cela a été maintes fois souligné -, la rurbanisation, la protection des espaces naturels sensibles et la prévention des risques naturels et technologiques.
Nous devons répondre à de tels enjeux, dans le cadre d'un développement durable, solidaire et équilibré des territoires et nous adresser aussi bien aux territoires les plus performants qu'à ceux rencontrant des difficultés conjoncturelles ou des fragilités plus profondes. Vous avez été nombreux à le souligner, notamment vous, monsieur Biwer.
La mission « Politique des territoires », dont les crédits pour l'année 2008 sont aujourd'hui soumis à votre approbation, comprend deux programmes : d'une part, le programme « Aménagement du territoire », qui décrit la mission d'impulsion, d'animation et de coordination des territoires, confiée à la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT ; d'autre part, le programme « Interventions territoriales de l'État », qui permet aux préfets de région de disposer d'une enveloppe unique de crédits pour faire face à une situation locale particulière exigeant un traitement interministériel.
S'agissant du périmètre de la mission, la cohérence des programmes compte davantage que sa dimension.
Comme vous le savez, la politique de l'État en matière d'aménagement du territoire ne se limite pas à la mission « Politique des territoires ». De nombreux autres programmes du budget de l'État concourent à cette politique. Leurs interventions dans ce domaine sont particulièrement retracées dans un document de politique transversale qui est publié, pour la première fois, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2008.
Ainsi, 34 programmes, relevant de 14 missions, participent aux politiques d'aménagement du territoire, et ce pour un effort budgétaire 2008 qui s'élève à 4, 7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 4, 1 milliards d'euros en crédits de paiement.
Par ailleurs, comme vous l'avez souligné, monsieur le président de la commission des affaires économiques, la politique d'aménagement du territoire regroupe de nombreuses dépenses fiscales, dont 40 % concernent la Corse. L'ensemble de ces dépenses sont actuellement auditées dans le cadre de la revue générale des politiques publiques qui est opérée par le Gouvernement, et les critères de leur rattachement devront être étudiés.
La question de leur effet devra être posée. À ce titre, je voudrais souligner qu'un indicateur de performance concerne justement les conséquences des mesures fiscales portant sur les zones de revitalisation rurale.
S'agissant des exonérations dans ces zones - elles n'ont finalement pas été touchées par l'article 58, que vous évoquez -, nous procéderons en 2009 à une évaluation chiffrée, argumentée et transparente de la mesure avant de déterminer son avenir.
Monsieur Biwer, de telles évaluations permettront notamment au Parlement de proposer des dispositifs plus efficaces pour les zones défavorisées. Votre proposition de zones franches pourra alors être étudiée.
Comme l'a souligné M. Besse, le rapporteur spécial, pour l'année 2008, la stratégie du programme « Aménagement du territoire » est centrée sur le respect des engagements de l'État vis-à-vis des projets en cours.
Il s'agit également de poursuivre notre engagement en faveur des politiques d'aménagement durable prioritaires.
Plusieurs de vos interventions, notamment celles de MM. Roger Besse et Jean-Paul Emorine, ont évoqué la dette du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire. Celle-ci devrait être réduite à 120 millions d'euros en fin d'année 2007 et les délais de paiement devraient être ramenés à un niveau acceptable dès 2009.
Les crédits 2008 du programme financent deux priorités stratégiques.
La première consiste à favoriser l'attractivité et le développement économique des territoires. Des moyens renforcés accordés aux projets créateurs d'emplois via l'accroissement des crédits de la prime à l'aménagement du territoire, soit une enveloppe totale de 40 millions d'euros d'autorisations d'engagement, soit une hausse de 5 %, et de 34 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 11 %.
Madame Boyer, la prime à l'aménagement du territoire constitue un outil majeur pour la création d'emplois et le développement économique de certaines zones prioritaires sur le territoire national.
Je souhaite en faire un véritable outil ayant une double vocation en faveur, d'une part, de l'aménagement du territoire, et, d'autre part, du développement des investissements dans les nouvelles filières prioritaires, dont certaines ont été évoquées, comme les nouvelles technologies de l'énergie, l'efficacité énergétique, les nouveaux procédés industriels plus respectueux de l'environnement.
Globalement, le ciblage des zones éligibles aux aides à finalité régionale sera renforcé pour la période 2007-2013, plusieurs parmi vous en ont exprimé le souhait. Le Gouvernement a fait un effort important pour concentrer les aides sur les zones en retard de développement et sur les zones d'activité susceptibles d'accueillir de nouveaux projets. En particulier, 25 millions d'euros de prime d'aménagement du territoire leur seront accordés.
La seconde priorité est de renforcer la cohésion sociale et territoriale. Ainsi, 18 millions d'euros sont alloués en 2008 aux contrats territoriaux et aux contrats de sites pour accompagner les mutations économiques.
Le financement des pôles d'excellence rurale, les PER, à hauteur de 33 millions d'euros en 2008 sur le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et des relais de services publics - aidés chacun à hauteur de 50 000 euros en investissement et de 10 000 euros en fonctionnement pendant cinq ans - contribuera à la valorisation des territoires ruraux et à l'amélioration de l'accès aux services publics. M. Besse a souligné le rôle essentiel de ces dispositifs pour les territoires ruraux.
C'est ainsi que 379 projets de pôles d'excellence rurale ont été labellisés : 16 % concernent les technologies au service des entreprises artisanales et industrielles des territoires ruraux, 14 % les services et l'accueil des nouvelles populations, 21 % la valorisation des bio-ressources et, enfin, 41 % la valorisation des patrimoines naturels et culturels, ainsi que l'organisation du tourisme.
Monsieur Emorine, l'évaluation des PER a été engagée. Il a pu être noté que la technique de l'appel à projet permet de mobiliser les acteurs des territoires sur des projets structurants et de catalyser les efforts des partenaires vers un même objectif. Cette technique d'intervention et d'impulsion de politiques a connu un vrai succès dans le cadre des pôles de compétitivités et des PER. Elle a été étendue en pratique dans le cadre de la mise en oeuvre du volet territorial des contrats de projets ; six régions l'ont ainsi choisie pour retenir des projets à financer.
Monsieur Huré, vous m'avez interrogée au sujet de la poursuite des pôles de compétitivité. M. le Président de la République a affirmé sa volonté de poursuivre et de rendre plus compétitive encore cette politique, après l'évaluation engagée par la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT.
Pour ce qui est du programme expérimental d'intervention territorial de l'État, il donnera naturellement lieu à une évaluation. Un bilan sera dressé et vous en aurez, bien entendu, connaissance.
Le soutien au développement équilibré et durable d'espaces sensibles, tels que le littoral et les massifs de montagne, nécessite la mise en oeuvre de politiques spécifiques. Je suis heureuse de vous annoncer, même si vous ne l'avez pas évoqué dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, que 12 millions d'euros seront consacrés aux conventions interrégionales de massifs.
Le bilan de la loi Littoral et des mesures en faveur du littoral, qui a été transmis au mois d'octobre 2007 par le Gouvernement au Parlement, montre que celle-ci a contribué, au cours des vingt dernières années, à atténuer les pressions qui continuent à croître sur les espaces littoraux et à accompagner les mutations profondes qui les ont touchés. Ce bilan montre également que cette politique a été très bien accueillie par nos concitoyens, qu'elle est connue et appréciée.
En ce qui concerne l'appel à projets de gestion intégrée des zones côtières, lancé conjointement en 2005 par la DATAR et par le secrétariat général de la mer de l'époque, un retour d'expérience a été organisé en 2007 afin d'en tirer les premiers enseignements et d'aider à la capitalisation, puis à la mutualisation des bonnes pratiques. Une synthèse nationale est actuellement en cours de finalisation, sous l'égide de la DIACT.
Enfin, Mme Didier, MM. Fouché et Biwer l'ont évoqué, la couverture numérique du territoire progresse. Le plan de couverture des 2 196 communes initialement identifiées comme non desservies par la téléphonie mobile est en cours d'achèvement grâce, notamment, à 44 millions d'euros de crédits de l'État. En complément, la couverture de 350 communes qui n'avaient pas été identifiées dans le premier recensement est engagée. Je ne sais, monsieur Biwer, à laquelle de ces catégories appartient la commune dans laquelle se trouve votre bureau : j'espère qu'elle est desservie, à présent !
La France compte également plus de 14 millions d'abonnés à l'internet haut débit, et la télévision numérique terrestre, la TNT, sera accessible à 80 % de la population d'ici à la fin de l'année.
Au total, les actions du programme « Aménagement du territoire » s'inscrivent dans les contrats de projets État-régions 2007-2013, qui s'attachent prioritairement à promouvoir la compétitivité des territoires, le développement durable et la cohésion sociale. Globalement, les crédits ouverts en 2008 correspondront à 12, 2 % des crédits totaux, pour une annuité théorique de 14, 3 %. Ce décalage résulte notamment du démarrage progressif des opérations qui ont été contractualisées.
Par ailleurs, les contrats de plan État-régions 2000-2006 ont atteint, à la fin de l'année 2006, un taux de réalisation de plus de 81 %, supérieur à celui de la génération précédente et à l'objectif fixé au CIACT de mars 2006.
Je tiens également à souligner que ces politiques sont soumises à un suivi rigoureux : la DIACT a été pionnière en matière d'évaluation environnementale des projets, ce que je veux saluer ici.
Monsieur Besse, vous avez évoqué nos 71 pôles de compétitivité. En application de la décision du Premier ministre, la politique des pôles de compétitivité, qui aura trois ans en 2007, fera l'objet d'une évaluation indépendante, même si son intérêt a d'ores et déjà été salué.
Sans attendre cette évaluation, on peut annoncer que l'État a respecté ses engagements, avec plus de 600 millions d'euros consacrés en 2006 aux projets de recherche. Ce dispositif, vous le savez, indépendamment de son volume financier, a profondément modifié les modes de collaboration public-privé et la perception des investisseurs étrangers, ce qui n'est pas rien.
Monsieur Emorine, les PME sont des acteurs majeurs de cette stratégie, elles représentent près de la moitié des engagements de 2006 du fonds interministériel et bénéficient, vous le savez, de taux majorés d'intervention publique.
Madame Boyer, monsieur Biwer, la charte des services publics, signée le 26 juin 2006 par l'État, l'Association des maires de France et les grands opérateurs de services publics, affirme avec force un certain nombre de règles : premièrement, rechercher la meilleure qualité de service pour chacun sur tout le territoire ; deuxièmement, faire évoluer la carte des services dans le temps pour répondre aux évolutions de populations ; troisièmement, soumettre ces évolutions à un diagnostic partagé ; enfin, quatrièmement, rechercher des solutions innovantes.
J'ai bien compris que vous ne tiriez pas un bilan très positif de son application. Où en sommes-nous, un peu plus d'un an après la signature de cette charte ?
Les dispositifs de concertation locale ont été mis en place. La commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics a été rendue plus réactive et plus efficace, devenant un lieu de réflexion prospective.
Le dispositif de suivi national a également été mis en place. La conférence de la ruralité a pour mission de suivre, tous les ans, l'application de la charte. L'État a également accompagné l'effort de mutualisation, qui est encouragé par la charte. Ainsi, l'initiative des « relais services publics » connaît un démarrage encourageant, et près de 20 % des pôles d'excellence rurale visent à développer de nouveaux services, sous des formes innovantes, en s'appuyant sur des partenariats public-privé.
Je voudrais donner un exemple concret et saluer l'initiative que nous avons labellisée dans le Cantal, chez vous, monsieur le rapporteur spécial, à Ydes, dans le cadre de la politique des pôles d'expérience rurale. La maison du Parkinson, qui est reliée aux autres centres de soins par des liaisons haut débit, permet le traitement et le soin des personnes en milieu rural.
La labellisation des maisons de l'emploi a été provisoirement suspendue, dans l'attente de la fusion ANPE-UNEDIC. Le député Jean-Paul Anciaux a reçu une mission à ce sujet.
L'année 2008 sera la troisième année du programme expérimental des interventions territoriales de l'État, le PITE. Monsieur Huré, ce programme sera évalué en 2008, afin d'en tirer les conséquences dans le projet de loi de finances pour 2009. Comme je vous l'indiquais tout à l'heure, ce bilan vous sera communiqué. À ce titre, monsieur Besse, je comprends naturellement que vous attendiez la loi de règlement de 2007 pour mieux mesurer la performance de ce programme.
Concernant le nombre d'objectifs, le Gouvernement a effectivement décidé de ne retenir qu'un seul objectif par action, au vu du très grand nombre d'actions de ce programme et afin de préserver la lisibilité des documents budgétaires.
Cet instrument permet à chaque préfet de région responsable d'une action du PITE de disposer d'une enveloppe unique de crédits issus de différents programmes ministériels contributeurs.
Le PITE mobilisera en 2008 69 millions d'euros en autorisations d'engagement et 43 millions d'euros en crédits de paiement au titre du budget de l'État, auxquels il faut ajouter 89 millions d'euros en autorisations d'engagement et 42 millions d'euros en crédits de paiement au titre des fonds de concours et des différents opérateurs qui contribuent également à son financement.
Concernant ces fonds de concours, les circuits de financement sont aujourd'hui rodés et permettent des paiements dans des délais normaux. Monsieur Alfonsi, les crédits dédiés au PEI proviennent majoritairement de ces fonds de concours : aux 11 millions d'euros en autorisations d'engagement et aux 5 millions d'euros en crédits de paiement que vous citez, s'ajoutent 84 millions d'euros en autorisations d'engagement et 38 millions d'euros en crédits de paiement qui proviennent des opérateurs. Les engagements de l'État sont intégralement respectés.
Au total, ce sont donc 158 millions d'euros en autorisations d'engagement et 85 millions d'euros en crédits de paiement qui sont mis à la disposition des sept préfets de région responsables d'une des actions du programme, soit une augmentation du volume des engagements de 10 % et une augmentation de 9 % des crédits de paiement par rapport à 2007.
Les efforts portent principalement sur le plan nitrates en Bretagne, Mme Boyer l'a évoqué, afin de respecter l'objectif fixé par la directive-cadre européenne sur l'eau, la DCE, adoptée en 2000, à savoir le bon état des eaux souterraines, superficielles et côtières d'ici à 2015. Comme vous le savez, cet objectif est malheureusement loin d'être atteint.
Conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement, la politique d'aménagement du territoire doit plus que jamais devenir une politique d'aménagement durable des territoires. La mise en cohérence, dès l'amont, de politiques jusque-là séparées renforce l'efficacité de l'action publique. La création du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables vise à faciliter l'élaboration et la mise en oeuvre de ces politiques intégrées.
Monsieur Huré, je voudrais souligner trois des orientations que le Grenelle a dégagées dans ce domaine.
En premier lieu, l'aménagement urbain doit être repensé.
Vous avez été nombreux à l'évoquer, les politiques d'urbanisme doivent être profondément renouvelées au regard des défis environnementaux majeurs que nous devons relever : concevoir de nouvelles urbanisations dont le coeur serait constitué du sujet « transport et déplacement », développer les transports collectifs en sites propres, économiser l'espace, améliorer la qualité de vie, promouvoir une gestion durable de nos cités, construire des « éco-quartiers » exemplaires.
En deuxième lieu, les territoires doivent s'adapter aux conséquences du changement climatique sur les écosystèmes, les bassins de vie et les tissus économiques locaux.
On sait que le réchauffement du climat moyen de notre pays, déjà observé, se traduira par des effets positifs ou négatifs sur nos territoires, selon leurs caractéristiques et leur situation. Par exemple, le besoin de chauffage tendra à diminuer, mais le recours à la climatisation augmentera.
Nous savons que nous devons développer de nouvelles activités en moyenne montagne. C'est un sujet grave que nous avons peu évoqué ce soir. Nous savons aussi que le risque d'inondation augmente. Nous avons encore beaucoup d'ouvrages à aménager, à réparer et à entretenir pour gérer les crues et diminuer leurs effets destructeurs, la prévention et l'anticipation devant prévaloir sur la réparation des dommages.
Le développement des plans climat-énergie permettra d'adapter nos territoires aux exigences d'économies d'énergie et de ressources naturelles. Par ailleurs, ces nouveaux enjeux seront de formidables opportunités en termes de création de nouvelles filières - par exemple dans les énergies renouvelables, les matériaux, le traitement des rejets - pour lesquelles la France a souvent fait figure de pionnière et dont l'émergence doit être fermement soutenue.
En troisième lieu, il nous faut concilier le développement rural et le développement durable. Je sais que vous êtes nombreux à y être sensibles.
Nous avons déjà commencé : les critères de sélection pour les pôles d'excellence rurale ont intégré le caractère durable des projets, avec la promotion des bio-énergies et le développement touristique durable, et ont reçu un fort soutien des collectivités.
Nous devons aller plus loin encore et mener une véritable réflexion de fond sur les modes d'habitat et de transport en milieu rural. En particulier, la distance entre le domicile et le travail constitue une spécificité forte du monde rural. L'imagination de nouvelles formes d'accès aux services à la population est un autre élément auquel le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, au travers de la DIACT, veille attentivement, aux côtés des collectivités.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'État est le garant d'une forme de solidarité face aux risques auxquels nos territoires sont confrontés : atteintes à l'environnement, chocs sur l'emploi et sur l'activité, situation urbaine dégradée. Cela implique, pour l'État, de répondre à une triple exigence : d'équité, en faisant en sorte qu'il n'y ait ni territoires ni citoyens « oubliés » ; d'efficacité, en offrant les meilleures conditions pour la création de richesses dans les territoires et en assurant une bonne articulation entre les dispositifs publics ; de développement durable, en mettant tout en oeuvre pour préserver nos richesses naturelles.