Monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n° 142, 143, 144 et 145 rectifié.
L'article 56 du projet de loi accorde aux entreprises de transport ferroviaire le bénéfice du plafonnement de la contribution aux charges de service public de l'électricité, la CSPE, prévue par l'article 5 de la loi du 10 février 2000. Or la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, intervient dans l'évaluation du montant de cette contribution due par chaque opérateur.
C'est pour nous l'occasion de revenir sur le statut et sur les ressources de ladite commission.
Ce débat est tout à fait légitime au cours de l'examen d'un projet de loi de finances, puisque la CRE est actuellement financée par une dotation budgétaire qui figure dans les crédits du ministère de l'industrie.
Mais cette situation n'est absolument pas satisfaisante, car elle fait du régulateur une entité administrative dont les moyens de fonctionnement dépendent du ministre en charge de l'industrie. Ce mode de financement est, en quelque sorte, la négation de l'indépendance de l'autorité collégiale.
J'ai souligné ce fait en ma qualité de rapporteur pour avis lors de la discussion, au mois de juillet dernier, du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières qui nous a permis de faire évoluer le statut d'EDF et de GDF.
Rappelons que l'ouverture complète à la concurrence des marchés concernés nécessite un régulateur fort, c'est-à-dire un régulateur indépendant, c'est-à-dire un régulateur qui dispose de ressources autonomes.
La commission des finances a constamment défendu ce point de vue depuis de nombreuses années.
S'agissant de la CRE, nous proposons en cet instant, comme l'an dernier, qu'elle soit dotée de la personnalité morale et de ressources propres, de la même façon que l'Autorité des marchés financiers ou que la Commission de contrôle des assurances mutuelles et des institutions de prévoyance.
Le régulateur est financé par des prélèvements opérés sur les opérateurs au Royaume-Uni et, en tout ou partie, par une taxe affectée dans neuf autres pays européens.
L'article 36 de la loi organique relative aux lois de finances dispose que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ». Or la CRE bénéficie actuellement d'une ressource inscrite dans le budget de l'Etat, que nous voulons remplacer par une taxe qui lui soit directement affectée comme il en existe une multitude dans le code général des impôts, par exemple au profit des organismes consulaires, de différents établissements publics ou du Conseil national de la variété et du jazz, dont nous avons parlé il n'y a pas si longtemps.
Nous proposons donc de créer une contribution spéciale affectée à la CRE. Son assiette serait identique à celle de la contribution aux charges de service public de l'électricité, qui n'a jamais fait l'objet de la moindre contestation communautaire.
Tel est l'objet de l'amendement n° 143.
Cette contribution serait donc assise sur la consommation finale d'électricité ou de gaz et serait supportée par les utilisateurs de ces énergies, quelle qu'en soit l'origine, de façon non discriminatoire et sans qu'il puisse y avoir de double imposition.
Elle ne s'opposerait donc nullement au principe communautaire de libre circulation des biens et marchandises. Elle ne serait pas non plus constitutive d'une aide d'Etat servant, au contraire, à mieux faire jouer la concurrence sur la marché européen, sur le modèle de ce qui existe dans nombre de pays européens, comme je le rappelais précédemment.
Monsieur le ministre, nous subordonnons à l'adoption de cette réforme fondamentale du financement des activités de la CRE notre acceptation des mesures de plus court terme qui nous sont proposées. A notre avis, il convient de régler d'abord les problèmes de fond avant de trancher quelques difficultés plus immédiates et localisées !
Ainsi, nous voulons bien que le présent collectif détermine exceptionnellement, comme l'avait fait celui de l'année dernière, le montant de la CSPE, mais seulement pour 2004 et pour 2005 : il faudra ultérieurement supprimer le risque que les arrêtés fixant ces montants ne soient annulés chaque année par le Conseil d'Etat.
Ce dernier estime que la méthode de calcul retenue par la CRE n'est pas conforme à la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Dès lors que le système de la CRE semble pertinent, c'est la loi qu'il faut changer sur ce point pour résoudre le problème.
C'est que ce que propose la commission, par le biais de l'amendement n° 144.
Elle profite de ce que, sur l'initiative du Gouvernement, l'article 56 modifie la loi précitée pour ce qui concerne le plafonnement de la CSPE pour rectifier également ce texte au sujet du calcul du montant de cette contribution.
Il serait donc précisé que les coûts évités à EDF par l'obligation qui lui est faite d'acheter de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables, notamment d'énergie éolienne, sont estimés non pas par rapport à ses coûts d'investissement et d'exploitation, mais par référence au prix de marché de l'électricité, ce qui est beaucoup plus simple. Une telle méthode évite en effet d'avoir à se perdre en conjectures sur les charges correspondant pour EDF aux centrales qu'elle aurait dû construire et faire fonctionner pour ne pas avoir recours à des sources alternatives de production d'électricité.
La loi serait ainsi mise en conformité avec les méthodes de calcul de la CRE et les motifs d'annulation des arrêtés fixant le montant de la CSPE seraient en même temps supprimés.
A notre sens, on ne peut « bricoler » le système de la contribution aux charges de service public de l'électricité sans en profiter pour renforcer durablement l'autorité et les moyens de la Commission de régulation de l'électricité. Cela nous semble indispensable !
Ayant présenté ces mêmes suggestions lors de la discussion du projet de loi sur l'électricité l'été dernier, votre collègue Patrick Devedjian, monsieur le ministre, m'avait répondu que mes propositions seraient étudiées au sein d'un groupe de travail avant les discussions budgétaires. Or, comme soeur Anne, je n'ai rien vu venir !