Intervention de François Goulard

Réunion du 16 décembre 2005 à 15h00
Loi de programme pour la recherche — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de Gilles de Robien, je voudrais vous dire toute l'importance que nous attachons au Pacte pour la recherche et à ce projet de loi, qui en est la principale traduction.

Nous avons apprécié le travail très approfondi qui a été réalisé, durant plusieurs semaines, avec le président et les rapporteurs de la commission spéciale. Nous nous sommes très largement rejoints, car nous partageons une même philosophie et les mêmes ambitions.

La plupart des amendements qui ont été adoptés par la commission améliorent le texte ; nous aurons l'occasion d'y revenir.

L'examen de ce projet de loi par le Conseil économique et social a été l'occasion d'associer ce qu'il est convenu d'appeler les « forces économiques et sociales » à la préparation d'un texte d'importance nationale. Il était éminemment souhaitable que le Conseil économique et social apporte sa contribution ; elle a été extrêmement positive. En effet, vous avez su, monsieur le rapporteur du Conseil économique et social, rassembler des opinions émanant de personnalités d'origines très diverses, mais animées de la même ambition pour la recherche dans notre pays.

Gilles de Robien vient de le dire, la grande question qui nous occupe, c'est l'idée que nous nous faisons de la recherche au service de notre pays. On le sait, la recherche vise des objectifs divers ; elle a plusieurs finalités.

La première finalité de la recherche, c'est, de tout temps, l'accroissement des connaissances, les progrès de la science, la satisfaction de la curiosité de l'esprit humain, à l'oeuvre pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons, sous tous ses aspects.

Cette ambition reste entièrement d'actualité. C'est ainsi que la recherche fondamentale est au coeur de notre projet. Elle fait l'objet d'une priorité absolue dans nos réflexions et, nous aurons l'occasion de le redire, il n'y a pas de recherche appliquée qui ne se nourrisse d'une recherche fondamentale puissante, active : l'exemple de tous les grands pays de recherche illustre ce fait. Or la France est, mesdames, messieurs les sénateurs, un pays où la recherche, notamment fondamentale, atteint traditionnellement un niveau d'excellence.

Comme je l'ai indiqué, la recherche a de nombreuses finalités, par exemple l'amélioration de la santé de nos compatriotes, une meilleure prise en compte des immenses problèmes liés à l'environnement. Elle est aussi un outil puissant en vue d'accroître la compétitivité de notre économie, ce qui requiert chaque jour des innovations technologiques, lesquelles ne peuvent apparaître sans une recherche forte.

Nous sommes un grand pays de recherche, reconnu comme tel dans le monde, avec des pôles d'excellence, dans lesquels s'illustrent nos scientifiques. La France, cela mérite d'être rappelé, est l'un des principaux pays d'Europe en matière de recherche. Statistiquement, elle se place au deuxième rang européen en termes de dépenses publiques de recherche et pour ce qui concerne l'accès aux financements européens liés aux projets relevant des programmes cadres de recherche et développement

Ce bilan s'accompagne de la constatation de certaines faiblesses.

Ainsi, nous avons besoin d'un nouveau souffle, d'un élan nouveau pour notre politique de recherche, et c'est cet effort qui trouve sa traduction dans le Pacte pour la recherche.

À cet égard, un travail considérable a été accompli depuis plusieurs mois. Il a associé l'ensemble de la communauté scientifique, le monde politique, les responsables au sein des gouvernements successifs. Chacun a apporté sa contribution. Aujourd'hui, c'est donc l'aboutissement de ces mois de réflexion, de concertation, de travail en commun que nous avons l'honneur de présenter à la Haute Assemblée.

Il s'agit d'abord, et c'est bien sûr un point essentiel, de fournir un effort financier. Les chiffres sont connus, les engagements ont été pris : trois augmentations consécutives des moyens financiers, à concurrence de 1 milliard d'euros par an, en 2005, en 2006 et en 2007, permettront d'accroître, sur ces trois années, de 6 milliards d'euros les ressources publiques consacrées à la recherche. C'est absolument considérable.

Pour illustrer ce fait, je voudrais rapprocher l'effort que nous consentons de celui qui est accompli dans un pays voisin qui est aussi un grand pays de recherche : l'Allemagne. Pendant que nous augmentons de 1 milliard d'euros tous les ans notre contribution publique à la recherche, ce grand pays qu'est l'Allemagne, lui aussi convaincu de la nécessité de donner des moyens nouveaux à la science, accroît les crédits publics alloués à la recherche de 600 millions d'euros par an. C'est dire si l'effort consenti par la France est tout à fait considérable ! En outre, cela a souvent été souligné, 3 000 emplois seront créés.

Cet effort ne se limite pas à sa dimension nationale. Nous sommes ainsi, lors de chaque conseil des ministres européens chargés de la recherche, les militants d'une accentuation de l'effort européen de recherche. Nous avons été les promoteurs de la mise en place du Conseil européen de la recherche, qui sera une nouvelle agence de moyens pour la recherche fondamentale. Nous plaidons pour une augmentation des moyens du septième programme cadre de recherche et développement, avec la mise en oeuvre de financements nouveaux provenant de la Banque européenne d'investissement.

Dans le domaine spatial, par exemple, nous avons accepté, alors que nous sommes les premiers contributeurs de l'Agence spatiale européenne, que les dépenses scientifiques augmentent de 2, 5 % par an dans les prochaines années.

Bref, sur tous les plans, nous militons et nous agissons pour que la recherche scientifique dispose de moyens accrus.

Cet accroissement des moyens n'aurait pas de sens si nous n'avions, en même temps, le souci de l'efficacité de la recherche française. La plupart des dispositions présentées dans ce projet de loi tendent vers cet objectif.

Ce texte comporte tout d'abord l'affirmation que l'État doit définir des priorités. Sur ce point, soyons clairs : la science est faite par les femmes et les hommes de science ; il n'est pas question d'interférer dans la construction de la science, dans son élaboration. Il s'agit, pour les pouvoirs publics, dans le cadre des responsabilités qui sont les leurs, de définir les priorités, et c'est à cela que s'emploiera le Haut Conseil de la science et de la technologie, dont la commission spéciale du Sénat souhaite la création par voie législative.

Par ailleurs, nous avons mis en place, voilà quelques mois, une Agence nationale de la recherche. Il s'agit là d'un succès incontestable. Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que les grands organismes de recherche, les universités, ont chacun leur projet pour la définition de leurs programmes scientifiques. Je tiens à dire devant vous que, en définitive, il appartient à l'État, c'est-à-dire au Gouvernement, avec l'approbation du Parlement et avec le concours d'une administration qui devra être renforcée, de définir les grandes priorités de recherche. Il revient à l'État, en concertation avec les grands organismes de recherche et les universités, de définir une politique de la recherche qui s'exprimera dans les politiques menées par ces derniers et par l'Agence nationale de la recherche. Nous mettre en situation d'affirmer une politique nationale de la recherche représente un objectif majeur.

Pour attribuer les moyens dans de bonnes conditions, nous devons absolument avoir une vision claire de la performance de nos organismes de recherche, de nos équipes, de nos laboratoires : c'est l'objet de la création d'une agence d'évaluation de la recherche qui deviendra sans doute, grâce à un amendement d'origine parlementaire, une agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

En effet, il apparaît de façon évidente que l'on ne peut consacrer des moyens supplémentaires, que l'on ne peut allouer des ressources d'une manière optimale sans disposer d'une vision d'ensemble de la qualité de nos équipes et des travaux conduits. La future agence d'évaluation de la recherche aura pour tâche d'unifier le système d'évaluation, de généraliser le principe de l'évaluation pour toutes les équipes financées par des ressources publiques. Cette agence travaillera en liaison étroite avec les instances d'évaluation qui existent au sein des différents organismes, mais elle donnera aux pouvoirs publics la vision d'ensemble indispensable pour une allocation optimale des moyens.

Je voudrais maintenant revenir sur l'effort de coopération qu'a évoqué voilà quelques instants Gilles de Robien. Nous avons besoin de rassembler les forces, de faire jouer les synergies, d'ouvrir une nouvelle dimension quand l'éclatement ou le cloisonnement empêchent une coopération utile. Tel est l'objet des formes nouvelles de coopération prévues par le texte, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les campus, que la commission spéciale souhaite rebaptiser, qui sont dotées d'outils juridiques commodes et de moyens alloués par l'État.

Ce texte prévoit aussi un effort significatif, que la commission spéciale propose de renforcer, de simplification administrative, tant il est vrai que, dans ce domaine comme dans d'autres, notre organisation publique ne se signale pas par sa simplicité, sa légèreté et son efficacité.

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