Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur du Conseil économique et social, mes chers collègues, les problèmes relatifs à la recherche ne mobilisent la classe politique, voire l'opinion publique, que dans des circonstances exceptionnelles. Cette remarque est d'ailleurs tout à fait généralisable à d'autres secteurs de la vie collective.
C'est ainsi que, pour la recherche, l'attribution ou la non-attribution d'un prix Nobel, la survenue d'une épidémie devant laquelle la société est désarmée et, par conséquent, particulièrement inquiète, le développement du sida, du cancer, entraînent une prise de conscience immédiate, tout en laissant citoyens et spécialistes dans le désarroi le plus total, puisque les solutions de ces problèmes complexes et douloureux ne peuvent être instantanées.
La réflexion doit donc être permanente, afin de mieux comprendre le monde qui nous entoure, d'approfondir nos connaissances, de les projeter sur l'évolution maîtrisée de nos sociétés, en assurant le progrès scientifique, technique et économique au profit de l'homme, en protégeant la planète, dans un environnement toujours plus fragile et maltraité.
Pasteur considérait que « le hasard ne favorise que les esprits préparés ». Nous devons avoir cette recommandation toujours présente à l'esprit. Si l'objectif est bien défini, la mise en oeuvre doit en être rigoureuse. De plus, ce qui est vrai pour l'individu pris isolément est vrai pour une communauté ou un pays. Aucun pays moderne ne peut se passer d'une recherche active, inspirée, puissante, grâce aux hommes et aux moyens qui le permettent. Cela est une absolue nécessité pour la préparation de l'avenir tant d'un pays que des citoyens qui le composent.
Ce sont les pays qui ont le plus investi dans la recherche, et qui continuent à le faire, qui connaissent aujourd'hui les meilleurs taux de croissance et le recul le plus significatif du chômage.
Par ailleurs, la recherche est le support unique et singulier qui permet à la fois de repousser les limites de la connaissance, de développer l'intelligence et les capacités de création de chacun, grâce aux savoirs partagés, au profit de l'homme, mais également d'assurer les avances scientifiques et technologiques nécessaires pour assumer le progrès économique et social.
La France peut être fière, et doit être fière, des résultats obtenus dans de nombreux domaines, reconnus et appréciés au niveau mondial : avions, fusées, satellites, TGV, industrie nucléaire, progrès de la médecine sont autant de pôles d'excellence pour notre pays. Ils nous garantissent une indépendance nationale dans des secteurs vitaux tels que la défense ou l'énergie.
Mais cette vitalité ne doit pas masquer les insuffisances et les dysfonctionnements de nos structures et la mauvaise répartition des moyens investis.
La recherche est au coeur de la compétition mondiale : aujourd'hui, les pays émergents ne se contentent plus de fabriquer des produits conçus par d'autres ; ils innovent. Ainsi, la Chine a doublé son effort de recherche en cinq ans et compte déjà plus de chercheurs que l'Europe tout entière. L'Inde investit massivement dans l'économie de la connaissance. L'Europe a pris la mesure de cet impératif en se fixant pour objectif, en mars 2000 à Lisbonne, de devenir « l'économie de la connaissance la plus compétitive de la planète ». Cette affirmation générale doit se traduire dans chaque pays par les décisions appropriées.
La recherche est donc devenue un défi majeur pour notre pays, qui conditionne notre avenir, notre compétitivité et notre position sur la scène européenne et internationale.
Le sentiment d'abandon et de mauvais fonctionnement du système de recherche français a provoqué une très vive réaction de la communauté scientifique à partir de 2004.
Il est significatif de constater que la démarche s'est exprimée initialement par une grève administrative des responsables des équipes scientifiques, dont la passion, la compétence et l'activité ne se sont pas, cependant, démenties.
Il s'agissait donc non pas d'un mouvement seulement catégoriel ou corporatiste, mais d'un signal d'alarme destiné aux responsables publics et, au-delà, à la communauté nationale tout entière, qui soulignait l'état de la recherche française et son appauvrissement en termes de motivation et de soutien.