Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui d'un projet capital, celui de la réforme de la recherche française, sur laquelle planent aujourd'hui bien des ombres et beaucoup d'inquiétude.
Après les interventions des deux ministres qui ont en charge la recherche, après l'avis circonstancié du Conseil économique et social, le propos qu'il me revient de tenir, en tant que représentant de la commission des finances au sein de la commission spéciale, sera bref.
Constatons d'abord que cette programmation à cinq ans ne tombe pas du ciel. Le budget de 2005 et celui de 2006 qui l'inaugurent ont, en effet, déjà été marqués par une progression sensible des crédits alloués à la recherche, soit 1 milliard d'euros par an, progression qui sera poursuivie au cours des années qui viennent.
De plus, le financement récurrent des organismes de recherche traditionnels n'a pas été oublié : les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, qui, hors programme « Vie étudiante », recouvrent l'ancien BCRD, c'est-à-dire la recherche civile, conduite par près de sept ministères, mais aussi et surtout la recherche universitaire, qui représente près de la moitié du total, ont d'ores et déjà augmenté de 700 millions d'euros en deux ans.
Il convient toutefois de noter que la part de la recherche à finalité militaire, proche à bien des égards de la recherche civile, en particulier dans les technologies de pointe telles que l'informatique ou le secteur spatial, aurait dû être mieux dégagée. Nous nous emploierons, au cours des mois à venir, à mieux cerner cette recherche duale, qui est l'un des points forts de nombre de pays voisins, en particulier la Grande-Bretagne, les États-Unis et la Suède.
Par ailleurs, des pistes novatrices sont ouvertes.
D'une part, le financement par projets appelle la création de plusieurs agences, dont nous parlera tout à l'heure plus longuement notre collègue Henri Revol.
D'autre part, il convient de souligner une incitation fiscale importante. Le statut de jeune entreprise innovante, créé dans la loi de finances pour 2004, permet de bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur les sociétés pendant trois ans, puis d'une exonération de 50 % les deux années suivantes, le tout accompagné d'une exonération de charges sociales. Ces mesures s'inspirent des régimes tout à fait favorables que d'autre pays - toujours les mêmes, d'ailleurs ! - assurent à la jeune et performante recherche de demain. Il faut y ajouter l'amélioration et la pérennisation du crédit d'impôt recherche, dont la régulière montée en puissance depuis quelques semestres signe le succès.
Toutes ces mesures, mes chers collègues, visent un but cohérent : sans abandonner le financement de la recherche fondamentale, car celle-ci nourrit une recherche appliquée qui est la clé de la compétitivité de l'économie de demain et donc de l'emploi, il s'agit d'encourager une meilleure synergie entre ces deux types de recherche. En effet, recherche publique et recherche privée, loin de s'opposer, doivent nécessairement se compléter et s'appuyer.
Or la France, qui est l'un des pays du monde dont la recherche publique est la mieux financée par rapport à son PIB - 1% du PIB en 2003, seul chiffre aujourd'hui accessible - se caractérise, hélas ! par une inquiétante faiblesse de sa recherche privée.
Cela tient à notre histoire, aux guerres que nous avons connues, à la part éminente de l'État dans la naissance de la recherche nucléaire... Mais le passé est derrière nous ; c'est l'avenir qui nous attend, et il a un tout autre visage !
Nous devons donc aujourd'hui favoriser tout ce qui peut rassurer, réconforter, stimuler les jeunes chercheurs. Il faut qu'ils puissent trouver, comme ailleurs, des postes dans les entreprises privées.
La réforme dont nous allons débattre vise ainsi à rééquilibrer un système où les organismes de recherche gagneraient à se concentrer sur la croissance des moyens alloués à chaque chercheur plutôt que sur la seule augmentation du nombre de chercheurs. C'est ainsi que pourra s'améliorer, de façon significative, l'attractivité des carrières.
La programmation qui nous est proposée porte la trace de ces orientations. Le financement de la MIRES, et donc de l'ensemble des organismes, progressera de 2, 3 % par an, chiffre très supérieur à celui de la croissance probable de l'investissement public au cours des années à venir.
En outre, un effort sensible est accompli en direction du financement de la recherche par projets, effort dont peuvent d'ailleurs bénéficier les organismes publics de recherche en plus de leur financement budgétaire. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit au cours de l'année qui s'achève.
Leurs crédits passeront - hors Agence de l'innovation industrielle, qui, vous le savez, sera chargée de la dynamisation de la recherche dans les petites et moyennes entreprises - de 350 millions d'euros en 2005 à 1, 5 milliard d'euros en 2010. Quant aux avantages fiscaux, leur montant devrait passer de 950 millions d'euros en 2005 à 1, 7 milliard d'euros en 2010.
Il s'agit donc bien d'un rééquilibrage, qui n'abandonne pas l'essentiel, mais qui cherche à corriger, à compléter, à fortifier, à gommer les points faibles traditionnels de la recherche française, la rapprochant ainsi de celle de nos concurrents.
Pour autant, si l'essentiel des orientations de ce Pacte pour la recherche mérite, évidemment, l'approbation de la commission spéciale, la commission des finances a souhaité que soient levées certaines ambiguïtés du texte, en particulier celles qui sont relatives au tableau de financement annexé à ce texte. Quelques amendements vous seront donc proposés. Le principal d'entre eux vise à lever, au sein de l'article 1er, la conditionnalité de la poursuite de l'effort engagé après 2007.
Le principe d'annualité budgétaire et l'entrée en vigueur de la LOLF, qui donnent au Parlement une meilleure visibilité de l'utilisation des crédits engagés, rendent, de toute façon, cette conditionnalité inutile. Nous faisons confiance aux chercheurs et nous ne doutons pas que, si les crédits engagés s'avéraient être mal utilisés, le Parlement saurait en tirer les conséquences.
Pour des raisons de clarté, de vérité et de transparence, le tableau en annexe a donc été rectifié afin d'inclure la programmation pour les années 2008 et 2009.
Je conclurai mon intervention en formulant trois brèves observations de caractère plus général.
Premièrement, l'application de la LOLF sera, à coup sûr, plus délicate dans le domaine de la recherche qu'ailleurs, dans la mesure où la relation entre les moyens et les résultats y est, par nature, aléatoire. Faut-il pour autant baisser les bras ? Non, bien au contraire ! C'est la raison pour laquelle, comme dans les pays les plus performants, du plus grand au plus modeste d'entre eux, des États-unis à la Suède, voire à la Finlande, sauf à risquer le gaspillage, l'évaluation qualitative des résultats est nécessaire.
L'évaluation est essentielle pour essayer d'arracher la recherche à la critique dont elle a souvent fait l'objet : où ces travaux nous mènent-ils ? Quels en sont les résultats ? Nous veillerons à ce que, chaque année, un rapport précis soit établi sur l'efficacité de la recherche de demain.
Deuxièmement, face à un budget comme celui de notre pays, sur lequel pèsent des déficits constants et graves, le souci d'économie est primordial. La France d'aujourd'hui est donc condamnée à donner la priorité à une recherche active et performante, c'est-à-dire à l'avenir, à la jeunesse et à l'emploi, et ce alors même qu'il lui faudra assumer des charges de retraites ou de santé liées au vieillissement de la population.
Ne nous cachons pas la cruelle vérité : nous devons faire un choix entre hier et demain, entre le passé et un futur qui se dessinera sous un jour nouveau lors du siècle qui s'annonce.
Troisièmement, la recherche a un coût, et l'effort financier qui sous-tend le Pacte dont nous allons débattre en témoigne. Mais elle est aussi affaire de culture et de foi.
Le pouvoir politique peut orienter la recherche, il doit la financer, mais il ne peut pas se substituer aux chercheurs, auxquels incombe - c'est l'honneur de leur condition - une poursuite exigeante de l'efficacité et un sens aigu de la responsabilité.
Souvenons-nous en, mes chers collègues, cette alliance étroite entre le droit et le devoir est le privilège, l'exemplarité, mais aussi le sang de la démocratie.