Intervention de Jacques Valade

Réunion du 16 décembre 2005 à 15h00
Loi de programme pour la recherche — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jacques ValadeJacques Valade, rapporteur :

La création de nouvelles structures de coopération renforcée entre les acteurs de l'enseignement supérieur et ceux de la recherche permettra de libérer les énergies et d'encourager les synergies. Elle devrait permettre de donner un nouvel élan ainsi qu'une meilleure lisibilité européenne et internationale à notre dispositif.

Le texte qui nous est proposé donne aux acteurs, publics et privés, les moyens de sortir des cloisonnements que nous déplorons à l'heure actuelle, tout en préservant l'identité propre de chacun d'eux, et nous nous en réjouissons.

Ce projet de loi est donc le fruit d'un compromis satisfaisant, mais il laisse, monsieur le ministre, transparaître certaines insuffisances et des interrogations.

Un certain nombre d'entre nous regrettent, en particulier, que le projet de loi n'aborde pas la question de l'autonomie et de la gouvernance des universités. À cet égard, la commission spéciale vous proposera un amendement qui ne touche que marginalement à cette question, mais qui tend à éviter que la simple absence physique de membres d'un conseil d'administration - par exemple au sein de l'université - suffise à faire échouer des prises de décision pour modifier des statuts ou des structures internes. Nous pensons, naturellement, à la constitution des PRES. Il s'agit, en fait, d'assouplir la règle du quorum.

Au-delà, nous formons le voeu que les résultats de ces expérimentations entraînent une évolution des mentalités suffisante pour que l'on puisse envisager, dès que possible, après constatation, la nouvelle gouvernance dont les universités françaises ont tant besoin.

Par ailleurs, il conviendra de veiller à la bonne articulation entre les différentes structures, d'autant que la création de nouvelles structures ne s'accompagne pas de la suppression d'organismes existants, à l'exception du volet « évaluation ». Nous avons cependant quelques inquiétudes sur la manière de rendre cohérentes les évaluations, notamment en ce qui concerne l'université et les grands organismes de recherche.

Le Gouvernement a choisi d'accompagner et d'encourager l'évolution des structures, qui reposera sur les initiatives propres des acteurs et sur l'expérimentation. Les acteurs se verront proposer, en quelque sorte, une fantastique « boite à outils » et il leur appartiendra de s'en saisir. Cette « boîte à outils » n'est pas vide : elle est pleine à la fois de nouveaux systèmes et de quelques moyens, et il faudra que les acteurs de la recherche sachent s'en servir.

Par conséquent, si nous soutenons la démarche proposée, car elle peut constituer un réel levier pour l'évolution rapide de notre système de recherche vers davantage d'excellence collective, nous relevons toutefois que le succès de cette stratégie reposera beaucoup sur la mise en oeuvre des mesures présentées.

Le Gouvernement devra donc veiller, monsieur le ministre, notamment par le biais des décrets d'application, à la clarification des positionnements respectifs des structures sur le plan tant national que local. Il faudra trouver un mode d'emploi clair pour la mise en oeuvre de cette stratégie.

Par ailleurs, nous devons pousser plus avant nos réflexions et propositions sur les moyens de renforcer l'attractivité des carrières scientifiques. Si la sécurité de « l'emploi à vie » constitue l'un des éléments d'attractivité du statut du chercheur français, la rigidité de ce statut est, à l'inverse, pénalisante : elle ne permet pas toujours de proposer des rémunérations suffisamment intéressantes ni de récompenser l'excellence.

Le Gouvernement a engagé des mesures importantes en la matière, mais elles paraissent encore timides au regard des réformes menées par nos partenaires étrangers.

Il conviendrait, en outre, de poursuivre dans la voie de la revalorisation des allocations de recherche, notamment en indexant leur évolution sur celle du coût de la vie. Des amendements intéressants ont été déposés à cet égard.

Il nous faut également améliorer les conditions d'entrée des jeunes docteurs dans la vie professionnelle, y compris pour contribuer au développement de la recherche privée.

Il importe aussi de trouver les moyens de valoriser le titre de chercheur et d'inciter les entreprises à avoir davantage recours à leurs services, sans qu'il y ait pour autant une obligation d'engagement.

J'insisterai, enfin, sur la nécessaire gestion prévisionnelle des effectifs - je sais, monsieur le ministre, que vous partagez cette préoccupation - et sur la lisibilité des recrutements, qui font trop cruellement défaut à l'heure actuelle.

Cette gestion prévisionnelle est pourtant essentielle si l'on veut attirer les jeunes vers les carrières scientifiques et assurer la relève des nombreux chercheurs et enseignants-chercheurs qui prendront leur retraite dans la décennie à venir.

Enfin, méfions-nous des visions trop « quantitatives » en matière de politique de recrutement. En effet, il est essentiel que chaque chercheur dispose des moyens et des conditions de travail nécessaires à la recherche. L'accroissement du nombre d'emplois ne doit pas prendre le pas sur cet impératif.

Mes chers collègues, pour ce qui concerne plus précisément les articles dont j'ai la charge au nom de la commission spéciale, je vais vous présenter brièvement les orientations qui inspirent les amendements que je vous proposerai.

La commission spéciale a jugé qu'il convenait de procéder à la création du Haut Conseil de la science et de la technologie par voie législative, et M. le ministre délégué a bien voulu nous donner par avance son accord. Cette nouvelle instance consultative placée auprès du Président de la République constitue la pierre angulaire de la réforme. Nous nous sommes donc attachés à définir ses missions principales et sa composition.

Par ailleurs, je vous proposerai de compléter les dispositions de l'article 2 du projet de loi concernant les nouvelles structures de coopération entre les acteurs de la recherche et de l'enseignement supérieur. Il s'agit, en particulier, de leur donner une dimension européenne, en précisant que les établissements ou organismes concernés peuvent être français ou européens.

En outre, plutôt que de parler de « campus de recherche », nous vous proposerons d'appeler « réseaux thématiques de recherche avancée » les fondations de coopération scientifique destinées à conduire un projet d'excellence scientifique dans un ou plusieurs domaines de recherche. En effet, la notion de « campus » est trop limitée à la désignation d'un lieu : elle évoque un ensemble de bâtiments et quelquefois de services. Or notre dispositif va bien au-delà.

La commission spéciale a également souhaité, sur l'initiative de Pierre Laffitte, que les fondations « abritées » puissent conserver ou acquérir la personnalité morale afin qu'il n'y ait pas de superposition. L'amendement que notre collègue présentera est tout à fait explicite en cette matière.

La commission spéciale s'est réjouie de la réforme de l'évaluation que prévoient les articles 4 et 5 du projet de loi. Cependant, elle vous proposera de compléter ce dispositif.

En premier lieu, votre commission estime nécessaire de rebaptiser l'Agence d'évaluation de la recherche pour en faire l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, ou AÉRES, afin de tenir compte de l'ensemble de ses missions. Ce changement de dénomination fait suite à une demande expresse des universitaires et répond aux nouvelles missions que l'Agence aura à assumer.

En deuxième lieu, votre commission désire que soient précisées les missions et les modalités de fonctionnement des trois sections de l'AÉRES, chargées respectivement de l'évaluation des établissements, des unités et des procédures d'évaluation des personnes.

Enfin, en troisième lieu, votre commission souhaite que soit clairement confiée à l'AÉRES l'évaluation de l'Agence nationale de la recherche. Le fonctionnement de l'ANR recèle trop d'enjeux pour qu'elle ne soit pas elle-même évaluée.

S'agissant de l'amélioration des conditions d'activité des chercheurs, il nous est apparu nécessaire de conforter la place des femmes dans le secteur de la recherche. Le Gouvernement a également présenté un amendement sur ce sujet, et nous sommes tout à fait intéressés par sa proposition.

Afin que des actions soient entreprises pour remédier à la sous-représentation des femmes, je vous proposerai donc d'insérer un article additionnel après l'article 21 en vue de confier au Gouvernement le soin de présenter chaque année au Parlement un bilan des mesures tendant à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la recherche.

Enfin, je vous proposerai trois amendements au titre IV du projet de loi, qui est consacré au statut de l'Institut de France et aux Académies, afin que soient mieux respectés les principes d'indépendance et d'autonomie de gestion dont celles-ci ont toujours pu se prévaloir au cours de leur longue histoire.

Pour conclure mon propos, je vous confirme que votre commission spéciale a accueilli favorablement le texte qui lui est présenté. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit là d'une formidable « boîte à outils », qui devrait permettre à la recherche française de maintenir, voire d'améliorer son rang dans la compétition internationale.

À vous, monsieur le ministre délégué, et à tous les acteurs de la recherche et de l'enseignement supérieur, publics et privés, de créer un nouvel élan et de redonner des perspectives à l'ensemble de la communauté scientifique, notamment aux jeunes chercheurs sur qui repose pour une bonne part l'avenir de notre pays.

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