Cette conviction est la suivante : en matière de recherche, les moyens sont indispensables, mais ils ne sont pas suffisants !
On entend beaucoup parler du lien entre l'effort de recherche et le développement, entre la croissance et l'emploi. Mais les choses ne sont pas si simples. Il se peut très bien que nous inventions de nouveaux services et de nouveaux produits, mais que ceux-ci soient ensuite fabriqués ailleurs. Il arrive même que tel ou tel grand contrat prévoie explicitement des transferts de technologie en faveur du pays acheteur, ce qui réduit, à terme, notre avance en termes de matière grise.
Telles sont les réalités du monde d'aujourd'hui, qui nous rappellent que l'augmentation de l'effort de recherche et de développement n'est pas une panacée, mais que celui-ci doit s'accompagner d'une réflexion sur des objectifs et des orientations qui en feront un facteur de développement sur le plan tant économique que sociétal. À quoi sert-il en effet de faire le plein de carburant si l'on ne sait pas au préalable quelle route on devra prendre ?
De ce point de vue, le projet de loi de programme pour la recherche est un réel progrès, car il augmente la capacité d'orientation de la recherche française, aussi bien sur le plan national que sur le plan local.
Sur le plan national, il permettra de redonner aux pouvoirs publics la possibilité de faire des choix. En effet, ce texte conforte et complète la nouvelle gouvernance de la recherche française. C'est au Gouvernement éclairé par un Haut Conseil qu'il reviendra de déterminer des priorités et de les faire mettre en oeuvre par les universités et les organismes au travers de leurs contrats quadriennaux et par les agences de moyens, l'ANR et l'AII, dont ces priorités sont la raison d'être.
Cette capacité de pilotage renforcée est aussi un gage de meilleure insertion dans l'espace européen de la recherche, qui fonctionne lui aussi par projets, pour ce qui est tant de la politique communautaire elle-même que des politiques nationales menées par nos partenaires.
Mais je vous rassure, mes chers collègues, le Gouvernement ne nous propose bien évidemment pas un retour nostalgique aux grands projets gaulliens, auxquels nous devons d'ailleurs beaucoup. Il nous propose de retrouver le souffle de cette ambition en l'adaptant aux réalités d'aujourd'hui, notamment en doublant la capacité d'orientation sur le plan national d'une même capacité sur le plan local.
En effet, comme l'a brillamment rappelé le président de la commission spéciale, Jacques Valade, le texte prévoit que les forces puissent être regroupées sur le terrain à l'échelle d'un territoire, au travers des PRES, ou d'une thématique, au travers des « campus » ou plutôt des « réseaux ». Le projet de loi vise à permettre ces regroupements là où ils sont nécessaires, là où ils sont possibles et, surtout, là où les acteurs le souhaitent.
Car il s'agit d'un projet de loi de confiance à l'égard des femmes et des hommes qui font la recherche : doctorants, post-doctorants, chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens. Ces personnels, nous sommes plusieurs, sur toutes les travées de cet hémicycle, à bien les connaître. À ce propos, je pense au partenariat « un chercheur-un parlementaire », actuellement organisé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en étroite collaboration avec l'Académie des sciences.
Cela est vrai de l'ensemble du Pacte pour la recherche. C'est donc dans cet esprit que j'ai souhaité, en ma qualité de rapporteur, continuer à améliorer le projet de loi qui nous a été présenté.
Mon action a plus précisément porté sur l'article 6, relatif aux missions d'expertise, sur l'article 7, relatif au statut de l'ANR, sur les articles 9 et 10, relatifs à la valorisation, sur les articles 12, 13 et 14, relatifs aux jeunes entreprises innovantes, et sur l'article16, relatif aux marchés publics.
Conformément au principe de confiance, les amendements que j'ai proposés à la commission spéciale ont été essentiellement motivés par le souci de permettre à nos équipes de recherche de pleinement disposer d'un cadre favorable à leur liberté et à leur créativité, au service de la recherche et de l'innovation de notre pays.
Tel est le cas pour l'article 6 du projet de loi, consacré à l'expertise. Je vous proposerai de mieux reconnaître cette mission importante des personnels de la recherche, qui correspond à des attentes fortes de la société. Elle doit être pleinement valorisée et accomplie dans des conditions de sécurité juridique pour nos chercheurs, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui.
J'ai souhaité que les articles 9 et 10, qui permettent à nos équipes de recherche de mieux profiter des possibilités qu'offre la valorisation partenariale, puissent également bénéficier aux nouvelles structures de coopération, je veux parler des PRES et des « campus », que votre commission spéciale propose de renommer « réseaux thématiques de recherche avancée ». Permettre un recours plus libre et mieux encadré à des structures externes de valorisation est un gage de meilleure efficacité du lien entre la recherche et l'innovation, comme en témoignent des réussites que nous connaissons tous.
Votre commission spéciale proposera également de permettre aux PRES et aux réseaux thématiques qui le souhaiteront de créer des structures internes de valorisation sous la forme de services d'activités industrielles et commerciales.
S'agissant du personnel, nous vous proposerons de permettre aux titulaires de doctorats de toutes les disciplines de bénéficier des mêmes possibilités de mobilité professionnelle que celles qui sont aujourd'hui réservées aux seuls docteurs en médecine et en pharmacie.
Dans un tout autre domaine, celui des marchés publics, j'ai constaté que les règles du code des marchés publics pouvaient parfois constituer une entrave à l'expression du talent de nos chercheurs lorsqu'il est question d'achats directement nécessaires à des expériences scientifiques et à des activités de recherche. L'article 16 du projet de loi représente déjà un progrès en ce qu'il exonère les établissements publics de recherche du code français des marchés publics pour leurs achats de fournitures et de services nécessaires à la recherche. Votre commission spéciale vous proposera de l'améliorer sur trois points : d'une part, en étendant aux achats de travaux cette dérogation, étant entendu que les établissements resteront soumis aux seuils européens, c'est-à-dire 5, 2 millions d'euros hors taxe pour les appels d'offres de travaux ; d'autre part, en élargissant cette possibilité aux écoles d'ingénieurs ; enfin, en sécurisant cette liberté nouvelle en permettant à chaque établissement de fixer ses règles internes de répartition des compétences en matière de marchés publics.
Les autres amendements que nous vous proposerons seront essentiellement des ajustements d'ordre technique ou organisationnel.
Nous souhaitons notamment une meilleure représentation parlementaire au sein du conseil de surveillance de l'Agence de l'innovation industrielle : trois sénateurs et trois députés au lieu de deux actuellement. Il s'agit d'un point spécifique, dans la mesure où cette agence n'est pas évoquée par ailleurs dans le texte. Ce débat me semble bien cependant l'occasion d'en parler.
L'examen de ce projet de loi peut d'ailleurs, au même titre, être utile pour évoquer le grand projet ITER.
La commission spéciale vous proposera la transformation de l'association qu'est actuellement l'Académie des technologies en un établissement public administratif.
Conforter le cadre de travail des chercheurs, ingénieurs et techniciens pour leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes, c'est-à-dire poursuivre dans le sens tracé par ce projet de loi, voilà, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, quelle a été l'orientation de mon travail et des amendements que mes collègues et moi-même avons rapportés devant la commission spéciale et qui vous seront présentés dans la suite de nos débats.
La loi de programme pour la recherche est un texte qui fera date, il mérite tout notre soutien. Même si sa confection a pris du temps, il peut encore, sur des points précis, être amélioré. C'est l'objet des amendements que présente la commission spéciale.