Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 16 décembre 2005 à 15h00
Loi de programme pour la recherche — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

... et entraîner des effets d'aubaine, sans toutefois avoir un effet structurant sur les territoires, comme on nous l'a fait remarquer lors des auditions menées par la commission. Le CAC 40 ayant atteint des sommets, les financements privés ne devraient pourtant pas manquer ! C'est donc bien qu'il y a aujourd'hui un blocage de l'investissement dans la recherche, autrement dit de l'investissement à long terme.

Les dépenses des entreprises en matière de recherche ne représentent que 1, 2 % du PIB.

Force est encore de reconnaître que le monde de la recherche est inquiet. Car, in fine, un tel projet de loi portant sur la recherche, de l'amont à l'aval, et donc aussi sur la recherche fondamentale, est révélateur de la capacité de notre société à se projeter dans le long terme, de son potentiel d'invention et d'innovation futur. Il peut aussi révéler l'incapacité à mesurer l'urgence à agir et à prendre les mesures qu'impose la hauteur des enjeux. En matière de recherche, de recherche fondamentale notamment, le retard pris ampute d'autant les perspectives de croissance à venir.

La recherche finalisée est un tripode s'appuyant, d'abord, sur la découverte, ensuite sur l'innovation et, enfin, sur la recherche et développement. Doit-on rappeler que les grands progrès sont issus de recherches pour le moins iconoclastes ? Le président Jacques Valade a évoqué la bougie et la lampe, je pourrais pour ma part citer Pasteur ou la diode d'Esaki.

Or, ce que l'on constate, c'est que ce projet de loi est une occasion manquée pour la recherche fondamentale ! On note aussi deux grandes absentes : tout d'abord, l'université, autrement dit, il nous manque un projet de loi concernant l'enseignement supérieur, et, par ailleurs, l'Europe.

L'urgence de la situation ne justifie pas la précipitation. Or c'est précisément l'impression qui domine, monsieur le ministre délégué. On donne ici l'impression qu'il faut au plus vite répondre à la demande sociale qui s'est exprimée lors des états généraux de la recherche, ainsi que dans de nombreux débats et écrits.

Au lieu de redonner de la cohérence à la recherche et de la réorganiser de manière cohérente, ce projet de loi ajoute à la complexité actuelle. Le président Jacques Valade a parlé de boîte à outils ; moi, j'ai l'impression que la boîte déborde !

Et ce n'est pas l'urgence déclarée hier sur ce texte qui modifiera notre impression. Nous espérions beaucoup de la navette, car elle nous aurait permis certaines améliorations. Ce qui est marquant, et il faudra précisément s'interroger sur ce point, c'est l'absence de réelle volonté de structurer la recherche, d'aboutir à une véritable gouvernance, comme si, au fond, ce n'était pas l'objet de ce projet de loi de rendre plus efficace la recherche en répondant à ce souci.

Ce projet de loi est tout à la fois opportuniste, par rapport à une demande sociale importante, et dangereux dans la mesure où il risque de se traduire par une rationalisation des crédits de la recherche, autrement dit une redistribution sélective des ressources existantes entre les différents organismes par le biais des agences de moyens, comme l'ANR. Les chercheurs et les enseignants-chercheurs risquent de perdre plus de temps encore dans le montage de projets pour des résultats encore plus hasardeux.

C'est aussi face à une telle crainte que s'inscrit la demande émanant du monde de la recherche d'une meilleure répartition entre les programmes blancs, c'est-à-dire ceux qui ne répondent pas à une commande préalable, et les projets finalisés, de recherche plus appliquée. Nous avons déposé un amendement allant dans ce sens.

Au surplus, on a le sentiment que le Gouvernement semble accorder bien peu d'importance à ce projet de loi, puisque non seulement il en relègue l'examen en toute fin d'année, mais en plus il le saucissonne complètement.

En effet, nous commençons l'examen de ce texte ce vendredi après-midi, jour déjà inhabituel pour siéger, surtout après les efforts consentis ces dernières semaines, de jour comme de nuit, pour la discussion du projet de loi de finances pour 2006. Nous reprendrons notre débat mardi prochain, dans l'après-midi, après l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2005, puis nous nous interromprons de nouveau pour la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2006. Nous reprendrons alors dans la nuit les débats que nous n'aurons pas pu poursuivre dans l'après-midi. Enfin, excepté la journée de mercredi, où, manifestement, nous ne devrions pas être interrompus, nous serons amenés à clore la discussion sur ce texte le jeudi 22 décembre, après la discussion des conclusions de différentes commissions mixtes paritaires, sur le projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports, sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, sur le projet de loi d'orientation agricole, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2005 !

Avouez, monsieur le ministre délégué, qu'un tel « saucissonnage », n'est pas acceptable et qu'il n'est pas digne des enjeux !

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