Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons est très attendu.
En réponse au souhait du Président de la République de faire du développement scientifique de la France une priorité, le Gouvernement s'engage sur la voie d'une rénovation ambitieuse du système national de recherche et d'innovation, en étroite collaboration avec tous les acteurs qui y concourent.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre délégué, les faiblesses de notre système de recherche sont désormais bien connues et l'heure n'est plus à la discussion des résultats d'enquête. Qu'il s'agisse des publications, des brevets, des distinctions internationales, du rayonnement général de la science française, nos résultats sont insuffisants. Pourtant, la France bénéficie d'une longue tradition d'excellence scientifique et compte des scientifiques de grande valeur.
Ce paradoxe vient de notre incapacité à nous adapter. N'oublions pas que l'organisation actuelle de la recherche a été mise en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, le contexte est très différent. L'économie se mondialise, la concurrence ne cesse de s'intensifier, les secteurs scientifiques qui semblent les plus porteurs changent.
Il nous faut trouver un nouvel élan. Notre dynamisme économique en dépend, et donc nos emplois.
Je ne détaillerai pas l'ensemble du dispositif, il vient d'être décrit, mais je souhaiterais souligner plusieurs avancées, et tout d'abord celles qui concernent les moyens.
Cette réforme impose de dégager des moyens financiers importants.
Notre assemblée vient de voter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2006 : pour la seconde année consécutive, comme il s'y était engagé, le Gouvernement accroît d'un milliard d'euros les crédits destinés au financement de la recherche, augmentant ainsi de 5 % sur une année l'effort public en la matière.
Dans un contexte de stabilisation des dépenses publiques, cet effort est significatif. Il vise à respecter l'objectif fixé à Lisbonne en mars 2000, qui prévoit de porter les dépenses de recherche de chaque État membre à 3 % du produit intérieur brut en 2010.
Il importe cependant de préciser que tous les acteurs doivent se sentir impliqués.
Les dépenses en recherche et développement provenant du secteur privé restent insuffisantes. Le retard ne sera comblé qu'à la condition que les industriels investissent eux-mêmes beaucoup plus.
Le Gouvernement est déjà intervenu pour inciter les entreprises à investir avec la création de pôles de compétitivité et le crédit d'impôt recherche. Dans le projet de loi, il ajoute une incitation fiscale au dispositif existant et encourage les relations contractuelles entre établissements publics et structures privées. Je me réjouis de ces encouragements à la recherche privée et je souhaite, monsieur le ministre délégué, que cette dynamique soit poursuivie.
S'agissant toujours des moyens alloués à la recherche, je tiens enfin à souligner que, contrairement à ce qui a pu être dit dans la presse, les grands organismes de recherche bénéficient de moyens accrus : ils perçoivent 164 millions d'euros de crédits supplémentaires. L'effort consacré à l'emploi scientifique au sein de ces organismes est important puisque 1 000 postes, sur les 3 000 prévus pour l'ensemble de la recherche, y sont créés.
Autre point que je souhaiterais évoquer, la définition des priorités pour notre nation. Il est prévu de créer un Haut Conseil de la science et de la technologie.
Organe consultatif composé de personnalités de très haut niveau, le Haut Conseil éclairera les décisions du Gouvernement. Il s'agira d'un instrument essentiel de pilotage de notre politique de recherche. Je m'associe au souhait du président de la commission spéciale, Jacques Valade, de procéder à la création du Haut Conseil par la voie législative, donc en l'intégrant dans ce projet de loi.
Face à l'importance des moyens de la recherche américaine, face aussi à la détermination manifestée par les nouveaux pays concurrents, la France doit mieux identifier ses domaines d'excellence afin d'orienter davantage de moyens vers eux.
Il est également nécessaire d'identifier les domaines qui joueront un grand rôle dans les années à venir afin de leur consacrer, à temps, le soutien nécessaire. En France, la capacité de définir des priorités, de développer des stratégies et d'obtenir des résultats semble s'être émoussée avec le temps.
J'ajouterai que la création du Haut Conseil sera un gage de transparence essentiel dans un contexte de méfiance de l'opinion publique à l'égard des progrès de la science.
On voit bien qu'il s'agit non pas d'une institution bureaucratique de plus, mais d'une institution qui répond à une nécessité, d'ailleurs reconnue par tous les pays.
Autre sujet : l'évaluation de la recherche, qui constitue un point faible. Elle est aujourd'hui disparate, hétérogène, tant de par ses acteurs que de par ses méthodes, chaque organisme ayant son propre système d'évaluation. L'affectation des crédits ne se fait pas de manière suffisamment transparente. L'évaluation a posteriori des projets est quasi inexistante.
En conséquence, l'évaluation de la recherche est insuffisamment reconnue et respectée en France.
La recherche française n'a pas cette culture de l'évaluation qui joue un rôle central pour les universités ou pour les instituts de recherche au Royaume-Uni, en Finlande, au Japon et en Suisse, pays où l'évaluation de la qualité des projets conditionne, en partie, l'affectation des crédits publics. Reposant sur des critères mesurables découlant des meilleurs standards internationaux, les systèmes de ces pays permettent de récompenser les chercheurs les plus performants et de favoriser l'émulation entre les centres de recherche.
Je me réjouis donc de la création de l'Agence d'évaluation de la recherche, car elle permettra une évaluation systématique ; une évaluation de qualité grâce à des pairs reconnus, notamment européens et internationaux ; une évaluation transparente s'appuyant sur des critères, des évaluateurs et des conclusions connus de tous, et, enfin, une évaluation suivie d'effets.
Au-delà de ces principes, je m'associe au souhait de notre commission de voir préciser les modalités de fonctionnement de l'Agence dans ses évaluations respectivement des établissements, des unités et des personnes.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre délégué, pour veiller à l'efficacité de cet organisme, qui doit devenir la clef de voûte de l'évaluation scientifique.
J'évoquerai maintenant ce qui me paraît être l'avancée déterminante que constituera le présent projet de loi pour notre système de recherche : le regroupement des acteurs de la recherche dans de nouvelles structures de coopération.
Les différents classements internationaux révèlent deux faiblesses : nos pôles universitaires sont trop petits pour être visibles et donc pour pouvoir attirer les meilleurs enseignants, chercheurs et étudiants ; nos acteurs sont trop dispersés sur les grandes thématiques de recherche, en particulier les thématiques d'avenir.
Partant de ce constat, le Gouvernement adopte deux démarches complémentaires.
Les PRES, c'est-à-dire les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, répondent à une logique de site. Les acteurs travaillant sur un même territoire pourront se regrouper pour renforcer l'efficacité de leurs actions et pour accroître leur reconnaissance internationale. Cela permettra aux universités, aux grandes écoles, aux centres de recherche publique et aux entreprises de travailler ensemble.
Les « réseaux thématiques de recherche avancée », si cette appellation est retenue, répondent, eux, à une logique thématique. Les acteurs se regrouperont pour étudier un projet scientifique précis, un grand thème de recherche ayant une importance pour notre pays à l'échelle internationale.
Des outils sont ainsi proposés pour favoriser des regroupements dont certains sont d'ailleurs déjà amorcés. En effet, la réforme s'appuie d'abord sur la force des initiatives locales. Je citerai l'exemple de Bordeaux, où quatre universités, un institut d'études politiques et quatre grandes écoles ont signé au printemps dernier une charte définissant une stratégie commune.