Regardons l'âge des « nobélisés » et de ceux qui sont internationalement reconnus, observons leurs laboratoires d'origine : ils ne sont ni issus du crédit d'impôt, ni d'un CDD sur projet. La découverte, c'est comme le bon pain ou le bon vin, il faut le temps de la maturation, un environnement protégé, un tour de main acquis aux côtés des autres, et la divine surprise d'un cru exceptionnel.
Le projet de loi ne dit pas un mot de l'environnement dans lequel il s'appliquera. Le noyau central du savoir, l'université, n'y est pas reconnu comme le pivot possible d'une requalification du système de recherche.
Ce texte est muet sur les collectivités, pourtant de plus en plus impliquées.
Une fois de plus, le nombrilisme franco-français tourne le dos à l'Europe et ne prend même pas la peine d'ébaucher une articulation avec ce qui se passe au-delà de nos frontières.
Le rédacteur a-t-il pris la peine de changer son angle de vue et d'évaluer le système proposé à partir de l'unité de base de la recherche, c'est-à-dire le laboratoire ?
C'est peu probable car il aurait mesuré à quel point la complexité accrue allait être cause d'inquiétudes quant à la stratégie à adopter, et de perte de temps lorsqu'il s'agira de solliciter la multitude de bailleurs de fonds potentiels, de leur rendre des comptes, voire de passer des heures en réunions, pour peu que l'on soit quelqu'un qui ait pris des responsabilités.
Car il n'est désormais pas impossible d'être dans un laboratoire mixte d'un organisme et d'une université, celle-ci étant inscrite dans un PRES, mais dont la discipline est requise pour un campus thématique, et dont le territoire fait l'objet d'un pôle de compétitivité ou d'un pôle d'excellence.
Au passage, il sera bon d'être attentif aux statuts des structures dans lesquelles se font les échanges, car ce qui est public dans une université ne l'est pas automatiquement dans une fondation, et ce qui vous appartient dans un organisme appartiendra peut-être à un grand groupe dans un pôle de compétitivité. Tout cela mérite que des éclaircissements soient apportés.
S'il lui reste un peu de temps, le responsable du laboratoire se gardera bien d'oublier d'aller plaider sa cause auprès de la région, de l'Europe. Bien sûr, pour peu que ses recherches s'inscrivent dans les orientations souhaitées, il ira déposer un dossier auprès de l'ANR, qui dispose d'un tiers du budget.
Quant au règlement budgétaire, conforme à la LOLF, quel sort fera-t-il à la recherche de longue haleine au travers des critères annuels de réussite ?
Parlons maintenant des orientations. Les chercheurs savent que la découverte ne se décrète pas et ils auraient aimé qu'on leur fasse davantage confiance.
Dans un monde idéal où la recherche serait une grande priorité européenne et nationale et où les financements publics permettraient que les orientations se fassent en toute indépendance, pour le savoir et pour l'intérêt général, et non pour les brevets et les bénéfices à court terme, fussent-ils peu porteurs de bien-être humain, il est certain que cette confiance serait féconde. Nous aurions déjà en main les vaccins contre les maladies tropicales, les remèdes aux maladies orphelines, un photovoltaïque opérationnel...