...par anticipation avant même le vote de la loi.
Nous sommes habitués aux lois de programmation dans un certain nombre de domaines, notamment dans le domaine militaire, l'actuel faisant exception, qui étaient très loin des engagements pris sur un plan pluriannuel. En l'occurrence, votre critique n'est donc pas fondée.
Vous évoquez les recrutements à long terme, j'ai cité ceux qui avaient été « brillamment » faits avant 2002.
Contrairement à ce que vous dites, les sciences humaines et sociales ne sont pas du tout négligées. En effet, les crédits qui leur étaient consacrés dans le fonds de la science, le FNS, étaient de l'ordre de 10 millions d'euros. Dans les différents projets de l'Agence nationale de la recherche relatifs aux sciences humaines et sociales, ces crédits atteignent 25 millions d'euros. C'est une augmentation considérable dans ces domaines où la dépense de recherche est plus faible pour une équipe déterminée que dans d'autres disciplines. Nous ne négligeons donc pas l'importance des sciences humaines et sociales, bien au contraire, que la finalité de la recherche fondamentale soit sociale ou économique. De grandes entreprises françaises, réunies au sein de l'Association nationale pour la valorisation interdisciplinaire de la recherche en sciences de l'homme et de la société auprès des entreprises, l'ANVIE, s'intéressent à l'application des recherches en sciences humaines et sociales pour les entreprises, ce qui me semble être une démarche positive.
Monsieur Fourcade, vous avez très clairement rassemblé votre pensée et vos questions en quatre rubriques.
Vous nous avez dit que le décloisonnement était à l'oeuvre dans nos projets, ce qui est exact. Le pôle de compétitivité MédiTech Santé en est l'illustration concrète de ce que nous faisons et de l'importance économique de ce type de dispositif.
Vous avez fait, s'agissant de votre deuxième question, un commentaire plus mitigé sur le statut des chercheurs, j'ai dit ce que j'en pensais. L'expatriation n'est pas systématique, certains chercheurs de très haut niveau, qui sont sollicités par de grandes universités américaines préfèrent rester en France, alors que d'autres reviennent même dans notre pays. Comme l'a dit l'un d'entre vous, ce qui compte, ce sont moins le statut personnel et la rémunération que les moyens de la recherche. Les chercheurs, notamment les meilleurs d'entre eux, sont passionnés par leurs activités de recherche, c'est leur vie, et si nous savons leur assurer les moyens de leur recherche ils resteront ou ils reviendront en France. Aujourd'hui, l'expatriation concerne quelques cas individuels, qui concernent parfois de brillants chercheurs, mais nous assistons à un grand nombre de retours et, de ce point de vue, le bilan est beaucoup plus favorable qu'il y a quelques années. Néanmoins, nous devons inciter, comme vous l'avez suggéré monsieur Fourcade, au développement des vocations scientifiques, y compris dans les grandes écoles, en souhaitant que parmi ces étudiants, qui sont souvent très brillants, certains se dirigent vers la recherche. Ils ne le font plus aujourd'hui et c'est dommage. Les meilleurs de ces étudiants devraient être incités à consacrer au moins une partie de leur début de carrière à la recherche.
Il est bien sûr indispensable de développer la création d'entreprise par les chercheurs. À cet égard, certaines dispositions de ce projet de loi sont assez efficaces. Par ailleurs, on commence à prendre conscience dans les organismes de recherche et dans les universités que la création d'entreprise est un prolongement naturel de l'activité de recherche. Les chercheurs qui créent une entreprise nous disent que c'est positif non seulement en termes d'emplois et de développement économique, mais également pour leur recherche, car la recherche fondamentale a besoin des questions que pose une recherche appliquée. C'est aussi positif pour leur enseignement, car grâce à leur expérience dans ces entreprises innovantes, ils enrichissent les connaissances qu'ils transmettent à leurs étudiants.
S'agissant des moyens, vous avez raison.
Sur la recherche duale, nous exploitons sans doute encore trop peu cette possibilité, qui est mieux utilisée dans d'autres pays, et nous pensons sans doute aux mêmes pays.
J'ai cité les chiffres sur le crédit d'impôt recherche, sur le résultat des avantages fiscaux, c'est en fait une impulsion forte qui est aujourd'hui donnée à la recherche privée.
À votre question « allons-nous retrouver notre place ? », je réponds : oui, bien sûr. Vous l'avez très justement souligné, la Suède a su à la fois assainir ses finances publiques et augmenter ses budgets de recherche. C'est la preuve que nous avons raison de chercher à atteindre ces deux objectifs. Je suis totalement d'accord avec vous pour dire qu'il faut sortir des querelles institutionnelles et avoir des approches pragmatiques.
M. Pierre Laffitte a évoqué des sujets que nous connaissons. Les pôles de compétitivité sont une politique essentielle, directement liée à ce que nous faisons. Cette dynamique nouvelle, qui trouve son origine dans les initiatives de terrains, est une petite révolution à elle seule. En effet, qu'on encourage des initiatives, qu'on lance des appels à projets, comme les pôles de compétitivités, comme les PRES, comme les campus, c'est une révolution culturelle dans l'administration française et dans l'administration de la recherche.
Les fondations de recherche sont une politique intelligente, qui a pu être conduite grâce à des financements en 2004 et en 2005.
Je suis favorable à des PRES européens - vous avez déposé des amendements sur ce point -, à la mobilité des chercheurs, aux initiatives bilatérales et multilatérales ; nous en prenons beaucoup, notamment avec l'Allemagne.
J'ai parlé du financement par la recherche duale. J'ai également évoqué les questions de l'attractivité pour les chercheurs, qui sont évidemment à la base de tout.
Madame Blandin, il est faux de dire que les campus vont détourner les PRES. À cet égard, il y a eu, volontairement ou non, beaucoup d'incompréhension.
Le sujet de fond, ce sont les PRES, qui sont demandés par le monde de la recherche et de l'enseignement universitaire. Cette demande est parfaitement légitime et nous y répondons par des outils adaptés : l'établissement public de coopération scientifique et la fondation de coopération scientifique. Selon les situations, nous aurons besoin des deux outils juridiques. Telle est en tout cas l'opinion des acteurs de la recherche.
Il s'agit d'un outil d'application générale, qui sera dans certains cas surtout utilisé à des fins d'enseignement supérieur. Les PRES universitaires, qui sont en projet, en constituent un parfait exemple. Certains PRES seront beaucoup plus dirigés vers la recherche et prendront probablement plus volontiers le statut de fondation, qui correspondra mieux à la nécessité d'associer des organismes de statut différent.
En ce qui concerne notre volonté de développer la coopération scientifique, le Gouvernement a voulu distinguer des projets qui se signalent par leur importance. C'est pour cela que nous parlons non pas de sites mais de réseaux. En effet, il faudra rassembler des forces de recherche à l'échelle du pays, sur des thèmes qui ont une valeur stratégique, et il n'y en a pas 40, 50 ou 80. Seront en effet concernés probablement moins d'une dizaine de grands sujets, comme les neurosciences, les recherches dans le domaine aéronautique et spatial, ainsi que les recherches sur la fusion nucléaire, qui nécessitent des moyens particuliers pour figurer dans la compétition internationale, où nous avons la possibilité d'être au premier rang.
Il s'agit de cela, et de cela seulement. Les campus ne sont pas une arme anti-PRES. C'est à partir des PRES et de cette volonté de coopération que, sur quelques cas particuliers d'une importance considérable, et avec des moyens qui seront à la hauteur des enjeux, que se développeront les campus, ou les réseaux thématiques de recherche avancée, les RTRA, chers au président Valade et à la commission spéciale.
En ce qui concerne le plan pluriannuel pour l'emploi, nous en avons déjà parlé.
Par ailleurs, vous évoquez un affaiblissement des organismes de recherche universitaires, alors qu'une augmentation de leurs crédits est prévue : c'est un curieux paradoxe !
Le projet de loi n'est pas muet sur les collectivités territoriales, puisqu'il les vise explicitement, notamment à propos des PRES. Quant à l'articulation avec l'Europe, j'ai déjà traité ce sujet.
S'agissant de la complexité administrative, nous apportons, à travers ce texte, un certain nombre de solutions. À cet égard, les appels à projets « à double détente » de l'Agence nationale de la recherche, qui permettent de sélectionner les projets ayant une chance d'aboutir sans obliger à constituer des dossiers complets, représentent une démarche intelligente pour réduire le temps de travail administratif des chercheurs.
Cela étant, la complexité est inscrite dans les choses, dans les réalités. À mon avis, ceux qui veulent éviter la complexité feraient mieux de s'intéresser àautre chose qu'à la recherche, car la recherche, c'est compliqué ! D'ailleurs, l'articulation entre l'enseignement supérieur et la recherche, celle entre l'économie et la recherche sont aussi des sujets complexes. À une réalité compliquée, on ne peut répondre par quelques outils très simples. Il existe donc, en effet, une complexité, mais elle est en accord avec les réalités et elle sera efficace, même si elle demande des efforts.
En outre, l'Agence nationale de la recherche ne dispose pas d'un tiers du budget de la recherche, contrairement à ce que vous avez affirmé, puisque ses crédits s'élèveront, à terme, à un peu plus d'un milliard d'euros, alors que le budget de la MIRES atteint, pour la partie « recherche », une dizaine de milliards d'euros.
En tout état de cause, je n'ai pas très bien compris, madame Blandin, quelle était la logique de votre démarche, au-delà des thèmes abordés.
Concernant, par exemple, la recherche sur le cancer, vous avez affirmé que des changements dans l'environnement pourraient permettre de réduire l'incidence de cette maladie. À cet égard, je voudrais vous rappeler des chiffres qui sont extrêmement frappants : en matière de réduction de la mortalité par cancer, on estime que, aujourd'hui, les progrès espérés pourront être obtenus pour un quart en agissant, effectivement, sur l'environnement, sur la nutrition, sur des facteurs externes, pour un autre quart grâce à un dépistage plus précoce, qui permet de mieux soigner les malades, et pour moitié grâce à la recherche.
Par conséquent, il faut se garder de tout obscurantisme : c'est la science qui permet des progrès dans tous les domaines, qu'il s'agisse des modes de vie, de la technologie, de la productivité, de la santé, de la connaissance de l'environnement ou du règlement des problèmes environnementaux.
Je voudrais vous dire aussi que nous ne partageons pas votre conception selon laquelle une recherche décidée par l'entreprise serait une mauvaise recherche. Que serait une recherche privée totalement pilotée par l'État ? Je n'ose pas l'imaginer...
Enfin, en ce qui concerne l'expertise, vous vous méprenez complètement : le projet de loi reconnaît une fonction d'expertise, qui est une réalité pour les organismes de recherche.
Tels sont les quelques éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs. Je me réjouis que la suite de la discussion nous permette d'approfondir encore nos échanges sur ces grands et beaux sujets !