Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° I-1. Comme l’a dit M. le rapporteur général, si cet amendement était adopté, l’amendement n° I-122 deviendrait ipso facto sans objet, indépendamment de son bien-fondé et de sa légitimité.
Avant d’exposer les raisons pour lesquelles le Gouvernement soutient l’amendement n° I-1, et puisque des noms de personnes ont été évoqués dans cette assemblée, ce que je regrette tout comme vous, monsieur Charasse, je voudrais répondre à la question de M. Jégou relative aux amendes, pénalités, intérêts de retard divers et variés qui seraient applicables aux créances détenues par l’État sur la société Bernard Tapie Finance ou sur M. Tapie personnellement.
Bien évidemment, tout contribuable, quel qu’il soit, qu’il soit une personne physique ou une personne morale, est soumis aux mêmes règles en matière de retards de paiement. En l’espèce, lorsqu’une somme sera exigible, nous nous efforcerons de la payer nette de tous impôts, en incluant les intérêts de retard qui seraient légitimement dus. Je m’y engage devant le Sénat.
Par ailleurs, si ma mémoire est bonne, vous avez évoqué, monsieur le président de la commission des finances, la question de la compensation de créances. À cet égard, je voudrais souligner que tous nos efforts tendent à parvenir à une compensation réciproque entre les créances dues : celles qui sont détenues par l’État à l’encontre des différentes parties en question et celles qui sont détenues par ces dernières à l’encontre du Consortium de réalisation, le CDR.
Effectivement, une créance ne porte pas intérêts depuis la date à laquelle elle a été inscrite. Dans son excellente gestion d’un certain nombre de dossiers, le Crédit lyonnais n’a tout simplement pas pensé à inscrire les intérêts sur cette créance lorsqu’il l’a produite au redressement judiciaire, qui devait d’ailleurs encore s’appeler règlement judiciaire, conformément au droit de la faillite de l’époque. Je déplore vivement cette situation, puisque l’État est perdant dans cette affaire.
Je voudrais maintenant revenir sur la question de fond et expliquer pourquoi le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission des finances. Je mentionnerai des raisons d’efficacité, des raisons de droit et des raisons fiscales.
Concernant les raisons d’efficacité, je ferai observer que plus de 500 des 180 000 victimes annuelles d’accidents de la route obtiennent une indemnisation supérieure à 200 000 euros. Or l’application à ces personnes du dispositif adopté par l’Assemblée nationale aboutirait littéralement à une confiscation des sommes dont elles sont bénéficiaires.
En outre, on dénombre également chaque année 250 victimes au titre du droit commun qui reçoivent des indemnisations supérieures à 200 000 euros en réparation d’un préjudice moral. Elles aussi se verraient confisquer les sommes allouées.
Le dispositif institué par l’article 2 bis pose donc un véritable problème d’efficacité.
Concernant les raisons de droit, elles me semblent absolument évidentes.
Comme l’ont rappelé M. le rapporteur général et M. Charasse, le régime fiscal des indemnités perçues est indépendant des modalités d’attribution, qu’il s’agisse de jugements, de sentences arbitrales, de transactions ou d’autres voies encore, des montants versés et de l’identité des bénéficiaires.
Or la mise en œuvre du dispositif introduit par l’Assemblée nationale, que l’amendement n° I-1 de la commission des finances vise à supprimer, aurait pour effet de rendre inapplicables les principes généraux du droit selon lesquels le régime fiscal des indemnités perçues est indépendant des modalités, des montants, des bénéficiaires et suit la nature juridique des sommes versées. En l’espèce, l’indemnisation d’un préjudice moral a toujours été considérée, de jurisprudence constante, comme étant non imposable et, surtout, comme n’étant pas assimilable à un revenu.
Assimiler l’indemnisation d’un préjudice moral à un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires, comme le prévoit en fait l’article inséré par l’Assemblée nationale, n’a donc aucun sens sur le plan du droit, qu’il s’agisse du droit relatif à l’indemnisation ou du droit fiscal.
De surcroît, décider d’assujettir cette somme à l’imposition des traitements et salaires aboutirait à diluer, d’une manière complètement inattendue, le lien de subordination qui caractérise généralement la relation dans laquelle s’inscrit le bénéficiaire de revenus imposables au titre des traitements et salaires. De ce point de vue également, cela ne semble pas une bonne idée.
Enfin, la mesure, telle qu’elle a été votée par l’Assemblée nationale, paraît en outre inconstitutionnelle. En effet, la fiscalisation ne concernerait que les seules indemnisations octroyées par décision de justice. Cela introduit donc un régime particulier pour ces indemnisations, car les indemnisations attribuées au titre d’une décision de nature conventionnelle, mais venant également réparer un préjudice moral, ne seraient pas imposées.