S’agissant du sous-amendement n° 111, dont nous avons déjà discuté, le Gouvernement a le même avis négatif que tout à l’heure.
Le sous-amendement n° 110 me paraît satisfait par le décret du 30 mars qui interdit de verser des rémunérations variables si la société procède à des licenciements de forte ampleur. Les termes que vous utilisez, monsieur le sénateur, sont quelque peu différents, mais l’état d’esprit est le même. Par conséquent, ce sous-amendement pourrait être retiré ; à défaut, j’appellerai à voter contre.
Monsieur Arthuis, le Gouvernement partage l’objectif qui est le vôtre avec l’amendement n° 74 rectifié bis, à savoir la même idée de justice sociale dans cette période de crise. Il partage bien évidemment les préoccupations qui s’expriment sur l’ensemble de ces travées, au-delà des différences politiques, pour combattre et interdire, ou réglementer selon les cas de figure, les rémunérations excessives, sous quelque forme que ce soit, versées à des dirigeants, des mandataires sociaux, dans des conditions que l’opinion publique ne peut supporter.
Vous l’avez noté, monsieur Arthuis, le Gouvernement a rapidement réagi aux nombreux et vifs débats sur le fond qui ont eu lieu dans les médias comme dans l’opinion publique, en publiant le décret n° 2009-348 du 30 mars 2009 dont le texte est très proche de la rédaction de votre propre amendement.
Notre débat est donc quelque peu étonnant, car les mesures auxquelles vous avez beaucoup contribué sur le fond sont d’ores et déjà entrées en application et devraient donc vous donner satisfaction !
Le décret vise en effet à interdire l’attribution de stock-options et d’actions gratuites aux dirigeants des entreprises qui sont aidées par l’État et qui obtiennent un soutien exceptionnel pendant la crise.
Il tend également à interdire le versement de rémunérations variables quand celles-ci ne sont pas la contrepartie de performances réelles.
Il vise aussi à préciser qu’il ne peut pas s’agir de performances boursières. Or, en réalité, ce qui a choqué, ce sont bien les performances boursières, lesquelles ont assez peu à voir avec les performances économiques de l’entreprise qui sont soumises à d’autres tensions !
Enfin, le décret a pour objet d’interdire le versement de rémunérations variables si l’entreprise procède à des licenciements de forte ampleur.
Le Gouvernement devait réagir très vite pour mettre un terme à ce débat dans l’opinion publique et ne pas laisser prospérer dans l’esprit des Français l’idée que les décisions prises sont injustes. Il a donc rapidement établi les règles du jeu et indiqué qu’il ne tolérerait aucun écart de comportement. La parole politique, tout comme le texte du décret pris, a été forte.
Nous avons donc une discussion de forme, mais en aucun cas un débat de fond. Non seulement votre amendement est satisfait, mais son adoption susciterait un certain nombre de difficultés.
En effet, cet amendement renvoie à un décret en Conseil d’État, procédure particulièrement longue qui ferait grosso modo perdre un mois compte tenu des délais de promulgation de la loi puis de l’analyse en Conseil d’État. Pourquoi attendre un mois de plus pour prendre les mêmes décisions sur les mêmes sujets ? Ce serait difficile à expliquer à l’opinion publique ! De plus, si l’amendement n° 74 rectifié bis était adopté, la loi renverrait alors à un décret déjà en application, situation pour le moins étonnante.
Le Gouvernement ayant choisi la voie réglementaire, je vous demande, monsieur Arthuis, de bien vouloir retirer votre amendement. Ce choix est lié à la puissance de la demande de l’opinion publique et de nombre de parlementaires – je pense notamment à M. Henri de Raincourt –, qui réclamaient que nous agissions au plus vite pour ne pas laisser la situation dériver, déraper, pourrir même. Nous ne pouvions pas en arriver là. La parole politique de ceux qui prenaient les décisions pour aider les entreprises à résister à la crise, notamment le Gouvernement grâce au Parlement, devait être très forte et rapide.
Voilà pourquoi nous avons choisi la voie du décret. En période de crise, inutile de s’interroger plus longuement sur la méthode : voie législative ou réglementaire. Si, juridiquement, la voie réglementaire est possible, ce qui en l’occurrence est le cas, choisissons la voie la plus rapide, car c’est ce qu’attendent les Français !
Encore une fois, monsieur Arthuis, le mieux serait que vous acceptiez de retirer votre amendement, après avoir déclenché ce débat, afin que le décret s’applique dans un climat apaisé. Les Français ne supporteraient pas que la prise de telles mesures soit retardée.