Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 1er avril 2009 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2009 — Article 11

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Depuis le mois d’octobre dernier, le groupe socialiste a défendu à trois reprises des propositions de nature notamment fiscale visant à encadrer les rémunérations des dirigeants et des mandataires sociaux.

Nous l’avons fait dès après la première loi de finances rectificative qui accordait des aides de l’État, soit en fonds propres, soit en garanties, aux banques.

Nous l’avons fait le 4 novembre, au travers de notre proposition de loi visant à réformer le statut des dirigeants de sociétés et à encadrer leurs rémunérations, nous l’avons fait jeudi dernier en soutenant des amendements allant dans le même sens et en votant la proposition de loi, déposée par le groupe CRC-SPC, tendant à abroger le bouclier fiscal et à moraliser certaines pratiques des dirigeants de grandes entreprises en matière de revenus, nous l’avons fait lors de la discussion générale du présent texte et en défendant toute une série d’amendements visant à insérer des articles additionnels avant l’article 1er afin de réformer la gouvernance d’entreprise et à encadrer ces rémunérations.

Et puis, le secrétaire général de l’Élysée a annoncé la parution d’un décret qui devait avoir l’avantage d’être plus facile et plus rapide que la voie parlementaire. Mais plus nous lisons ce décret, plus nous l’estimons insatisfaisant : son périmètre est extrêmement limité ; il fait référence à des critères de performance que nous n’avons pas bien identifiés, puisque le soin de les établir est confié au conseil d’administration ; aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect de ses dispositions.

Or je vous rappelle que les attentes de l’opinion publique sont fortes. En effet, 80 % des lecteurs du Figaro se déclarent non seulement choqués, mais aussi partisans de la manière forte, notamment de la prise de mesures par la voie législative.

Mes chers collègues, j’ai comparé l’amendement déposé par notre collègue Jean Arthuis avec le décret du 30 mars 2009. Bien que cet amendement soit très en retrait par rapport à tout ce que nous avons pu proposer, bien qu’il n’en atteigne même pas la première marche, il permet toutefois d’aller plus loin que le décret sur deux ou trois points.

Il vise en effet à étendre la mesure aux dirigeants et aux mandataires sociaux. Les dirigeants sont ceux qui participent aux décisions stratégiques, ce sont les membres du comité exécutif.

Il tend également à étendre légèrement le champ d’application du décret dans la mesure où il précise, notamment, que les entreprises qui bénéficieront, directement ou indirectement, du fonds stratégique d’investissement seront concernées par les mesures proposées.

Par ailleurs, cet amendement fait explicitement référence à la révision des conventions qui ont pu être signées avec l’État à la suite de l’adoption de la loi de finances rectificative du 16 octobre 2008.

Son adoption permettrait ainsi d’enregistrer un progrès, même s’il est extrêmement léger et ne comble pas notre attente, loin s’en faut !

En tout cas, la proposition de M. Arthuis présente un énorme avantage, celui de sauver l’honneur du Parlement face à la vilaine manière de faire du Gouvernement. Au moment même où nos collègues députés, toutes tendances confondues, dans le cadre de la mission d’information sur les nouvelles régulations de l’économie saluent le rapport d’étape de M. Philippe Houillon, député UMP, sur la rémunération des dirigeants d’entreprises, lequel en appelle très clairement à la loi pour trouver des solutions, comment imaginer que nous, sénateurs, resterions en retrait en nous en remettant à un décret ?

Nous croyons que la loi est essentielle dans cette affaire et que l’argument de la rapidité d’action, auquel vous venez encore une fois d’avoir recours, n’est pas fondé, et je vais de nouveau le démontrer.

Je rappelle que le Président de la République lui-même, lors du discours qu’il a prononcé à Toulon en septembre dernier, a fustigé ces rémunérations, notamment les bonus. Vous pouviez donc, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès le mois d’octobre, à l’occasion de l’examen de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2008, préciser ce que vous attendiez des conventions qui seraient signées par les entreprises susceptibles de recevoir l’aide de l’État.

Vous auriez également pu introduire de telles précisions à l’occasion de la deuxième loi de finances rectificative pour 2008, adoptée en décembre dernier, à l’occasion de la loi de finances initiale pour 2009 et de la première loi de finances rectificative pour 2009. Et, précisément au moment où nous disposons d’un véhicule législatif idoine, le présent projet de loi de finances rectificative, le secrétaire général de l’Élysée se permet d’annoncer la publication d’un décret, au motif que ce serait plus facile et plus rapide. Autant dire que l’exécutif « s’assoit » sur le Parlement. Ce n’est pas acceptable ! Nous devons donc adopter cet amendement dès ce soir.

Bien évidemment, je ne prétendrai pas qu’il est extraordinaire ! Je viens justement de vous démontrer qu’il ne l’était pas. Mais si nous ne voulons pas que ce débat échappe au Parlement, il faut que nous puissions débattre de cet amendement avec nos collègues députés en commission mixte paritaire. Si nous ne nous prononçons clairement ce soir, cela reviendra à donner acte à l’exécutif. Dès lors, conformément à la stratégie de communication qui est la sienne, le Président de la République pourra mettre en avant sa réactivité face aux problèmes. Pour notre part, nous n’entendons pas marcher dans cette opération de communication ! Nous voulons que la loi se prononce sur cette question !

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