Intervention de André Lardeux

Réunion du 13 novembre 2006 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Discussion d'un projet de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux, rapporteur :

J'en viens maintenant à l'objectif de dépenses de la branche famille, qui est fixé à 55, 3 milliards d'euros pour 2007.

Les dépenses de prestations légales appellent de ma part trois observations principales.

D'abord, je constate que les prestations d'entretien sont de moins en moins universelles, ce qui nous amène à nous interroger pour l'avenir. Les prestations généralistes - allocations familiales et complément familial - ont reculé de quatre points en seulement deux ans, au profit des prestations ciblées, destinées aux familles élevant de jeunes enfants ou aux familles monoparentales. Cette situation est d'autant plus regrettable que ces prestations ciblées sont toutes sous conditions de ressources, ce qui contribue à rendre moins universel encore notre dispositif de prestations, et, ici, à privilégier le social sur le familial.

En revanche, je salue la forte progression des prestations en faveur de la garde des jeunes enfants - 11 % en 2006 et encore 6, 4 % en 2007 -, qui atteste de l'effet positif de la PAJE pour aider les familles à financer des modes de garde individuels et payants de leurs enfants.

Enfin, j'observe que les prestations en faveur des personnes handicapées poursuivent leur croissance soutenue.

Nous pouvons nous féliciter du succès de la nouvelle majoration d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé destinée aux parents isolés : entrée en vigueur au 1er janvier 2006, elle concerne déjà près de 10 000 enfants.

J'évoquerai maintenant l'action sociale de la branche famille, qui, avec un budget de 3, 8 milliards d'euros en 2007, constitue un levier essentiel de la politique familiale.

Les moyens planifiés par la COG misaient sur une augmentation moyenne de 7, 5 % chaque année entre 2005 et 2008. Cette hausse, remarquable, aurait dû permettre de faire face aux engagements déjà pris par les caisses, notamment auprès des collectivités locales ; elle aurait dû aussi financer les 15 000 places de crèche supplémentaires annoncées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005. Or, en 2005, ces dépenses d'action sociale ont connu un dérapage sensible : elles ont crû de plus de 15 %, principalement en raison de l'augmentation beaucoup plus vive que prévue des dépenses de prestations de service, et plus particulièrement des contrats « enfance » et des contrats « temps libre ».

Ce dérapage s'explique par le fait que l'attribution des prestations de service par les CAF fonctionnait jusqu'alors à guichet ouvert, sans réelle sélectivité des projets et sans droit de regard des caisses sur la progression du coût de revient des structures.

C'est la raison pour laquelle des mesures de régulation ont été adoptées par la CNAF : enveloppes limitatives, priorité donnée aux projets permettant d'augmenter la capacité d'accueil, ciblage des subventions sur les communes à faibles ressources et mal équipées, baisse du taux de cofinancement pour les nouveaux contrats. Ces mesures me paraissent raisonnables : elles étaient même indispensables à la pérennité de l'action sociale de la branche famille.

Certains dénoncent un manquement à la parole donnée. Je ne suis pas de ceux-là. En effet, mes chers collègues, il faut relativiser la portée du resserrement des conditions de financement des contrats « enfance-jeunesse ». La participation des CAF n'est réduite que de deux points, passant de 80 % à 78 % ; en outre, cela concerne uniquement les nouveaux contrats.

Je ne m'attarderai pas sur les aides au logement, troisième poste de dépenses de la branche famille, si ce n'est pour signaler leur ralentissement, qui s'explique par l'amélioration de la conjoncture économique et de la situation de l'emploi.

J'évoquerai, en revanche, plus longuement la dernière charge qui pèse sur la branche famille, celle qui est liée aux avantages familiaux de retraite, et plus particulièrement aux majorations de pension versées aux assurés sociaux ayant élevé au moins trois enfants.

Depuis l'origine, la commission des affaires sociales a toujours exprimé son opposition de principe au transfert de charge opéré entre le FSV et la CNAF dans ce domaine. Mais elle est aussi suffisamment réaliste pour admettre que la situation n'est, pour l'instant, pas réversible : revenir sur ce transfert aurait pour conséquence de doubler le déficit, déjà très important, du FSV.

S'il est impossible de supprimer cette charge indue, évitons de la rendre plus inéquitable encore ! C'est pourtant ce qui s'est produit en 2006 avec l'adossement au régime général du régime spécial de retraite des industries électriques et gazières. Cette opération a coûté à la branche famille entre 30 millions et 50 millions d'euros, puisqu'elle a dû reprendre le financement des avantages familiaux servis au titre de ce régime. Personnellement, je le regrette beaucoup, dans la mesure où ce ne sont pas les plus favorisés qui viennent au secours de personnes qui, elles, ne manquent déjà pas d'avantages !

À défaut de pouvoir résoudre le problème des majorations de pension pour enfants, j'estime que le minimum serait d'assurer la neutralité, pour la branche famille, de ces opérations d'adossement. La commission des affaires sociales vous proposera donc un amendement en ce sens, mes chers collègues.

Avant de clore cette présentation des comptes de la branche famille, je brosserai un rapide tableau de la politique familiale dans son ensemble pour observer que, en dépit de la rigueur budgétaire imposée par sa situation financière, elle sort consolidée et renouvelée de cette législature.

La politique traditionnelle en faveur de la petite enfance affiche un bilan plus que satisfaisant : 500 000 familles de plus sont éligibles à la PAJE ; la capacité d'accès à un mode de garde payant des enfants s'est accrue de 8, 5 %, grâce au nouveau complément « mode de garde » et à la mise en oeuvre de la prestation de service unique ; le coût de la garde des jeunes enfants a baissé de trois, voire de quatre points de revenus, selon les familles.

L'offre de garde a également fait, en cinq ans et quatre « plans crèches », un bond quantitatif et qualitatif exceptionnel : plus de 50 000 nouvelles places de crèches ont été financées et 40 000 autres ont été rénovées ou transformées en places de multi-accueil. Le « plan petite enfance » que vous avez présenté la semaine dernière, monsieur le ministre, s'inscrit dans cette voie, en prévoyant le maintien d'un rythme de création de 12 000 berceaux par an pour les cinq années à venir.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale donne un fondement législatif aux nouveaux outils prévus pour développer l'offre de service, notamment à travers la création de microcrèches. En offrant une solution intermédiaire entre la crèche collective et l'accueil individuel chez un assistant maternel agréé, ce mode d'accueil me paraît une solution innovante, qui mérite d'être expérimentée.

Pour cette dernière année de la législature, le Gouvernement fait un pari audacieux, celui d'élargir les problématiques traitées par la politique familiale, en lui faisant quitter le strict champ de l'enfance pour aborder la question de la solidarité entre générations. Deux mesures du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale témoignent de cette nouvelle orientation : la création d'un prêt à taux zéro de 5 000 euros pour les jeunes de dix-huit ans à vingt-cinq ans qui entrent dans la vie active, d'une part ; la mise en place d'un congé de soutien familial destiné aux personnes qui cessent de travailler pour s'occuper d'un membre de leur famille âgé ou handicapé, d'autre part.

Cette dernière mesure mérite tout particulièrement d'être saluée, car elle va dans le sens d'une meilleure reconnaissance des aidants familiaux. Le maintien de leurs droits à la retraite par l'affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer constitue une réponse pertinente à une aspiration légitime.

À travers ces deux mesures, le Gouvernement réaffirme la complémentarité de la solidarité collective et de la solidarité familiale. Je ne peux naturellement qu'approuver cette orientation : ces démarches doivent fonctionner ensemble.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je soutiendrai la proposition d'Alain Vasselle qui vise à encourager le développement de l'assurance dépendance.

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