Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors de l’examen de l’article 10 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dit Grenelle I, j’avais défendu deux amendements qui concernent directement l’article 2 du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
D’abord, j’avais proposé que l’on inscrive à l’article 10 de la loi de programme que le transport de marchandises participe de l’intérêt général et revêt un caractère prioritaire, relayant une partie des conclusions du Grenelle de l’environnement, qui prévoit sans aucune ambiguïté que « le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d’intérêt général et inscrit dans la loi d’orientation des transports intérieurs ».
Le Gouvernement et la commission des affaires économiques avaient, en séance publique le 29 janvier 2009, émis des avis défavorables sur ces amendements au motif que ceux-ci concernaient les wagons isolés dont nous discuterions une semaine plus tard dans le cadre du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Après le report de ce projet, nous y voilà.
Le Gouvernement a déjà eu l’occasion de nous expliquer que l’intérêt général n’était pas un concept assez précis. Je continue pour ma part de penser, et je ne suis pas la seule, que la notion d’intérêt général se trouve au centre de la pensée politique et juridique française, en tant que finalité ultime de l’action publique, qu’elle a forgé notre droit public et a été au cœur de la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.
Ensuite, j’avais demandé que l’on insère, toujours à l’article 10, que la « la SNCF reste engagée sur le trafic ferroviaire de wagons isolés. ». Je vous l’ai dit, sur un territoire comme l’Auvergne par exemple, l’état catastrophique du réseau annihile toute initiative privée. Or ce trafic de wagons isolés est souvent primordial pour l’aménagement du territoire et pour les entreprises locales. Il faut créer alors des obligations de service public pour offrir aux utilisateurs du fret et au grand public des possibilités de déplacement qui n’existeraient pas sans ces services publics.
J’avais donc défendu l’idée du maintien de la SNCF sur ce réseau afin que la création d’opérateurs ferroviaires de proximité n’entraîne pas, corrélativement, le désengagement de la SNCF sur une telle activité.
Le rapporteur avait demandé que la question soit discutée lors de l’examen de l’amendement n° 33 de la commission des affaires économiques. Notre collègue Bruno Sido avait souligné la nécessité de déclarer le trafic de wagons isolés d’intérêt général, première étape nécessaire, mais non suffisante, pour autoriser l’octroi de subventions au secteur du fret, dans la ligne de la jurisprudence Altmark, et ce sans courir le risque de voir ces versements qualifiés d’« aides déguisées de l’État ».
Cet amendement partait aussi d’un constat clair : « La SNCF est aujourd’hui la seule entreprise à conserver une activité pour le trafic de wagons isolés ». Ses concurrents ne se positionnent pas sur ce créneau, préférant se concentrer sur des activités plus rentables.
Le Gouvernement a proposé que nous en discutions à l’occasion du présent projet de loi, affirmant : « La SNCF peut d’ailleurs elle-même être aussi opérateur ferroviaire de proximité, par le biais de ses filiales ou directement. »
Cela a motivé le retrait de cet amendement n° 256. De même, le retrait de l’amendement n° 33 fait suite à l’engagement du Gouvernement d’œuvrer de concert avec la commission pour qu’une solution soit introduite dans le projet de loi que nous examinons sous la forme d’un amendement.
Mais où est-il affirmé que le trafic de wagons isolés est d’intérêt général ? Quelle est la lisibilité de la politique gouvernementale en termes de développement durable, quand le plan fret a eu pour conséquence de remettre plus d’un million de camions sur les routes ?
Pourtant, comme l’a affirmé la commission des affaires économiques, le problème des wagons isolés a gravement affecté les départements en raison des fermetures de gares et de leurs conséquences négatives sur l’aménagement du territoire. Le Gouvernement nous l’a dit lui-même : la SNCF peut être directement l’opérateur ferroviaire de proximité.
Mes chers collègues, il nous appartient aujourd’hui d’affirmer clairement que le transport de marchandises par wagons isolés relève de l’intérêt général et qu’il est exploité soit par des opérateurs de proximité, soit par la SNCF et son groupe.
Nous demandons, par conséquent, que le Gouvernement s’engage à déposer un amendement pour reconnaître le caractère d’intérêt général de l’activité de wagons isolés.