Monsieur le président, je me permettrai de donner des explications un peu longues sur cet amendement, mais mon commentaire vaudra aussi pour les amendements n° 95 et 34 rectifié quater, qui ont des objets très voisins.
Se pose, tout d’abord, un problème de principe. Pourquoi se concentrer sur les seules lignes de TGV concédées et non viser l’ensemble du réseau à grande vitesse, alors qu’il n’y a, pour le moment, pas un seul kilomètre de ligne concédée et que, dans quelques années, seule une très petite partie du réseau, sur deux tronçons déterminés, sera concernée ? Deux situations particulières sont en effet visées : les 304 kilomètres de la LGV Sud-Europe-Atlantique reliant Bordeaux et Tours et les 25 kilomètres situés entre Perpignan et Figueras, soit, en tout et pour tout, 329 kilomètres sur les 2 000 kilomètres que compte le réseau français à grande vitesse !
Rien n’est prévu, en revanche, pour les lignes existantes ni pour les autres lignes à construire, comme la poursuite du TGV Est ou les différents tronçons du TGV Rhin-Rhône.
J’imagine que cette restriction est claire pour l’ensemble des signataires de ces amendements.
Je crois comprendre que ce choix consistant à ne faire payer que les concessionnaires correspond à la volonté de reproduire ce qui existe déjà pour les autoroutes concédées à des entreprises privées, qui effectuent des versements aux communes traversées dans la mesure où elles perçoivent des péages, étant entendu qu’il n’y a pas de péages sur les routes nationales, qui appartiennent à la collectivité.
Mais cette analogie n’est pas pertinente puisque, en matière ferroviaire, même si une ligne est exploitée par le gestionnaire public RFF, ce dernier perçoit des péages, au même titre que les futurs concessionnaires. La différence de traitement qui nous est proposée est donc difficile à comprendre.
Je souhaite maintenant faire trois observations complémentaires sur la mesure elle-même.
Premièrement, il est très probable que le coût de la compensation envisagée sera intégré par les entreprises dans leur proposition au moment du choix du concessionnaire. C’est donc bien entendu le voyageur qui payera indirectement ce prélèvement, alors que ce sont les collectivités – régions, départements – qui contribuent au financement des nouvelles LGV.
Deuxièmement, je ne comprends pas pourquoi faire compenser les nuisances occasionnées par les LGV alors que, de toute évidence, elles sont beaucoup moins importantes que celles qu’engendrent les trains de fret, généralement bruyants, qui traversent nos villes la nuit, par exemple. En France, les LGV sont réservées à l’usage exclusif du transport de voyageurs et elles provoquent peu de nuisances puisque les trains en cause ne circulent généralement pas la nuit.
Troisièmement, le fait qu’une commune soit traversée par une LGV signifie, compte tenu de la taille du territoire français, qu’elle se situe à moins d’une heure ou de trois quarts d’heure d’une gare TGV. Or on sait bien qu’une telle situation peut avoir des effets très positifs pour les communes en question, notamment en termes d’attractivité à l’égard d’activités productives ou d’accueil de résidences secondaires. Il existe aussi des retombées fiscales directes au travers de l’appréciation du foncier, à telle enseigne que, dans de nombreux pays, une part des projets d’infrastructures est financée par la captation de cette rente foncière liée à l’arrivée d’un nouvel équipement.
Globalement, l’implantation d’une LGV peut donc être bénéfique pour un territoire, même s’il est simplement traversé par cette ligne. Il serait paradoxal d’instaurer des transferts financiers supplémentaires, à moins de distinguer entre les collectivités traversées celles qui sont gagnantes et celles qui sont perdantes en termes de valeur foncière. Ce serait créer une nouvelle usine à gaz !
Les amendements n° 94, 34 rectifié quaet 95, compte tenu de l’appartenance de leurs signataires à différents groupes peuvent, théoriquement, recueillir une majorité dans notre assemblée, mais il est clairement apparu à la commission qu’elle ne pouvait que s’opposer à ces propositions au regard des nombreux problèmes que je viens d’énumérer
Cela étant, ces amendements permettent de souligner qu’il existe des situations particulières, très localisées ; certaines collectivités ont peut-être rencontré des difficultés spécifiques, comme celles qui sont situées sur la LGV Sud-Europe-Atlantique entre Tours et Bordeaux. Si tel est le cas, ces situations appellent des réponses particulières. Le Gouvernement ne pourrait-il pas s’engager solennellement, en cet instant, à les examiner ?