Intervention de Michel Billout

Réunion du 9 mars 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés — Article additionnel après l'article 3

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Cet amendement de suppression est symbolique.

En effet, les sénateurs de notre groupe considèrent la création de cette autorité comme la conséquence directe de la libéralisation du transport ferroviaire. L’arrivée de nouveaux opérateurs oblige, en effet, au contrôle des conditions effectives de la concurrence libre et non faussée. Ce contrôle doit être opéré, dans le cadre où l’État membre est actionnaire d’opérateurs du secteur, par un organisme indépendant.

La CRAF aura donc pour mission principale de veiller à ce que les opérateurs disposent d’un accès non discriminatoire au réseau et aux infrastructures.

Notre collègue Grignon indique dans son rapport que l’ambition du Gouvernement est de faire de la CRAF « le véritable régulateur du système ferroviaire en lieu et place du ministre des transports ».

Nous allons donc plus loin que les directives européennes.

La création de cette autorité administrative indépendante ne peut servir de prétexte pour déresponsabiliser les pouvoirs publics en ce qui concerne la question du transport ferroviaire.

Comment promouvoir une meilleure prise en compte des objectifs environnementaux promus dans le Grenelle de l’environnement, notamment concernant les questions de rééquilibrage modal, sans organiser parallèlement une plus grande maîtrise publique dans ce secteur ?

Comment admettre que la politique des transports se résume dans cette fonction de régulation du marché pour favoriser l’arrivée des nouveaux entrants ? Comment la notion d’intérêt général peut-elle être garantie dans ces conditions ?

En créant cette autorité, le Gouvernement nous éloigne des réponses aux défis climatiques et à la garantie d’un droit à la mobilité.

Ainsi, cette nouvelle autorité de régulation, à l’image de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, et de la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, est chargée de missions contradictoires : d’un côté, assurer la mise en œuvre du service public et, de l’autre, assurer les conditions d’une véritable concurrence dans le secteur ferroviaire.

Or, nous savons par expérience que l’ouverture à la concurrence entraîne mécaniquement une détérioration du service public que l’opérateur public n’est plus en mesure d’assurer convenablement.

Il existe donc une antinomie essentielle entre concurrence et service public.

Les missions confiées à cette nouvelle autorité sont immenses, comme en témoigne l’article 8. Ce texte donne également à la CRAF un droit de regard sur les dispositions économiques, techniques et juridiques qui pourraient conduire à des discriminations entre les opérateurs. Il s’agit notamment de placer ainsi l’établissement public de sécurité ferroviaire sous la tutelle de la CRAF.

Or, les questions de sécurité demeurent des questions régaliennes qui doivent relever de l’unique responsabilité des pouvoirs publics. Donner le pouvoir réglementaire, le pouvoir de décision et de sanction à un comité très réduit contrevient à la notion de séparation des pouvoirs. À ce titre, on peut qualifier les pouvoirs confiés à la CRAF d’exorbitants.

Les amendements proposés par la commission vont même dans le sens d’une accentuation de ses pouvoirs, notamment concernant le pouvoir réglementaire.

Conscients de la confusion qui pouvait naître du mélange des pouvoirs, il nous a semblé important pour d’autres autorités de régulation, je pense à la CRE, de distinguer les différentes fonctions. La CRE dispose ainsi d’un collège spécifique pour l’édiction de sanctions.

Nous sommes donc surpris que vous n’ayez pas retenu cette hypothèse concernant la CRAF.

Vous souhaitez également donner l’autonomie financière à la CRAF pour renforcer son indépendance. Cette autonomie serait notamment garantie par une ponction sur les péages payés à RFF.

Sur ce point, nous formulons une double objection. Premièrement, cette autonomie rend la CRAF, à nos yeux, encore plus illégitime. Deuxièmement, il s’agit, de cette manière, de priver encore un peu plus RFF de ressources pour ses missions relatives au réseau ferroviaire.

Cette proposition est donc contre-performante.

Des pouvoirs nouveaux – par rapport aux pouvoirs traditionnels confiés aux autorités de régulation – apparaissent dans ce texte. Ainsi, les juridictions peuvent désormais solliciter la CRAF sur des affaires dont le domaine est celui du ferroviaire, y compris sur les affaires dont la CRAF a déjà eu connaissance. Cela pose, à notre avis, des problèmes de partialité.

La notion même d’homologation est elle aussi modifiée : elle serait acquise au bout de deux mois, en l’absence de contestation du ministre.

On voit donc bien la volonté d’aller toujours plus loin dans les attributions confiées à ce type de structure.

Pour toutes ces raisons, nous avons souhaité, par cet amendement, nous opposer à la mise en place d’une telle autorité dans le secteur des transports.

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