Intervention de Mireille Schurch

Réunion du 9 mars 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés — Article 7

Photo de Mireille SchurchMireille Schurch :

Cet article investit l’Autorité de régulation des activités ferroviaires d’un pouvoir réglementaire supplétif s’appliquant aux règles concernant les conditions de raccordement au réseau ferroviaire, les conditions techniques et administratives d’accès au réseau et de son utilisation, ainsi que les périmètres de chacune des activités comptablement séparées, désignées aux II et III de l’article 17-1 nouveau de la loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.

Ce pouvoir réglementaire est soumis à homologation par le ministre chargé des transports.

Dans votre rapport, monsieur Grignon, vous vous appuyez sur l’existence d’un tel pouvoir réglementaire dans les autorités de régulation sectorielles déjà existantes pour justifier cette prérogative confiée à l’ARAF. Ce pouvoir, selon vous, n’est pas inconstitutionnel puisqu’il sera limité.

À vous lire, le pouvoir réglementaire sera, d’une part, « limité par le haut » : le législateur ou le ministre pourront énoncer « de façon très précise les dispositions qui contraignent l’ARAF, de telle sorte que celle-ci ne dispose pas de marge d’interprétation ». Mais rien ne laisse entendre que telle sera la volonté du législateur ou de l’autorité administrative, puisque tout est fait, bien au contraire, pour renforcer les pouvoirs de cette dernière.

Ce pouvoir réglementaire sera, d’autre part, limité « par la nature même des actes édictés » puisqu’il s’agit non pas de réformations de décisions individuelles, mais de dispositions à caractère impersonnel et général. Or, dans un cas comme dans l’autre, ce pouvoir restera exorbitant.

Vous ajoutez : « Enfin, le pouvoir d’homologation du ministre constitue une autre limitation aux attributions de l’ARAF. Il permet d’éviter tout risque d’incohérences entre les décisions de l’ARAF et les dispositions législatives et réglementaires qu’il revient de préciser. »

Pourtant, aux yeux des sénateurs du groupe CRC-SPG, l’homologation du ministre telle qu’elle est conçue n’est pas satisfaisante.

En effet, il est précisé dans cet article que non seulement l’homologation est réputée accordée en cas d’absence de réponse au bout de deux mois, mais également que le refus d’homologation du ministre doit être justifié.

Selon nous, une telle disposition n’est pas conforme à l’esprit des exigences posées par le Conseil constitutionnel en 1986 pour reconnaître la constitutionnalité de ce pouvoir réglementaire.

En effet, le Conseil constitutionnel exige un contrôle ministériel sur les règlements de l’autorité concernée. Certes, cette homologation existe, mais le fait de contraindre le ministre à motiver son refus d’homologation ou de considérer cette homologation comme acquise en cas de silence semble disproportionné et peu respectueux de l’esprit de subordination implicitement exposé par cette restriction du Conseil constitutionnel.

Monsieur le rapporteur, vous prenez modèle sur le pouvoir réglementaire confié à l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Or le code des postes et des communications électroniques précise que celui-ci est systématiquement soumis à homologation. De plus, en cas de refus de cette homologation, il n’est pas stipulé dans ce code que le ministre doive s’en expliquer.

Cela nous semble bien naturel, car c’est le ministre qui porte la responsabilité politique de la réglementation de secteur. Il n’a donc pas à s’en expliquer auprès de l’autorité de régulation, qui, elle, est illégitime et irresponsable.

Pourtant, l’ensemble des articles du présent titre créant cette nouvelle autorité la dotent de pouvoirs étendus en matière de définition des règles du jeu du marché, pouvoirs allant jusqu’au contrôle de leur application et comprenant la capacité de sanction.

Le cumul des pouvoirs ainsi confiés à l’ARAF fait d’elle, plus qu’un arbitre, un véritable « chef d’orchestre » de la régulation du marché, puisqu’elle est en mesure d’intervenir, par ses propositions et par ses décisions, sur les relations entre les différents opérateurs.

Le ministre chargé des transports est ainsi dépossédé de son pouvoir réglementaire dans des matières qui relèvent pourtant de la planification que le Gouvernement doit mettre en œuvre.

Vouloir faire du ministre un « instrument » de l’ARAF, en lui demandant de justifier ses choix devant elle, est contraire aux principes selon lesquels l’État organise le service public de transport et contrôle la mise en œuvre de la politique de transport qu’il définit. Cette exigence de maîtrise publique est, à ce titre, renforcée par les principes posés par le Grenelle de l’environnement.

Sur le fond, nous considérons donc que les pouvoirs octroyés aux nouvelles autorités de régulation restent exorbitants et que le pouvoir réglementaire ne peut être délégué à des autorités dites « indépendantes » alors même que ces compétences relèvent des pouvoirs publics dans le cadre de l’exercice des missions de service public.

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