L’examen de ce projet de loi s’est déroulé dans des conditions très particulières. Inscrit à l’ordre du jour, puis retiré, réinscrit ensuite dans un créneau inhabituel à cette période de la session parlementaire, le texte a été examiné en deux temps.
Malgré ce contexte peu propice à la concentration, les débats ont été empreints de la plus grande cordialité ; il convient d’en remercier le secrétaire d'État, le rapporteur et l’ensemble des intervenants.
Il faut rappeler que le travail avait été bien préparé en commission par le rapporteur, le président et les membres de la commission des affaires économiques, ainsi que par les services de la commission, notamment l’administrateur en charge de ce dossier. Voilà pour le contexte !
Quelle appréciation portons-nous sur le texte issu de nos débats ?
Lors de la discussion générale, j’avais dit que le projet de loi devait être précisé sur certains points, qu’il comportait trois oublis majeurs et, plus encore, qu’à l’instar de la directive qu’il vise à transcrire il était inspiré par la croyance absolue que seule l’ouverture à la concurrence était de nature à développer les services internationaux de transport de voyageurs, croyance que les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés ne partagent absolument pas.
La discussion des amendements a-t-elle permis des avancées ? Quelques-uns de nos amendements ont été adoptés.
Il s’agit de l’amendement relatif à la réintégration dans la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, de l’expression « service public de transport ferroviaire » ou de l'amendement concernant l’affirmation du rôle de RFF comme gestionnaire du réseau ferré national.
Ont également été adoptés l’amendement visant à préciser qu’un opérateur de proximité ne peut racheter de domaine public ferroviaire à RFF ainsi que celui ayant trait à la présentation d’un rapport du Gouvernement au Parlement indiquant les solutions envisageables pour le remboursement progressif de la dette de RFF.
Deux à trois autres amendements ont été satisfaits en totalité ou en partie par l’adoption d’un autre amendement ; tel est le cas avec l’amendement du rapporteur relatif à la certification des conducteurs de trains, élément important tant pour l’harmonisation sociale que pour la sécurité ferroviaire.
En revanche, il n’y a pas eu de réelle avancée sur la question des relations entre RFF et la SNCF. Pire, l’adoption de l’amendement n° 131 du Gouvernement fait craindre une filialisation, à terme, des missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national.
Seule la mise en place d’une holding coiffant RFF et la SNCF est de nature à apporter une vraie réponse sans introduire un nouveau morcellement du système ferroviaire. Cela suppose toutefois la reprise progressive par l’État de la dette de RFF. A cet égard, nous avons seulement obtenu que le Gouvernement rédige un rapport sur les solutions à mettre en œuvre pour résorber la dette de RFF. C’est mieux que rien, mais c’est encore insuffisant.
J’en viens au point de désaccord majeur de notre groupe avec ce projet de loi.
Nous considérons en effet que l’ouverture à la concurrence n’est pas la bonne solution pour développer les services internationaux de transport de voyageurs.
Nous redoutons un écrémage des lignes considérées comme rentables, avec une forte concurrence sur ces quelques linéaires, alors que les opérateurs historiques devront continuer à assurer le transport international sur les lignes non rentables ou peu rentables.
La voie à retenir est autre : il s’agit de la coopération entre les grands opérateurs ferroviaires. De tels services existent avec, par exemple, Eurostar, Thalys, Lyria, ou encore Alleo. Il convient de créer d’autres partenariats.
Pour conclure, je citerai Thierry Mignauw qui, lorsqu’il était directeur général délégué « infrastructures » de la SNCF, avait démissionné de son poste en raison de son désaccord avec la réforme ferroviaire imposée par l’Union européenne.
Lors de son départ en retraite, il s’est exprimé ainsi : « La volonté d’introduire à tout prix la concurrence à l’intérieur du mode ferroviaire [...] a conduit à prôner en Europe la séparation de l’infrastructure, d’une part, et des entreprises ferroviaires, d’autre part. À mon sens, c’est une erreur profonde, car elle introduit une coupure dans le mode de transport guidé qu’est le chemin de fer entre, d’un côté, le guide qu’est l’infrastructure et, de l’autre, les mobiles que sont les trains. C’est antinaturel. Ce choix n’a été fait qu’en Europe : ni les Japonais, qui ont les meilleurs chemins de fer de voyageurs du monde, ni l’Amérique du nord, qui a les chemins de fer de marchandises les plus efficaces, n’ont pris un tel parti ».
Vous conviendrez, mes chers collègues, qu’il est difficile d’être plus clair. Comme Thierry Mignauw, les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés considèrent qu’une génération de décideurs européens s’est trompée. Nous voterons donc contre ce texte.