Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de terminer, au nom de la commission des affaires sociales, la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale par l'analyse de la situation de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.
Cette branche est de dimension modeste, à peine 3 % des dépenses de la sécurité sociale en 2007, ce qui représente environ 11, 4 milliards d'euros, dont 10, 2 milliards d'euros pour le seul régime général.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne contient pas de mesures nouvelles la concernant. Il est vrai, monsieur le ministre, que c'est uniquement justifié par la volonté de laisser le champ libre à la négociation sur la réforme de la branche, qui s'est ouverte entre les partenaires sociaux, au mois de décembre 2005. Le Gouvernement a envisagé, un temps, de faire figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale quelques dispositions relatives à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais il y a renoncé, après que les partenaires sociaux lui ont fait connaître leur opposition formelle à toute initiative de ce type.
Il est vrai qu'une intervention du législateur sur un sujet qui est au coeur de la discussion entre patronat et syndicats aurait été mal perçue dans le contexte actuel de revalorisation du dialogue social.
Je ne m'arrêterai que brièvement sur l'analyse de l'évolution des risques professionnels, dans la mesure où les chiffres ne font que confirmer les évolutions observées depuis quelques années.
Le nombre d'accidents du travail continue de diminuer, confirmant ainsi une tendance ancienne, même si les dernières statistiques disponibles relatives à l'année 2005 montrent une légère augmentation du nombre d'accidents de trajet, lesquels sont à l'origine du quart des accidents mortels dans notre pays. C'est aussi le signe que les entreprises sont très vigilantes pour améliorer les conditions de travail.
En revanche, le nombre de personnes reconnues atteintes de maladies professionnelles a connu une nouvelle progression, en raison de l'augmentation du nombre de cas de troubles musculo-squelettiques et de maladies provoquées par l'amiante.
Toutefois, je rappelle que les statistiques relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles doivent être interprétées avec prudence. En effet, elles ne recensent que les accidents et maladies qui ont été déclarés, puis reconnus d'origine professionnelle par une caisse de sécurité sociale. Une mission d'audit, conduite par l'Inspection générale des affaires sociales et l'INSEE a par ailleurs montré que les statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles étaient incomplètes, notamment dans les trois fonctions publiques. Cette mission a donc suggéré la création d'un système central de leur recensement, indépendant des différents régimes.
J'en viens maintenant à la présentation des principales données financières concernant la branche.
Sa situation financière s'est nettement améliorée au cours de l'année écoulée : le déficit constaté en 2005 serait réduit de l'ordre de plus 90 % et n'atteindrait plus que 40 millions d'euros en 2006. Ce redressement permet d'envisager un retour aux excédents dès 2007. Il s'explique, en partie, par la progression un peu plus dynamique que prévue de la masse salariale, mais surtout par la décision prise l'an dernier de relever de 0, 1 point le taux de cotisation à la charge des employeurs.
La perspective d'un retour de la branche à l'équilibre amène le Gouvernement à proposer, dans ce projet de loi de financement, une augmentation des transferts mis à la charge de la branche.
Il s'agit, tout d'abord, du transfert à l'assurance maladie, pour compenser les dépenses supportées indûment par l'assurance maladie en raison de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. Fixé pendant plusieurs années à 330 millions d'euros, ce transfert est porté à 410 millions en 2007. Ce montant s'inscrit dans la fourchette préconisée par la commission Diricq, chargée d'évaluer le coût pour l'assurance maladie de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance.
Il s'agit, ensuite, du transfert vers les fonds de l'amiante. La dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, FIVA, reste stable à 315 millions d'euros, mais celle qui est affectée au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, FCAATA, augmente de 100 millions pour atteindre 800 millions d'euros. Pourtant, cette augmentation ne suffira pas à rétablir la situation financière de ce fonds, qui devrait accuser un déficit cumulé de 238 millions d'euros en 2007.
La dégradation de ses comptes s'explique, pour l'essentiel, par le rendement plus faible qu'attendu de la contribution créée en 2005 et mise à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Alors que les recettes attendues de cette taxe devaient s'élever à 120 millions d'euros environ, seuls 68 millions ont été prélevés en 2005. Et encore faut-il préciser que, sur cette somme, 27 millions ont été simplement évalués par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS, mais non recouvrés, en raison des recours exercés par les entreprises qui leur permettent de différer le paiement de la contribution. Il semble que les conséquences des différents plafonds mis en place pour limiter la contribution due par chaque entreprise aient été mal appréciées, au moment de la création de la taxe. La commission des affaires sociales vous proposera d'ailleurs d'améliorer le rendement de la taxe, puisque tout cela repose sur le principe pollueur-payeur.
Comme je l'indiquais en introduction, une importante négociation entre les partenaires sociaux pour réformer la branche AT-MP est aujourd'hui en cours. Elle devrait permettre de compléter et de prolonger les avancées obtenues, dans la période récente, sur l'initiative des pouvoirs publics.
Pour illustrer ces avancées, je voudrais dresser un premier bilan de l'application de la convention d'objectifs et de gestion, conclue entre l'État et la branche pour la période 2004-2006.
La plupart de ses objectifs ont été atteints : des mesures bienvenues de simplification des procédures ont été adoptées ; le fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles gère désormais un budget pluriannuel ; les textes attendus sur l'accompagnement médical des victimes ont été publiés ; des indicateurs de performance ont été élaborés, afin d'améliorer le pilotage de la branche. Il appartient maintenant aux partenaires sociaux de prolonger cette modernisation de la branche par des réformes de fond.
À ce jour, les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur une réforme de la gouvernance de la branche AT-MP. Ils ont réaffirmé le principe d'un strict paritarisme dans sa gestion, rejetant ainsi les demandes des associations de victimes qui auraient souhaité y être associées. Ils ont décidé d'officialiser la pratique consistant à confier systématiquement la présidence de la branche à un représentant des employeurs, qui assument, rappelons-le, l'intégralité du financement de la branche.
Quatre groupes de travail ont été mis en place pour étudier les problèmes qui restent à traiter.
Le premier doit déterminer les chiffres clés de la branche AT-MP, afin de parvenir à un diagnostic partagé sur la situation de la branche. Le deuxième étudie la question complexe de la tarification, qui pourrait être rendue plus incitative en faveur de la prévention, grâce à un système de bonus-malus. Le troisième réfléchit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ; il est peu probable que les partenaires sociaux s'accordent sur une réparation intégrale, en raison de son coût, mais la réparation forfaitaire versée aux victimes pourrait être améliorée. Enfin, le quatrième et dernier groupe travaille au renforcement de la prévention, surtout dans les petites entreprises.
La négociation devrait se poursuivre jusqu'au milieu de l'année 2007. Le projet de loi de financement pour 2008 pourrait constituer le support idéal pour traduire dans la loi l'éventuel accord des partenaires sociaux.
Pour conclure mon intervention, je voudrais dire un mot des suites données au rapport de notre mission « amiante », à laquelle un grand nombre de sénateurs ont participé ; le président de cette mission est d'ailleurs présent.
D'abord, je me réjouis de constater, et c'est plutôt rassurant, que nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont mené une mission d'information sur le même sujet, rejoignent très largement nos conclusions. Ils partagent nos constats et nos propositions sur les réformes à apporter au FIVA et au FCAATA, ainsi que sur les mesures de prévention nécessaires pour éviter de nouvelles expositions à l'amiante, matériau qui demeure très présent dans les habitations ou dans les locaux professionnels.
Ensuite, j'observe avec satisfaction que le Gouvernement a mis en oeuvre un grand nombre des recommandations de la mission : les contrôles sur les chantiers de désamiantage ont été considérablement renforcés et la réglementation sur la protection des travailleurs contre les dangers de l'amiante va être actualisée pour tenir compte de l'avancée des connaissances scientifiques ; l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, AFSSET, est venue compléter notre dispositif de veille sanitaire ; le suivi postprofessionnel des anciens travailleurs de l'amiante est en passe d'être généralisé à l'ensemble du territoire ; le décret, longtemps attendu, nécessaire pour que les fonctionnaires et les contractuels du ministère de la défense bénéficient de la cessation anticipée d'activité a été publié en avril dernier ; enfin, un plan sans précédent de recrutements à l'Inspection du travail a été lancé : 700 inspecteurs ou contrôleurs du travail devraient être embauchés d'ici à 2010.
Demeure en suspens la question de la réforme des fonds de l'amiante, notamment celle de son financement. C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous proposera de prévoir l'augmentation graduelle de la dotation de l'État au FIVA, afin que celle-ci soit à la hauteur de la responsabilité de l'État en tant qu'employeur, mais aussi en tant que garant de la sécurité sanitaire du pays. Nous souhaitons, bien sûr, que d'autres réformes de ces fonds interviennent, une fois que les résultats de la négociation entre les partenaires sociaux seront connus.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les observations que je voulais faire sur la branche AT-MP, qui aura effectivement la chance de revenir à l'équilibre en 2007.