Je tiens à leur rendre hommage et à rappeler à chacune et à chacun d’entre nous sur les travées de la Haute Assemblée que les votes auxquels nous allons procéder nous engagent sur la scène internationale, bien sûr, mais aussi vis-à-vis de chacun de nos soldats. Cette responsabilité partagée, monsieur le ministre de la défense, nous amènera à être plus vigilants, plus fermes, plus pressants pour les demandes de matériels et de moyens dont nos armées ont besoin sur ces terrains difficiles et souvent hostiles.
Plusieurs de nos collègues qui ont participé à des missions sur l’initiative de la commission des affaires étrangères et de la défense peuvent témoigner du dévouement, de l’excellence de nos troupes et de leur respect des populations sur les différents théâtres. Je tiens à remercier M. le président de Rohan, car ces différents déplacements nous ont permis de recueillir des informations sur la pertinence politique et stratégique de nos engagements. Ils sont aussi l’expression de l’intérêt su Sénat envers nos personnels militaires.
La situation géopolitique étant de plus en plus complexe, nous devons répondre à de nouveaux défis, dans le respect de la légalité internationale et en faveur de la paix.
Face à des conflits asymétriques et à des acteurs non étatiques - les actes de piraterie au large des côtes somaliennes constituent un bon exemple - notre stratégie de défense doit s’adapter en permanence, et c’est le caractère même des opérations extérieures qui a évolué.
Force est de reconnaître que les OPEX font désormais partie intégrante de l’activité de nos armées. Elles n’ont plus de caractère exceptionnel : aujourd’hui – et ce sera de plus en plus le cas à l’avenir – les OPEX se caractérisent, comme le rappelle le chef d’état-major des armées, par leur durée, leur durcissement et leur dispersion géographique. Cela se traduit par une augmentation des coûts, point sur lequel j’aurai l’occasion de revenir.
Il est primordial que les OPEX répondent aux critères fixés par le Président de la République dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Leur programmation doit également s’inscrire en cohérence avec la réforme des armées engagée il y a quelques mois.
Le choix d’envoyer des contingents français dans telle ou telle région du globe découle avant tout de l’évaluation des menaces, de plus en plus diffuses et de plus en plus difficiles à identifier.
La juste appréciation de la gravité de la menace pour la sécurité internationale et pour nos intérêts nationaux constitue un principe élémentaire de notre politique de défense. Aussi, avant de procéder à l’envoi de soldats, soyons assurés d’avoir examiné les alternatives au recours à la force armée. C’est dans ces cas précis que les relais de notre diplomatie doivent opérer. L’étendue et la qualité de nos relations diplomatiques doivent nous permettre, chaque fois que cela est possible, d’impliquer les autorités et les responsables politiques des zones géographiques concernées et de les appeler à engager le dialogue au travers de leur propre réseau diplomatique.
Parmi les autres principes directeurs définis par le Président de la République en juillet 2007, il y a ce que j’appellerai « l’appréhension réaliste » de notre participation à la résolution des conflits.
Avant d’engager nos forces, il convient d’acquérir plusieurs degrés de certitude : premièrement, nous assurer que nous serons en mesure d’assumer le niveau d’engagement que nécessitera un nouveau théâtre ; deuxièmement, avoir les moyens humains et matériels suffisants pour répondre à la crise – il n’est pas possible d’envoyer des soldats sur des théâtres d’opérations avec des matériels et des équipements insuffisants, inadaptés, et en sous-estimant les rotations des personnels ; troisièmement, avoir une visibilité dans le temps qui nous permette une juste évaluation des coûts – même si nous sommes capables de mettre en place une politique de crash programmes et d’acheter « sur étagère » les matériels, comme pour l’Afghanistan, et je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réactivité, nous devons mesurer notre capacité de réactivité humaine et budgétaire ; enfin, quatrièmement, il faut toujours envisager les perspectives de règlement effectif du conflit et, si possible, la fin de notre intervention.
Dans de nombreux cas, je pense notamment à l’Afghanistan, l’action militaire est indispensable, mais elle ne suffit pas et ne suffira pas.
Il faut, comme le dit Paul Haeri, « gagner les paix de sorties de guerres ». Pour cela, il faut convaincre les populations, en ramenant la sécurité humaine de proximité, pour pouvoir reconstruire une vie durable, avec une administration et ses services locaux, l’éducation, l’accès aux soins, le développement agricole et, surtout, la mise en place d’une armée autochtone crédible, seule porteuse de légitimité.
Il s’agit de conduire une action globale avec et pour les populations locales. Cela nécessite de la volonté, des moyens importants, de la patience et du temps. Cela signifie, mes chers collègues, que certaines OPEX vont durer et perdurer.
Mes chers collègues, mener des opérations dans un cadre multinational, qu’il soit onusien ou européen, présuppose que notre armée ait des effectifs suffisants avec des moyens terrestres, aériens et navals correspondants. Les efforts réalisés en 2008 et 2009, comme la loi de programmation militaire sur laquelle nous travaillons, vont dans le bon sens.
Actuellement, la France compte plus de 13 000 hommes participant à trente opérations de présence et de gestion de crise à travers le monde. La France, avec le Royaume-Uni, est l’une des puissances les plus engagées dans les opérations de maintien de la paix. Les opérations auxquelles la France participe sous le drapeau onusien représentent plus de 16 % des opérations en cours.
Il s’agit principalement de l’opération FINUL–DAMAN au Liban, avec plus de 1 800 hommes. La France est engagée dans la FINUL depuis sa création en 1978. Les événements de l’été 2006 et le renforcement du contingent par les pays européens comme l’Italie et l’Espagne, dans le cadre de la FINUL II et à la suite de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, ont été les conditions essentielles de l’arrêt des hostilités entre Israël et le Hezbollah.
Au Liban, nous pouvons décemment affirmer que les objectifs de l’OPEX ont été atteints. L’assistance à l’armée libanaise et le rétablissement de l’autorité effective ont permis de faciliter les négociations aboutissant à un cessez-le-feu quasi permanent annonçant, nous l’espérons, un accord politique à long terme.
De plus, la France a pu bénéficier d’un levier diplomatique pour la stabilisation de la situation au Liban, mais aussi, de façon plus générale, pour notre action au Proche-Orient.
Nul ne pourra contester que cette implantation au Liban a pu faciliter l’action diplomatique du Président de la République ces dernières semaines au cours des tristes événements dans la bande de Gaza.
Dans le cadre de la résolution 1832, nos troupes devraient y stationner jusqu’en août 2009. Nous ne pouvons qu’être en accord avec ce calendrier et favorables au retrait futur des troupes, sans oublier la fragilité et la réversibilité potentielle de cette zone.
Je voudrais rappeler que notre pays participe à la force navale déployée dans ce secteur. Depuis septembre 2006, il a été procédé par cette composante à plus de 20 000 vérifications. Aucune n’ayant donné lieu à des découvertes suspectes, il me semble judicieux d’alléger rapidement cette partie navale du dispositif. Je me félicite, monsieur le ministre, de la décision que vous venez d’annoncer.
L’action et l’implantation de nos forces au Tchad et en République centrafricaine doivent être abordées sous le prisme d’une politique globale dans la région. Nous y menons plusieurs opérations dans un cadre national pour la mission Épervier au Tchad, ainsi que pour la mission Boali en République Centrafricaine, mais aussi sous mandats onusien et européen pour la mission EUFOR Tchad/RCA, puis MINURCAT II.
Je tiens à rendre hommage au général irlandais Patrick Nash, à la tête des opérations EUFOR sur place, et à souligner l’effort consenti par la Pologne et par l’Irlande. En revanche, nous ne pouvons que regretter de n’avoir pu mobiliser nos partenaires européens traditionnels. Ce n’est qu’une victoire en demi-teinte pour l’Europe de la défense.
L’initiative française et la présence de nos troupes ont permis la mise en place de relais par les organisations et forces de sécurité régionales. Elles ont contribué à la protection des civils, notamment celle des réfugiés et déplacés, des personnels et des biens des Nations unies et des ONG. Elles ont, en outre, facilité l’aide humanitaire.
Rappelons-nous les violents combats à N’Djamena au début du mois de février 2008 : la France, après avoir sécurisé l’aéroport, a procédé à l’extraction des personnels diplomatiques, en particulier allemands et américains, avec une grande efficacité, que je tiens à saluer.
Concernant notre présence en République de Côte d’Ivoire, depuis 2002, les soldats de l’opération Licorne ont participé à la sécurisation du pays et à l’accompagnement vers une sortie de crise politique que connaissait le pays. Le soutien, depuis 2004, de nos troupes à l’ONUCI a permis une normalisation de la vie politique du pays.
Même si l’on peut regretter que la date des élections présidentielles ait été, encore une fois, repoussée, la France a largement contribué à la pacification et à la stabilisation de la situation. Le retrait d’une partie de nos troupes nous paraît raisonnable puisque, parallèlement, d’autres pays de la zone, tel le Burkina Faso, ont engagé des médiations avec la République de Côte d’Ivoire, en collaboration avec l’Union africaine. Lorsque les élections auront enfin lieu, il serait souhaitable de prévoir l’envoi d’observateurs internationaux.
L’attachement naturel de la France au continent africaine et sa tradition d’intervention en cas de conflits, pour les raisons historiques que l’on sait, ne doivent pas nous faire perdre de vue la nécessité pour l’Union africaine d’assurer le relais et d’imposer progressivement la reconnaissance de ses forces d’intervention par les différents pays lorsqu’un conflit éclate.
Monsieur le ministre, au Kosovo, la superposition des mandats des organisations internationales nous permet difficilement d’avoir une vision globale sur notre action. Les soldats français déployés au nord-ouest sont intégrés dans plusieurs missions et dépendent, pour les uns, de la KFOR, qui opère comme soutien à la mission MINUK, quand d’autres attendent d’être relayés par la mission EULEX. Comprenne qui pourra !
À cette situation s’ajoute la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo, qui, voilà un an, fut source d’inquiétude, laissant planer la possibilité d’une reprise des violences avec la Serbie.
À ce jour, seulement cinquante et un États ont reconnu le Kosovo, ...