Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 28 janvier 2009 à 21h45
Prolongation de cinq interventions des forces armées — Débat et votes sur des demandes d'autorisation du gouvernement

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Conseil de sécurité a mené vendredi dernier, sur l’initiative conjointe de la France et du Royaume-Uni, une réflexion sur la façon d’améliorer les opérations de maintien de la paix.

Pour Alain Le Roy, secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, « 2009 sera une année pivot ». En effet, le nombre et la complexité croissants de ces opérations, comme leurs difficultés de financement, posent des problèmes qu’il faudra résoudre dans un avenir proche.

Le présent débat sur l’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées françaises porte sur des questions analogues.

Désormais, le Parlement est appelé à voter sur la prolongation du maintien de forces armées sur des théâtres extérieurs. Cette obligation constitutionnelle traduit un meilleur équilibre des pouvoirs. Toutes les composantes de la représentation nationale peuvent enfin se prononcer sur des choix majeurs de politique étrangère, en particulier sur l’engagement de nos forces armées.

Le Sénat fait à nouveau la preuve de sa vocation internationale, grâce à l’initiative du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées qui a décidé, comme il vient lui-même de le rappeler, de missionner une délégation paritaire de deux sénateurs dans les pays où se déroulent les OPEX auxquelles participent les forces françaises.

Les opérations extérieures ont pour objet, dans leur volet militaire, la cessation ou le contrôle des hostilités. Mais étant de plus en plus imbriquées avec les opérations civiles, elles tendent désormais à s’organiser en confiant aux militaires le soin de sécuriser l’environnement, aux forces de police et de justice la consolidation de l’état de droit, et aux techniciens les missions d’expertise.

Nous ne pouvons certes pas nous soustraire à des missions visant à consolider la paix et la sécurité internationales dans des zones où celles-ci sont sérieusement mises en cause, mais nous devons mieux définir leur champ d’action et leur coût.

Lors du débat demandant l’autorisation d’envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan, j’avais souhaité que le montant de cette intervention soit consacré non seulement à un effort de guerre, représenté par l’envoi de nouveaux soldats, mais aussi et surtout à un effort de paix.

Notre pays, profondément attaché au multilatéralisme, se doit, comme le dit Hubert Védrine dans le rapport qu’il a remis au Président de la République, de « contribuer de la meilleure façon possible à la résolution des problèmes du monde. La France a, à cet égard, une expérience, une créativité et un savoir-faire tout à fait particuliers. »

Nous connaissons bien certaines régions situées sur l’arc de crise Mauritanie-Pakistan, que le Livre blanc définit comme un axe d’intervention prioritaire. C’est le cas aussi de certains pays d’Afrique, comme le Tchad ou la Côte d’Ivoire, ou bien encore le Liban, théâtres extérieurs sur lesquels nous sommes appelés à voter ce soir.

Le Président de la République a choisi le Liban pour présenter ses vœux aux forces armées. C’est significatif ! La France entretient des liens très étroits et anciens avec ce pays et avec ses voisins ; elle possède une excellente connaissance de la région. Notre action pour le maintien de la paix dans cette zone conflictuelle du Moyen-Orient est prioritaire.

En tant que vice-président de la commission des finances, je porte, comme mes collègues, une attention particulière au financement de nos opérations extérieures, qui soulève de réelles difficultés.

Le budget pour 2009 de la mission « Action extérieure de l’État » du ministère des affaires étrangères a clairement mis en exergue la forte augmentation des contributions internationales obligatoires, qui se montent à plus de 692 millions d’euros. La moitié de cette somme est consacrée aux opérations de maintien de la paix, soit 340 millions d’euros, contre 271 millions d’euros en 2006.

Pour ce qui est des surcoûts, c’est-à-dire les dépenses supplémentaires engagées sur les théâtres d’opération par les ministères de la défense et de l’intérieur, ils ne seront que très partiellement remboursés : seulement 37 millions d’euros sur 833 millions d’euros en 2008 ; c’est anormal !

On ne peut non plus négliger les surcoûts dans le financement des dépenses communes des opérations de l’OTAN et de l’Union européenne : ils s’élevaient à 31 millions d’euros en 2006 et ils ont plus que triplé aujourd’hui !

S’il est souhaitable de budgétiser ces opérations en loi de finances initiale, ce qui est le cas depuis 2005, il est encore plus souhaitable d’éviter de les compléter par de nouveaux crédits votés en projet de loi de finances rectificative et, surtout, par un décret d’avances, comme ce fut le cas en 2006. Il faut encore moins les financer par des annulations de crédits à due concurrence sur les crédits consacrés aux équipements des armées.

La budgétisation des OPEX dès la loi de finances initiale est indispensable à la bonne gestion des finances publiques. Le graphique comparant la provision en loi de finances initiale et l’exécution des dépenses fait apparaître la disproportion du bilan : l’exécution est en moyenne deux fois plus importante que la provision !

Du fait du contrôle par le Parlement de la prolongation du maintien de troupes, nous sommes dans l’obligation de demander des comptes.

Lorsque les opérations de maintien de la paix sont décidées par la communauté internationale ou par l’Union européenne, ce sont celles-ci, et non pas essentiellement la France, qui doivent en supporter la charge financière. Le mécanisme ATHENA laisse à la charge des principaux contributeurs en troupes la plus grande part des coûts. Vous devez demander, monsieur le ministre, une mutualisation de ces coûts.

Plus qu’un objectif, la politique étrangère européenne est devenue une réalité sous l’impulsion de la présidence française. Son corollaire indispensable est une défense. En conséquence, il faut pérenniser les OPEX dans la perspective d’une force européenne plutôt qu’une force française.

La participation à la résolution des conflits doit devenir un catalyseur de défense et de politique étrangère européennes. J’ajoute qu’il faut renouveler l’articulation entre l’OTAN et l’Union européenne.

Je partage le constat de Bronislaw Geremek qui, auditionné à la fin de 2007 dans le cadre du Livre blanc de la défense, déclarait : « lorsqu’on regarde les dépenses militaires et qu’on les compare à d’autres modèles, on voit quelle puissance pourrait avoir l’Europe pour mener sa politique. Mais elle ne l’utilise pas, car l’unité européenne, dans ce domaine, n’est qu’à son début. [...] Si, dans le domaine de la douceur, l’Europe est un géant, dans celui de la dureté, l’Europe reste un nain. Cela peut être changé. »

Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’évolution souhaitable de l’organisation et du financement des OPEX. La majorité de mon groupe votera le maintien de nos forces dans les pays où elles opèrent. Les armes françaises servent au nom de la paix et de la liberté, avec un professionnalisme, une efficacité et un sens de l’honneur reconnu par tous.

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