Intervention de André Vantomme

Réunion du 28 janvier 2009 à 21h45
Prolongation de cinq interventions des forces armées — Débat et votes sur des demandes d'autorisation du gouvernement

Photo de André VantommeAndré Vantomme :

Ce n’est pas la conception que nous avons du débat parlementaire et de la fonction de contrôle du Parlement.

Nous assistons aujourd’hui à un dévoiement de cette fonction de contrôle et, par là même, à une mauvaise application de l’article 35, alinéa 3, de la Constitution.

Le Parlement est dans une situation non pas de « contrôle » des opérations extérieures, mais simplement d’information et d’enregistrement.

Or, si on doit voter, il vaudrait mieux que cela se fasse dans la clarté. Ce n’est pas le cas aujourd’hui !

Je m’étonne que, pour prendre une série de décisions aussi importantes qui engagent la vie de nos soldats, le Parlement ne dispose pas d’une évaluation précise de ce que nous avons fait en Côte d’Ivoire, au Liban, au Kosovo, d’une vision de l’évolution de ces crises et surtout de leur issue.

D’autant que, selon l’Express du 6 décembre 2008, le travail d’analyse, de bilan, aurait déjà été fait : « Le ministère de la défense passe actuellement en revue la totalité des opérations extérieures[…] L’objectif est de réévaluer avec précision les besoins opérationnels, afin de réduire la voilure de certaines OPEX dont le coût ne cesse d’augmenter – on devrait atteindre le milliard d’euros cette année.

« La participation française à la FINUL II, au Liban, pourrait ainsi décroître progressivement, à l’instar du retrait déjà amorcé en Côte d’Ivoire. »

Pour ce qui nous concerne, notre souhait est d’aborder tous les thèmes relatifs à la défense. Réfléchir, débattre et voter sur l’étendue, dans l’espace et dans le temps, des missions confiées à nos militaires en opérations extérieures nous semble une exigence démocratique.

Vu l’état de nos finances, et étant donné l’incapacité du Gouvernement à relancer une économie déjà mal en point avant même la crise financière actuelle, la tentation est forte de faire des économies en réduisant le nombre des opérations extérieures. Mais la contrainte économique, même forte et pressante, ne peut pas être le seul critère !

Ces dernières années, face à la multiplication des OPEX, les armées ont donné à plusieurs reprises des signes de surmenage ; on a appelé cela la « surchauffe », plus perceptible d’ailleurs dans l’armée de terre, très sollicitée pour les OPEX.

Mais plus que le nombre d’hommes, c’est le nombre d’opérations qui pose problème, par la multiplication des systèmes de commandement, de transport et de communications qu’elles supposent. Il ne s’agit pas de promenades de santé !

Les soldats français, il faut le reconnaître, s’engagent dans des conditions de plus en plus difficiles. Les engagements, par exemple en Afghanistan, seront de plus en plus durs, ce qui implique un investissement différent en termes d’entraînement des hommes, de capacité des matériels...

Bref, l’heure est à la « remilitarisation » des interventions, pour préparer des guerres qui, demain, seront peut-être plus cruelles encore.

Les OPEX se caractérisent désormais par leur durée, leur durcissement, leur dispersion géographique et leur diversité. Notre souci devrait être alors de ne pas laisser nos soldats s’engluer dans des opérations incertaines.

Plusieurs raisons peuvent motiver la volonté de remise à plat des opérations extérieures. Cependant, leur coût ne peut pas être la seule variable d’analyse. Il faut trouver un point d’équilibre entre nos capacités militaires, nos possibilités financières et le sens politique, géopolitique des OPEX.

Aujourd’hui, ce sont surtout les objectifs et les conditions de ces engagements qui sont en question. Il importe également de se préoccuper des conditions d’entraînement des forces qui ne sont pas mobilisées pour les OPEX, notamment quant aux moyens dont elles disposent en termes d’armes et de moyens de transport, notamment.

Avant même de se lancer dans une opération, il faut être sûr qu’il y a une perspective politique et qu’il n’y aura pas de décalage entre le discours et les actes, entre la pratique et la théorie, entre les moyens et l’objectif final poursuivi. Nous avons l’impression que ce décalage existe, peut-être pas au début d’une opération, mais ensuite, quand au fil du temps celle-ci s’éternise, s’effiloche, que son sens se dilue et que son objectif final tend à s’obscurcir.

La question de la sortie de crise doit être abordée dès le début de l’opération extérieure. Cette question doit aussi concerner nos partenaires dans le cadre d’opérations multilatérales.

Il y a aussi les critères d’engagement de la force militaire, la « caveatisation » excessive, ou même les mandats inadéquats, qui rendent l’opération incapable d’atteindre ses propres objectifs. Des règles d’engagement claires sont réclamées par les militaires ; sur ce point, ils ont raison !

Nous le savions déjà, et le Livre blanc est venu le confirmer : nos armées sont sollicitées au maximum de leurs possibilités, aussi bien humaines que matérielles.

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