Notre pays, madame la ministre, connaît actuellement une véritable pénurie en matière de structures publiques d’accueil de la petite enfance. En effet, alors que l’on compte près de 800 000 naissances chaque année en France, seulement 13 % des enfants âgés de moins de trois ans sont accueillis en structures d’accueil : crèches collectives ou familiales, multi-accueil, etc. Michèle Tabarot, auteur d’un rapport remis en juillet 2008 au Premier ministre, tout comme le pédopsychiatre Patrick Ben Soussan, auteur du Livre noir de l’accueil de la petite enfance, estiment qu’il manque ainsi 320 000 places.
Cette insuffisance de places destinées à l’accueil de la petite enfance constitue un frein au travail des parents, principalement à celui des femmes qui, faute de trouver des solutions supportables sur le plan économique, sont souvent contraintes de cesser leur activité pour garder leurs enfants.
Cela oblige les femmes qui, pour des raisons culturelles, s’occupent encore majoritairement des enfants, à réduire leur activité ou à se retirer de la vie professionnelle, ce qui entraîne d’importantes répercussions sur leurs droits à retraite et leurs niveaux de pensions.
En lieu et place de la création de places de crèches répondant aux attentes de toutes les familles, notamment les plus modestes, qui bénéficient de l’application de tarifs sociaux, vous avez fait le choix de la réduction des dépenses, de la dérégulation et de la dégradation des dispositifs existants pour l’accueil des jeunes enfants. Disant cela, je vise, par exemple, le décret n° 2010-613 du 7 juin 2010 relatif aux établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans, qui a revu à la hausse les normes d’encadrement dans les établissements d’accueil collectif tout en diminuant la part des personnels qualifiés.
Mais je vise aussi la loi n° 2010-625 du 9 juin 2010 autorisant la création de maisons d’assistants maternels dans lesquelles des professionnels peu qualifiés pourront accueillir jusqu’à seize enfants, sans qu’aucune règle de fonctionnement n’ait été prévue. À cela, il convient d’ajouter la dérégulation précédente, qui avait déjà porté de trois à quatre le nombre d’enfants pouvant être accueillis par un assistant maternel.
À l’inverse de votre politique, qui marque le désengagement progressif de l’État et le transfert des compétences vers des collectivités territoriales exsangues sur le plan financier, nous proposons, pour notre part, la mise en place d’un grand service public national de la petite enfance.
En quinze ans, ce dispositif ambitieux, mais réaliste, permettrait la création d’un million de places d’accueil pour la petite enfance, avec une gratuité pour les familles à bas revenus et l’application de tarifs sociaux ou adaptés aux revenus des familles. Nous estimons le coût de cette mesure à 12 milliards d’euros par an, qui seraient répartis entre l’État, les collectivités locales, la CAF, les entreprises et les familles payantes.
Cette politique induirait naturellement la création d’établissements et aurait pour conséquence positive de participer au soutien de la construction immobilière, ainsi qu’à la revitalisation de certains territoires. Elle permettrait aussi de créer 150 000 emplois, tout en améliorant significativement les conditions de vie et de travail des femmes qui sont actuellement contraintes à des temps partiels en raison de l’impossibilité de trouver un mode de garde pour leurs enfants.