Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 29 avril 2008 à 16h00
Mobilité et parcours professionnels dans la fonction publique — Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Ce texte n’est qu’un avant-goût de ce qui attend les fonctionnaires puisqu’un projet de loi de refonte de la fonction publique doit être présenté dans les prochaines semaines. Et notre excellent rapporteur, dont je souligne l’objectivité et la qualité du travail, de dire avec délicatesse du présent projet de loi qu’il s’agit d’un « texte de transition »…

On peut se demander, en effet, quelle nécessité imposait d’examiner un texte limité à la mobilité de la fonction publique, alors même qu’on nous annonce dans quelques semaines ou dans quelques mois – vous nous l’avez confirmé, monsieur le ministre – un projet de refonte global, dont l’objectif sera clairement de rapprocher encore plus le statut de la fonction publique de celui du secteur privé, si l’on en croit les indiscrétions qui fleurissent ici et là.

Autant dire que le texte dont nous discutons aujourd'hui ne servira à rien puisque, comme M. le rapporteur le souligne justement et toujours avec autant de subtilité, « lorsque cette mise à plat verra le jour, certaines des dispositions qui nous sont aujourd’hui proposées pourraient perdre leur utilité » !

On légifère donc pour quelques mois, et sans doute pour rien quand on sait le temps qu’il faut pour prendre les décrets d’application !

Pourquoi avoir pris cette initiative sans attendre même la publication du livre blanc sur l’avenir de la fonction publique de M. Silicani ? Nous avons été étonnés de ce choix, mais nous n’étions pas au bout de nos surprises !

En réalité, c’est tout un contexte qui préside à la confection de ce projet de loi.

Ce contexte est donc le rapport Silicani, remis le 17 avril dernier, donc il y a peu, et qui s’inscrit dans la droite ligne des ambitions exprimées par le chef de l’État, notamment lors de sa visite à l’institut régional d’administration de Nantes, en septembre 2007.

Je cite les éléments que j’ai trouvés, notamment dans le rapport : externalisation de certaines activités, mise à mal du principe du recrutement par concours, licenciement. Peu de choses sont écartées !

Le contexte, c’est aussi une série de décrets publiés avant même l’adoption du texte que nous examinons, créant des primes à la mobilité, accompagnant la réorganisation des services et instituant une indemnité de départ, dans l’ambition inavouée d’inciter les fonctionnaires à quitter la fonction publique.

Je pense, par exemple, au décret n°2008-367 du 17 avril 2008, instituant un complément indemnitaire en faveur de certains fonctionnaires de l’État à l’occasion d’opérations de restructuration.

Ces décrets, pris donc avant même l’adoption du texte que nous examinons, nous incitent encore plus à douter de l’utilité du présent projet de loi.

Le contexte, c’est encore l’objectif du président Sarkozy de faire de la réduction des emplois publics l’une des mesures phare de son programme présidentiel. Mme Gourault peut être rassurée : cela reviendra !

Le contexte, c’est enfin la volonté réaffirmée encore devant les élèves de l’IRA de Nantes de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, ce qui reviendrait à supprimer 35 000 postes par an dès 2009.

Un fonctionnaire sur deux ! Pourquoi pas un sur trois ou trois sur cinq ? Quelle étude d’impact a présidé à la mise au point de ce chiffre magique ?

Dans la situation actuelle, monsieur le ministre, vous êtes incapable de prévoir les répercussions de ces suppressions sur le fonctionnement des services publics.

Ainsi, derrière le titre anodin et même louable de ce projet de loi, qui répond à son objet dans les cinq premiers articles, se cache l’objectif quasi avoué de donner finalement aux administrations les outils pour gérer les restructurations liées à la révision générale des politiques publiques. Je ne fais que répéter ce qu’a dit très objectivement tout à l'heure le rapporteur.

Nous comprenons bien dans quelle impasse se trouve le Gouvernement, qui doit faire face à un déficit insondable - je rappelle que ce déficit est de l’entière responsabilité des gouvernements qui se sont succédé depuis sept ans - et qui n’a d’autre choix que d’essayer de réduire les dépenses de l’État. Après avoir gaspillé l’argent public en juillet dernier, on veut rétablir les comptes de la nation sur le dos des fonctionnaires. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, mes chers collègues.

Nous ne sommes pas contre la révision générale des politiques publiques pour autant qu’elle ne soit pas une politique à l’aveugle – je suis d’accord avec Mme Gourault à cet égard - qui risque de mettre à mal le bon fonctionnement des services publics. Il s’agit pour nous non pas de défendre de prétendus privilèges et des intérêts statutaires mais bien de nous assurer que, derrière la rationalisation projetée, ne se dessine pas une vaste braderie, comme on a pu le voir en Angleterre au temps de Mme Thatcher.

Il est vrai que Madame Thatcher n’est pas votre référence avouée.

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