Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite apporter quelques éléments de réponse en ce début de débat, sachant toutefois qu’il y aura encore beaucoup à dire au cours de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable et tout au long de l’examen des articles.
Tout d’abord, monsieur le rapporteur, je remercie la commission des lois pour le travail extrêmement complet et de qualité qu’elle a réalisé. Elle apporte ainsi des éclairages non seulement sur ce texte, mais aussi pour les textes à venir. En effet, les choses s’emboîtent les unes dans les autres.
Il faut bien le comprendre, ce texte regroupe une série d’outils, André Santini et moi-même l’ayant voulu ainsi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je réfute toute motivation idéologique. Nous avons réuni les secrétaires généraux des ministères, les gestionnaires des ressources humaines et la Direction générale des finances publiques, pour essayer de comprendre ce qui « verrouillait » la fonction publique. Et vous nous accusez, monsieur Peyronnet, de vouloir « faire sauter tous les verrous ». Eh bien oui ! Nous faisons sauter les mauvais verrous des portes closes, car il faut ouvrir, oxygéner, apporter de la transparence, de la mobilité et de la fluidité. C’est ainsi que les personnes peuvent se réaliser dans leur parcours professionnel. Et tel n’est pas le cas si on les cloisonne et si on les isole de façon étanche : la fonction publique n’est pas un sous-marin !
On ne peut pas être au service du public, en l’occurrence des Français – ils sont exigeants, car ils connaissent les services publics et souhaitent qu’ils soient de mieux en mieux adaptés –, et, dans le même temps, employer des agents de plus en plus éloignés des réalités, car évoluant de moins en moins.
Nous devons au contraire faire en sorte que la fonction publique, que nous aimons et que nous avons envie de développer, soit une fonction publique du xxie siècle. On ne peut pas la gérer avec les outils du xxe ou du xixe siècle ! On doit donc pouvoir la faire évoluer. Ni plus, ni moins, et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’avoir compris.
S’agissant de l’intérim, j’ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur. La commission a éclairci un certain nombre de points, ce qui nous permet d’avoir un texte plus complet encore.
Monsieur Othily, les dispositions du projet de loi s’appliquent bien évidemment aux fonctionnaires ultramarins qui travaillent aujourd’hui dans les différentes collectivités d’outre-mer.
Il apportera, je le crois, un avantage supplémentaire aux collectivités d’outre-mer, qui cherchent des fonctionnaires de qualité. J’étais en Martinique voilà quelques jours, et je me suis aperçu que, dans un certain nombre de cas, les administrations d’État avaient du mal à recruter des fonctionnaires. Je ne sais si la situation est identique en Guyane, à la Guadeloupe ou sur d’autres territoires, mais nous devons répondre à une telle difficulté.
À cet égard, le texte incite à la mobilité, puisque des éléments très concrets tels que les primes y seront attachés. Ces dernières permettront notamment de faciliter le « retour au pays » des fonctionnaires issus des territoires d’outre-mer. Après avoir passé des concours et effectué une partie de leur carrière en métropole, nombre d’entre eux souhaitent retourner dans leur territoire. Aucune administration d’origine ne pourra désormais s’opposer à leur souhait, alors que tel est bien le cas aujourd’hui.
Madame Gourault, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux est toujours d’actualité. Ce n’est pas parce que nous n’en avons pas parlé que cette mesure a disparu ! Il est possible de présenter les choses ainsi : nous remplacerons un fonctionnaire sur deux partant en retraite.
La fonction publique va donc beaucoup recruter dans les prochaines années, et nous devons être à la hauteur de ces recrutements. Le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique valorise la fonction publique et, surtout, les carrières de la fonction publique. Il permet ainsi de rendre cette dernière plus attractive et donc plus compétitive par rapport au secteur privé, qui connaît actuellement des tensions en matière de recrutement. Regardez autour de vous : paradoxalement, de nombreuses entreprises ne trouvent pas sur le marché du travail les compétences dont elles ont besoin.
La fonction publique, qu’elle soit d’État ou territoriale, doit pouvoir recruter des fonctionnaires qui, demain, serviront avec qualité les usagers du service public.
Notre vision n’est pas comptable : nous pensons simplement que nous pouvons avoir une fonction publique moins nombreuse – il faut bien le dire ! –, mieux valorisée et mieux payée. Il s’agit d’une vision non pas comptable, mais extrêmement prospective.
Vous nous mettez également en garde, madame Gourault, contre une accumulation de textes relatifs à la fonction publique. Mais il s’agit d’un vaste sujet, et il est donc assez naturel de ne pouvoir tout régler au moyen d’un seul projet de loi. Bien évidemment, nous sommes sans cesse en phase d’adaptation.
André Santini et moi-même nous efforçons d’élaborer des textes permettant d’aller le plus possible au fond des choses.
Le présent projet de loi est une boîte à outils répondant à des besoins précis. Nous reviendrons vers vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour élaborer en amont un dispositif qui ira un peu plus loin et aura pour objet de proposer une évolution de l’organisation de la fonction publique dans un certain nombre de cas très précis.
Nous attendons en effet d’avoir tiré tous les enseignements du Livre blanc que M. le Premier ministre a demandé à M. Silicani de rédiger, à l’issue d’une période de consultations extrêmement vastes réalisées par André Santini, Jean-Ludovic Silicani et moi-même. Nous avons ainsi beaucoup discuté non seulement avec les fonctionnaires, mais aussi, au-delà, avec ceux qui portent un regard sur la fonction publique.
Nous pensons qu’il faut une fonction publique de métiers. Aujourd’hui, l’accès à la fonction publique est extrêmement verrouillé. Il faut, selon nous, un brassage plus important des fonctionnaires et une ouverture de la fonction publique vers l’extérieur. Les critères d’entrée dans la fonction publique doivent s’appuyer moins sur des connaissances académiques que sur les compétences requises pour exercer une activité. Il s’agit de moins « brider » les personnes, qui doivent avoir une vie professionnelle normale au sein du service public. Ces dernières seront abritées derrière un statut lorsque ce sera nécessaire ou embauchées sous contrat lorsque cela se révélera possible.
Un tel débat constituera un vrai débat de fond et permettra une véritable évolution après tant d’années d’immobilisme.
Madame Gourault, la disposition concernant l’intérim constitue une mesure forte, qui ne précarise pas l’emploi. Ce texte n’est pas source de précarité. D’ailleurs, à l’heure actuelle, il faut vraiment se boucher les yeux et les oreilles pour ne pas se rendre compte de l’existence d’une grande précarité dans la fonction publique ! En effet, des vacataires sont employés tant par les collectivités locales que par l’État.
Il ne suffit donc pas de monter sur ses grands chevaux en dénonçant la précarité : elle existait déjà lorsque la gauche était au pouvoir, et elle continue à exister !
Nous devons donc combattre la précarité. Nous organisons le remplacement de fonctionnaires en fonction des besoins ponctuels, ni plus ni moins, par le biais de l’appel à l’intérim. C’est d’ailleurs ce que fait la fonction publique hospitalière, mais dans des conditions juridiques discutables. Nous consolidons le dispositif. Il s’agit de répondre aux besoins rapidement, sans tergiverser, ce qui ne paraît pas aberrant !
Aujourd'hui, être intérimaire est un statut, qui emporte une protection indispensable inscrite dans le droit du travail. Il est bien naturel que la fonction publique puisse en profiter.
Monsieur Peyronnet, vous ne voterez pas ce projet de loi sur la mobilité, car, je l’ai bien compris, vous voteriez un texte sur l’immobilité ! En effet, l’ensemble de votre discours consiste à nous dire, en substance : « surtout ne faites rien ! », « ne bougez pas ! », « n’évoluez pas ! », « laissez les choses en l’état ! ».
Mais ce n’est pas du tout ce que nous choisissons ! D’ailleurs, d’autres pays ont pris des mesures comparables aux nôtres, tout en étant gouvernés par des personnes aux opinions politiques proches des vôtres, notamment M. Zapatero en Espagne, ou M. Blair, naguère, au Royaume-Uni.
Moi, j’ai été choqué par vos propos – et je vous le dis en vous regardant droit dans les yeux, monsieur le sénateur – nous accusant de démolir – toujours les grands mots ! – la fonction publique.
Permettez-moi de vous répondre que, au contraire, nous nous efforçons d’adapter la fonction publique aux besoins actuels. Pour ma part, je respecte les besoins des citoyens en matière de services publics. Ceux qui travaillent dans les services publics doivent avoir un statut et des conditions d’emploi adaptés au service du public.
Là encore, n’employons pas de grands mots comme paravents pour masquer la réalité ! La France est une République, fière de ses fonctionnaires et de ses services publics. C’est une culture profondément enracinée en nous. Pour autant, nos services publics ne sont heureusement pas des vaches sacrées ! Nous devons pouvoir en parler sans tabou et les faire évoluer. Je tiens à vous le dire, une telle démarche se fonde non pas sur une idéologie, mais uniquement sur du pragmatisme.
Et ce n’est pas en embaumant la fonction publique que vous la ferez évoluer, monsieur le sénateur ! En tout cas, ceux qui déterreront dans deux mille ans le statut dont vous rêvez feront de l’archéologie ! Nous préférons, pour notre part, faire de la gestion ; cela me paraît une approche plus efficace !
Monsieur Gouteyron, je vous remercie des propos très utiles que vous avez tenus concernant le ministère des affaires étrangères. C’est un ministère que je connais bien, et nous avons déjà eu l’occasion de travailler ensemble sur ce sujet à d’autres époques. Il est vrai qu’un certain nombre de hauts fonctionnaires de ce ministère sont aujourd’hui mal employés, voire inemployés. Nombre de mesures contenues dans les seize articles de ce projet de loi répondent à ces difficultés d’emploi et de gestion spécifiques à ce ministère.
Madame Mathon-Poinat, vous avez également parlé de précarité. Je l’ai dit, le texte crée non pas de la précarité, mais, au contraire, de la souplesse pour permettre des remplacements afin d’assurer la continuité du service public. C’est en donnant un cadre d’emploi adapté à cette souplesse face aux besoins ponctuels que nous voulons lutter contre la précarité.
J’ai également retenu de votre intervention, madame le sénateur, que, en diminuant le nombre de fonctionnaires, nous dégraderions le service public ! Au-delà de ces propos alarmistes et, à mon avis, un peu déplacés, il faut voir la réalité en face. C’est ce que doit faire un élu, sauf à avoir une vision irresponsable des choses, et nous ne sommes pas élus pour avoir une telle vision. L’attitude que vous prônez est donc quelque peu étonnante.
N’oublions pas que la France affiche des déficits publics, que vos amis ont d’ailleurs contribué à creuser.