Depuis 1946, le statut général des fonctionnaires n’a cessé d’évoluer et de se transformer : de 1 million à 5, 2 millions de personnes concernées aujourd’hui ; de 145 articles en 1946 à plus de 500 aujourd’hui pour la fonction publique « à trois versants » respectant l’extrême diversité des fonctions et des activités.
La dernière grande réforme progressiste du statut des fonctionnaires a eu lieu au début des années quatre-vingt, voilà plus de vingt ans. Elle se fondait alors sur différents principes démocratiques : le principe d’égalité, par référence à l’article VI de la Déclaration des doits de l’homme et du citoyen ; le principe d’indépendance du fonctionnaire à l’égard du pouvoir politique comme de l’arbitraire administratif que permet le système dit de la « carrière » où le grade, propriété du fonctionnaire, est séparé de l’emploi qui est, lui, à la disposition de l’administration ; enfin, le principe de responsabilité qui confère au fonctionnaire la plénitude des droits des citoyens et reconnaît la source de sa responsabilité dans l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, lequel indique que chaque agent public doit rendre compte de son administration.
Depuis, ce système a dû résister à de multiples attaques. La première alternance politique, entre 1986 et 1988, a permis au pouvoir politique, notamment avec la loi Galland du 13 juillet 1987, de s’attaquer au « maillon faible » de la fonction publique territoriale et de réintroduire des éléments de fonction publique d’emploi – listes d’aptitude, cadres d’emplois, recrutement de contractuels – et de clientélisme dans l’ensemble du statut général.
La loi du 19 novembre 1982 sur les prélèvements en cas de grève a été abrogée par l’amendement Lamassoure, de même que la création de la troisième voie d’accès à l’ENA réservée aux détenteurs de mandats électifs, associatifs et syndicaux.
Les attaques ont repris de 1993 à 1997 avec la réforme Hoeffel et une stratégie de « mise en extinction » du statut général par la déréglementation, les privatisations, la contractualisation, jusqu’à l’attaque frontale du rapport du Conseil d’État en 2003 proposant une autre conception de la fonction publique, une fonction publique d’emploi, alignée sur le modèle européen dominant.
Or c’est ce modèle que voudrait imposer l’actuel Président de la République. Au lieu de décréter de façon opportuniste que la mobilité dans la fonction publique est entravée, sans pour autant avancer de raisons valables, il serait à notre sens plus judicieux de procéder à une évaluation des lois précédemment votées, d’en dresser le bilan et d’en proposer des modifications, voire l’abrogation. Je pense notamment à la loi Galland de 1987, loi issue d’un gouvernement de même couleur politique que l’actuel gouvernement et qui est la principale responsable des freins à la mobilité des fonctionnaires.
Nous sommes favorables non pas au statu quo, mais à une évaluation de la fonction publique suivie des transformations nécessaires, tout en conservant les principes du statut public.