Nous voterons contre ce projet de loi, d’autant qu’il a été déclaré d’urgence, ce qui est plutôt curieux.
En fait, le dispositif qu’il instaure s’insère dans le projet de société parfaitement structuré que le Gouvernement est en train de façonner. La dérégulation de l’économie et du marché du travail, la flexisécurité des salariés sont les prochains objectifs à atteindre dans cette économie de marché et de concurrence.
Aujourd’hui, la fonction publique compte un peu plus de 5 millions d’agents, auxquels il convient d’ajouter plusieurs centaines de milliers de travailleurs employés par des entreprises publiques, ce qui représente au total plus du quart de la population active.
Ainsi, des millions de personnes échappent actuellement à la logique du marché et du contrat conclu de gré à gré avec un employeur. Pour vous, c’est indiscutablement insupportable ! Vous ne cessez de répéter qu’il y a « beaucoup trop » de fonctionnaires. Mais « beaucoup trop » pour qui ? Pour nos concitoyens ou pour vous ? Sont-ils trop nombreux pour assurer des services publics de qualité sur l’ensemble du territoire ? Sont-ils simplement une variable d’ajustement pour compenser les choix budgétaires désastreux de votre politique fiscale ?
C’est typiquement cette logique qui a présidé au non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Ce calcul fait à l’aveugle est fondé sur un seul souci de maîtrise des dépenses publiques, sans que soit prise en compte le moins du monde la satisfaction de l’intérêt général.
La révision générale des politiques publiques est menée dans l’objectif de préparer les esprits à un changement radical de projet de société.
Ce projet de loi se situe parfaitement dans un tel état d’esprit. Sous prétexte de mobilité, les fonctionnaires sont très fortement incités à quitter la fonction publique et à intégrer le secteur privé. En cas de restructuration de leur administration, ils pourront se faire licencier s’ils refusent trois offres d’emploi public, ce qui est contraire au principe selon lequel un fonctionnaire privé d’emploi doit être réaffecté sur un autre emploi.
Le recrutement sous la forme du contrat est totalement banalisé puisque les administrations et les collectivités territoriales voient leurs possibilités d’embaucher des agents contractuels élargies, ce qui est totalement contraire au principe d’égal accès à l’emploi public. Quant au développement de la possibilité de cumuler des temps incomplets, il s’agit purement et simplement de mettre un coup d’accélérateur au développement du temps partiel et de la flexibilité, donc de la précarité.
Plus grave encore, ce projet de loi légalise le recours à l’intérim, ce qui a pour conséquence – en l’occurrence, je peux de nouveau évoquer un « formatage des esprits » – de banaliser l’emploi public et les missions de service public.
L’intérêt général et l’efficacité sociale sont des sources fondamentales de notre conception de la fonction publique et du service public. Ce projet de loi les balaie d’un revers de main et, par la contractualisation croissante, fait se détourner les agents de ces deux principes.
Je ne peux d’ailleurs pas m’empêcher de penser que ce projet de loi, en s’éloignant petit à petit des principes fondamentaux régissant la fonction publique, notamment l’égalité et l’indépendance des fonctionnaires, prépare – hélas ! – le terrain à la corruption généralisée dans la fonction publique, ce qui est sans doute beaucoup plus grave.
D’autres solutions existent. D’autres choix politiques et, surtout, budgétaires sont possibles. Pour notre part, nous ne partageons ni la philosophie ni la finalité de ce texte. C’est pourquoi nous voterons contre.