Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 2 mars 2006 à 10h00
Égalité des chances — Article 4 ter

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L'article 4 ter, adopté sans débat par l'Assemblée nationale en raison de l'application de l'article 49-3 de la Constitution, prévoit la participation des maisons de l'emploi à la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi.

Vous connaissez, monsieur le ministre, notre position de principe sur les maisons de l'emploi, disposition introduite dans le code du travail par le biais de la loi de programmation du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale ; je n'y reviendrai donc pas.

Avec le présent article, il s'agit d'ajouter aux attributions de ces structures une mission de sensibilisation des employeurs aux discriminations. Si l'objectif est certes louable en soi, j'estime qu'il relève, pour le moins, d'une belle déclaration d'intention.

En France, par leur aggravation et leur étendue, les discriminations sont une réalité à laquelle il faut avoir le courage de s'attaquer avec fermeté, et ce d'autant que cette situation a tendance à être structurelle. Trop de personnes - des jeunes, des moins jeunes, des salariés ou non, des citoyens français, des migrants, des femmes - sont victimes de discriminations qui touchent tous les domaines de la vie, qu'il s'agisse de l'accès à l'emploi, du monde du travail, du logement, de la formation, de l'école, de la santé ou encore des loisirs. Peu à peu, d'actes quotidiens en paroles publiques, les discriminations, les exclusions, les rejets de l'autre, fondés sur le sexe, l'origine ethnique, les convictions politiques ou religieuses, l'appartenance syndicale, le handicap, l'état de santé, l'âge ou l'orientation sexuelle, entraînent des dérives répréhensibles. Aujourd'hui, les discriminations continuent de gangrener notre société, menaçant la paix sociale.

Comment pourrait-il en être autrement quand le Gouvernement s'applique à faire passer à un rythme soutenu depuis 2002 des lois plus sécuritaires et antisociales les unes que les autres ?

Comment pourrait-il en être autrement quand le Gouvernement et sa majorité remettent en cause les droits sociaux, la retraite, la protection sociale, les services publics ?

Comment pourrait-il en être autrement quand le Gouvernement mène une politique sociale et économique qui privilégie la place de l'argent à celle de l'homme ?

Comment pourrait-il en être autrement quand les lois sont discriminantes, stigmatisantes, et désignent publiquement une catégorie de la population, suscitant ainsi des réactions qui mêlent la méfiance à l'égard d'autrui, le repli sur soi, voire le communautarisme qui fragilise la cohésion sociale ?

Dans ces conditions, il ne faut donc pas s'étonner que les discriminations et le rejet de l'autre s'aggravent en France.

Il est clair que la lutte contre les discriminations nécessite d'autres moyens que cet article « poudre aux yeux ».

Le décalage entre l'ampleur de ce phénomène et le faible nombre de suites judiciaires est symptomatique de l'insuffisante prise en considération des discriminations ethniques à l'embauche. Les condamnations pénales restent très rares, même si notre arsenal législatif est complet.

En raison du manque de temps, de formation, d'expérience et d'intérêt porté par les officiers de police judiciaire et par les procureurs à ces dossiers, on aboutit trop souvent à un classement sans suite par les parquets. N'est-il donc pas enfin temps de mobiliser notamment les inspecteurs du travail, les policiers et les magistrats pour combattre les discriminations, mais aussi et surtout de leur donner les moyens adéquats pour le faire ?

Telles sont les observations que je tenais à formuler sur cet article, qui n'est, pour résumer ma pensée, qu'un supplément d'âme.

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