Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 2 mars 2006 à 15h00
Égalité des chances — Article 6

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

L'article 6 inaugure toute une série propositions du Gouvernement concernant les ZFU, les zones franches urbaines.

Nous devons, comme vient de le faire mon collègue Bernard Vera, poser de manière sérieuse et sans esprit polémique le problème de ces zones.

Pour ce faire, je souhaiterais évoquer un moment de la discussion générale qui s'est tenue le 23 février. Voici ce que, selon le compte rendu publié au Journal officiel, M. Borloo a notamment déclaré lors de ce débat : « Voilà quelques années, les zones franches urbaines avaient été critiquées pour des raisons idéologiques par le gouvernement français, ... » - c'est-à-dire le gouvernement de la gauche - « ... y compris devant les institutions communautaires. »

Je ne sais pas si le débat que nous allons avoir tout au long de l'examen de la section 3 du titre Ier est de nature idéologique. Quoi qu'il en soit, membre de la commission des finances, j'ai écouté et participé aux débats en commission et j'ai lu le rapport de mon collègue M. Dallier, lui-même élu de la Seine-Saint-Denis. J'avoue que je fais miennes toutes les critiques qu'il formule à l'égard du dispositif, et notamment à l'égard de l'article 6.

Tout d'abord, on nous propose de créer une troisième génération de zones franches. La liste de ces nouvelles zones franches qui viendront s'ajouter aux quatre-vingt-cinq déjà existantes ne nous est pas connue : elle sera arrêtée par décret, de manière aléatoire et arbitraire.

Ensuite, le Gouvernement n'a pas pris la précaution de demander l'accord de la Commission européenne, alors que nous devons l'obtenir en raison de l'existence d'un plafond. Or les zones franches couvrent le territoire national de façon très largement excédentaire par rapport au plafond autorisé.

Enfin, notre collègue M. Dallier avance un autre argument que je reprends à mon compte, concernant l'évaluation des zones franches, et je voudrais m'y arrêter quelques instants.

Il se trouve que le seul document de référence disponible en la matière est le rapport 2005 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, auquel mon collègue Roland Muzeau vient de faire allusion. Une lecture attentive de ce document montre que les évaluations sont mitigées. Et je tiens à préciser que je ne suis pas de ceux qui contestent, comme je l'ai entendu faire bruyamment, la politique de la ville, mais je voudrais essayer de démontrer que ce mécanisme dérogatoire est étranger à cette politique.

Nous ne sommes pas capables de mettre un coût en regard d'un nombre d'emplois. Je passe sur certains effets d'aubaine, qui ont été quelque peu corrigés avec le temps, mais je suis très sceptique sur ce mécanisme dérogatoire, dont, soit dit en passant, le Gouvernement ne prévoit pas la sortie. Nous, au moins, quand nous étions aux responsabilités, nous avions prévu une sortie « en sifflet ». Malheureusement, comme tout ce que la gauche fait est mal, une fois arrivée aux responsabilités, la droite s'est empressée de défaire ce mécanisme et de créer une nouvelle génération de zones franches urbaines.

Je voudrais aussi faire une remarque sur les aides à l'emploi.

Dans le rapport qu'il a remis, le 20 février, au Premier ministre, le Conseil d'orientation de l'emploi, après avoir indiqué que 2 550 aides à l'emploi ont été recensées, pour un montant total de 19 milliards d'euros en 2006, formule essentiellement deux recommandations.

Il recommande, en premier lieu, de conditionner de nouvelles décisions à l'ouverture de négociations sur les salaires. Effectivement, le pouvoir d'achat est un élément majeur de la relance de l'économie, et seule cette relance permettra de créer des emplois, ce que ne feront pas des dispositifs dérogatoires, transitoires, dont on peine à évaluer les résultats.

Le Conseil d'orientation de l'emploi recommande, en second lieu, de ne pas modifier trop souvent les dispositifs en cours. Or, en l'espèce, vous créez une nouvelle génération, avec un mécanisme qui, tout au long de ces articles, se révèle d'une complexité effrayante, ainsi que le rapporteur l'a lui-même souligné.

Il est donc impossible de mesurer l'intérêt de ces aides ou de les évaluer par rapport aux aides de droit commun. Tout au plus peut-on dire qu'elles permettent d'éviter le pire.

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