Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique de la ville est, peut-être plus que beaucoup d'autres, une politique difficile, exigeant de la continuité, de la ténacité, de la visibilité aussi pour les acteurs économiques, pour les élus locaux, pour les personnes qui sont engagées dans le monde associatif et dans la vie économique au sens large.
C'est une politique qui nécessite une évaluation régulière, qui implique de savoir se remettre en cause et, éventuellement, de rectifier le tir.
Au gré des gouvernements successifs, beaucoup de formules ont été essayées, mais personne n'a imaginé la solution magique qui permettrait à des populations souvent en rupture, disposant d'un niveau de formation très nettement inférieur à la moyenne, de retrouver un emploi, un revenu et une citoyenneté pleine et entière dans ces quartiers très difficiles.
Pour ma part, je m'en tiendrai à ce qui fait sans doute consensus dans cette assemblée : les zones franches urbaines sont créditées d'une certaine utilité pour les uns, d'une utilité certaine pour les autres.
Permettez-moi de reprendre quelques éléments de réflexion et de poser deux questions.
Le premier élément de réflexion concerne - et je reprends des phrases qui figurent dans le rapport de M. Dallier, puisqu'il ne veut pas que l'on extrapole ou que l'on interprète ses paroles - le « coût budgétaire et fiscal élevé » du dispositif des zones franches urbaines.
Si l'on examine de près la composition des entreprises qui ont été créées au titre de ce dispositif, on se rend compte, en effet, que la plupart d'entre elles sont de petites, voire de très petites entreprises ; beaucoup ont un seul salarié ; en moyenne, elles ont 2, 4 salariés.
Comment inciter les entreprises plus importantes à s'installer dans ces zones ? Telle est la question qui mérite d'être posée. Ces entreprises auraient peut-être plus de moyens pour recruter du personnel, en l'accompagnant dans un dispositif de formation adapté, puisqu'il est effectivement tenu compte du fait que beaucoup d'habitants de ces quartiers ne sont a priori ni compétents ni formés.
Deuxième élément de réflexion : dans son rapport, M. Dallier évoque les « effets pervers que ce zonage a pu entraîner, du fait même de son attractivité, sur l'économie des collectivités limitrophes ».
Beaucoup de colloques ont été consacrés à cette difficulté. Les effets de frontières entraînent non seulement des transferts entre des agglomérations, mais aussi, au sein même de celles-ci, entre des quartiers qui bénéficient d'un zonage et d'autres qui n'en bénéficient pas. Cette difficulté devrait être traitée dans le cadre d'une réflexion plus large sur la refonte complète du dispositif des zonages, qui s'empilent selon des critères d'intervention différents et qui produisent des effets pervers que nous peinons tous, finalement, à appréhender.
Mme Bricq a évoqué la difficulté de dissocier ce qui relève, par exemple, du coût des allégements sociaux de droit commun, naturellement applicables dans les zones franches urbaines, et ce qui relève du coût des exonérations spécifiques dans les zones franches.
On se rend compte que le cumul de différents dispositifs aboutit à brouiller les choses.
J'en arrive à mes deux questions.
Tout d'abord, je ne comprends décidément pas pourquoi le Gouvernement n'a pas donné suite aux demandes de la commission des finances, qui avait souhaité que soit annexée au projet de loi une liste précise des nouvelles zones franches urbaines. Qu'il faille du temps et une négociation avec les acteurs locaux concernés pour élaborer un décret délimitant des périmètres, je le conçois, mais on ne peut tout de même pas inscrire dans une loi que de nouvelles zones franches sont créées, sans autre précision. On ne connaît même pas leur localisation ni leur nombre exact ; on parle d'une quinzaine. Y en aura-t-il douze, quinze, vingt ? M. Sueur a montré qu'il était légitime de se poser ce genre de question.
Par ailleurs, il serait intéressant que le Gouvernement nous indique ses intentions en matière de renouvellement de la politique contractuelle, qu'il s'agisse de la mise en place d'une éventuelle prochaine génération de contrats de plan entre l'État et les collectivités territoriales, avec ou sans volet relatif à la politique de la ville, de la prise en compte des négociations qui sont en cours à l'échelon européen ou de la conception d'une politique urbaine communautaire qui pourrait se décliner de manière coordonnée, ou en tout cas compatible avec les décisions que nous prendrons aujourd'hui.