La défiscalisation et les exonérations de cotisations sociales constituent-elles l'incitation la plus forte à la création d'entreprises dans les quartiers prioritaires retenus par la politique de la ville que peuvent être les zones franches urbaines ?
On est en droit de s'interroger sur la pertinence des outils de la politique publique en direction de ces quartiers, d'autant que, rapportés tant au nombre d'emplois qu'au nombre d'établissements ou d'entreprises, l'effort accompli n'est pas, pour le moins, très important. Ainsi, 200 millions d'euros au titre des exonérations d'impôt sur les sociétés et 339 millions d'euros au titre des exonérations de cotisations sociales font pratiquement 540 millions d'euros pour 85 zones franches urbaines, ce qui situe l'effort accompli par quartier à moins de sept millions d'euros par an !
Si, en plus, on rapporte cette somme à la population résidente, cela équivaut à 30 euros par an et par habitant, ce qui n'a in fine qu'une faible portée sur la réalité économique et sociale de ces quartiers, et plus particulièrement sur la vie quotidienne des habitants.
Comme nous l'avons déjà indiqué, la situation économique et sociale des quartiers sensibles ne s'est pas profondément améliorée depuis 1996, et, pour des raisons évidentes de vulnérabilité, leurs habitants n'ont échappé à aucune des tendances lourdes que nous avons pu observer depuis dix ans en termes d'emploi ou de croissance. Tout se passe d'ailleurs comme si les habitants des quartiers sensibles étaient abonnés, depuis dix ans, à l'expérimentation de tous les outils visant à la précarisation du travail et habituées aux dérogations du droit commun s'agissant des entreprises.
Le principe de la zone franche est discutable, en ce sens qu'il donne l'illusion que l'activité se développe, mais on voit vite les limites de l'expérience, une fois les conditions levées.
Si la zone franche peut représenter une apparente solution pour valider le potentiel même des résidents des quartiers sensibles à créer des entreprises, à les animer, à les développer, elle constitue surtout un levier et une variable d'ajustement de la stratégie de grands groupes, qui sont toujours à la recherche d'économies sur les coûts, quelle que soit leur nature.
Pour un prestataire de services aux entreprises - je pense au nettoyage industriel ou au gardiennage, par exemple, dont nous avons tant parlé -, le fait de s'implanter dans une zone franche est une source d'économie, marginale mais réelle dès lors qu'il souhaite externaliser ces fonctions de sa propre comptabilité.
La défiscalisation comme l'exonération de cotisations sociales sont, pour les entreprises, autant de solutions temporaires permettant de proposer un service au mieux-disant. En effet, ces mesures n'ont qu'une portée limitée et ne suffisent pas à conférer un caractère durable au développement économique des quartiers, d'autant qu'il suffit qu'une entreprise importante du voisinage décide de procéder à un plan social pour que les quelques emplois défiscalisés de la zone franche disparaissent derrière les licenciements massifs dont sont souvent victimes les résidents en activité.
Plutôt que de créer des zones supplémentaires de non-droit, il importe de se demander comment il est possible de sortir d'un dispositif qui ne permet pas toujours à la grande masse des jeunes de trouver un emploi et risque, de surcroît, de cantonner nos quartiers à l'exercice d'activités économiques auxiliaires, sans cohérence ni durabilité.
Enfin, un réel problème se pose : en raison, d'une part, de la hausse du niveau de formation initiale des jeunes issus des quartiers sensibles et, d'autre part, de leur exigence croissante et bien naturelle d'un emploi de qualité correctement rémunéré, quelles réponses peuvent être apportées par des zones d'activité largement occupées par des entreprises polarisées sur les services aux entreprises - depuis les centres d'appel jusqu'au gardiennage, en passant par le nettoyage - et sur les services aux particuliers ?
Voilà qui méritait d'être posé. C'est bien parce qu'il faut définir d'autres solutions que celles qui sont préconisées à l'article 7 que nous ne le soutiendrons pas.