À ce stade du débat, il me paraît important de revenir sur la fameuse règle de minimis, que j'évoquais à la tribune la semaine dernière, puisque celle-ci s'applique pour les exonérations fiscales et sociales dont nous allons débattre aux articles 7 et 9.
Je rappelle que l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne dispose que « sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »
Par ailleurs, son article 88 dispose que la Commission européenne « est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides », cependant que « l'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que la procédure ait abouti à une décision finale ».
En d'autres termes, les États membres sont contraints de notifier à titre préalable à la Commission européenne toute aide ou tout régime d'aide aux entreprises, afin que celle-ci puisse examiner leur compatibilité avec les règles instituées par l'article 87 du traité.
À cet égard, nous sommes bien dans la logique imposée par Bruxelles puisque le Gouvernement a notifié à la Commission européenne, le 6 février dernier, à la fois la prorogation des ZFU actuelles de première et de deuxième génération ainsi que la création de nouvelles ZFU, telle qu'elle nous est proposée dans le présent projet de loi.
Il convient de relever que la Commission européenne interprète généralement les dispositions précédentes de manière relativement stricte, en présumant que toutes les aides d'État sont a priori susceptibles de fausser ou de menacer de fausser la concurrence au sein du Marché commun et qu'il faut donc demander une dérogation à la règle.
Cependant, dans un souci de simplification administrative, aussi bien pour les États membres que pour les services chargés du contrôle des aides d'État - c'est relativement compliqué -, la Commission européenne a toutefois introduit la règle de minimis, formalisée dans un règlement du 12 janvier 2001, selon laquelle les aides d'un faible montant bénéficient d'une présomption inverse.
Ce règlement autorise ainsi les aides ou les combinaisons d'aides dont le montant total pour une même entreprise « n'excède pas 100 000 euros sur une période de trois ans ». Corollairement, ce règlement dispense les États membres de notifier à la Commission européenne les régimes d'aides aux entreprises plafonnés à 100 000 euros par période glissante de trois années consécutives.
Il convient toutefois de souligner que ce montant de minimis de 100 000 euros par entreprise et sur trois années consécutives s'apprécie non pas régime d'aide par régime d'aide, mais toutes aides cumulées.
Ce rappel étant fait, je ferai plusieurs remarques.
Du point de vue de la procédure, il convient en effet de noter ce qui suit.
D'une part, le dispositif des zones franches urbaines fait l'objet d'une notification à la Commission européenne, ce qui devrait normalement exclure l'application du régime de minimis.
D'autre part, ce dernier a été appliqué de manière sélective. En effet, autant il était normal que ce régime ne s'appliquât pas aux zones de première génération, puisque la règle édictée par Bruxelles n'existait pas encore, autant il s'est appliqué de manière quelque peu injuste aux zones de deuxième génération, puisqu'en ont été exclues les entreprises installées dans la zone franche après que celle-ci fut délimitée, les entreprises installées antérieurement en bénéficiant.
En outre, ce dispositif est injuste. N'aurait-il pas été possible d'obtenir de Bruxelles que toutes les entreprises soient traitées de la même manière ? Je vise ici les entreprises et les commerces, tant il est vrai que les unes et les autres ont eu le mérite de rester dans les quartiers difficiles. Il est délicat de leur dire que seuls les nouveaux entrants pourront bénéficier d'exonérations supplémentaires. Certes, je comprends bien que cela engendre des dépenses supplémentaires et qu'il faudrait obtenir l'accord de Bruxelles.
De plus, il semblerait que cette clause n'ait pas été imposée en tant que telle à la France par la Commission européenne - et là, nous souhaiterions obtenir des précisions de votre part, madame le ministre -, puisqu'il ressort d'un courrier du 15 décembre 2003 que cette dernière avait à l'époque pris acte du fait que les autorités françaises plaçaient sous le régime de minimis certaines exonérations. Ne pourrions-nous pas alors aller un peu plus loin ?
Enfin, la commission des finances se demande s'il faut faire référence dans le droit français à la règle de minimis. S'agissant d'une règle européenne, est-il nécessaire de préciser dans notre droit qu'elle s'applique pour tel ou tel quartier ? Il semblerait plus logique d'indiquer quand des exonérations particulières ont été accordées.
Voilà les questions que la commission se pose et sur lesquelles elle souhaiterait obtenir quelques éclaircissements.