Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 8 janvier 2009 à 10h45
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Demande de renvoi à la commission

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

À l’évidence, non ! Certes, et le président de la commission des affaires culturelles en a tiré argument ce matin, les rapporteurs ont bien travaillé. Cependant, la commission elle-même n’a fait qu’entendre ces rapports.

Un matin du 8 janvier 2008, soit voilà un an, le Président de la République annonça, à la surprise générale – ce fut effectivement une surprise, et tout d’abord pour vous, madame la ministre ! – la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Le prince décide, ensuite, débrouillez-vous !

Supprimer la publicité, après tout, pourquoi pas ? Mais quand on sait qu’une telle mesure met immédiatement en péril l’équilibre du budget des télévisions publiques, un minimum de réflexion s’impose. II faut prendre le temps de s’assurer que le remède proposé ne se révélera pas pire que le mal.

Cette question de financement nous préoccupe tous. Il y va de la stabilité, de la survie des chaînes publiques et, surtout, de la garantie de leur indépendance.

Notre seconde préoccupation, évoquée à plusieurs reprises lors de la discussion générale, tient, bien sûr, à la désignation du président des chaînes par le Président de la République. C’est là un bouleversement considérable, que nous combattons avec vigueur.

Certes, une commission a été créée sous la présidence de M. Copé. Celle-ci s’est attachée à transcrire la volonté du Président de la République de modifier les modes de financement et d’organisation du service public de l’audiovisuel, mais sans réelle marge de manœuvre du fait d’une feuille de route particulièrement bien cadrée, ce qui n’a pas manqué de provoquer malaise et grogne parmi les professionnels concernés et de nombreux parlementaires, même ceux qui, habituellement, soutiennent le Gouvernement.

Madame la ministre, les débats à l’Assemblée nationale ont duré trois semaines – trop longtemps aux yeux du Gouvernement ! –, mais n’était-il pas légitime de laisser le temps nécessaire à un grand débat comme celui-ci ?

Devant les réticences du Gouvernement – je précise que le Président de la République lui-même voulait que ce texte soit voté en urgence, avant la fin de l’année 2008 – seul le dépôt d’amendements par les élus socialistes pouvait assurer un échange sérieux sur un sujet capital pour la démocratie et l’épanouissement culturel de nos concitoyens.

Oui, madame la ministre, comme nos collègues députés socialistes, nous sommes et resterons mobilisés pour garantir le pluralisme dans les médias audiovisuels !

Je conçois aisément que, pour des gens pressés, la longueur des débats parlementaires soit difficile à supporter. Mais on en est aujourd’hui à saisir ce prétexte pour remettre en question le droit individuel de chaque parlementaire d’amender un texte et de disposer du temps nécessaire pour s’exprimer.

Notre demande de renvoi du texte à la commission se fonde sur deux motifs.

Premièrement, monsieur Legendre, la commission que vous présidez s’est réunie trois fois, entre le 18 novembre et le 2 décembre, pour auditionner Mme la ministre de la culture et de la communication, le PDG et la directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, ainsi que les représentants de l’intersyndicale de France Télévisions.

Cependant, depuis ces auditions, nous avons connu une situation inédite et une brutale accélération des choses. En effet, M. de Carolis, président de France Télévisions, a été instamment prié de faire voter par son conseil d’administration, avant la parution de la loi, la suppression partielle de la publicité. Sous la pression, les administrateurs avaient-ils réellement le choix ? Ne faisons pas semblant de le croire.

Devant cette méthode inadmissible, nous sommes en droit de demander des explications. Voilà en tout cas un exemple édifiant de la mainmise du Gouvernement sur le média audiovisuel, ainsi qu’une préfiguration, sans doute, de ce qui nous attend !

Après cet épisode surréaliste et humiliant pour le Parlement en général, et pour le Sénat en particulier, vous conviendrez, monsieur le président de la commission, qu’il serait judicieux que vous organisiez de nouvelles auditions, notamment de M. de Carolis, mais aussi des administrateurs ou des représentants de l’intersyndicale de France Télévisions.

Deuxièmement, notre demande de renvoi à la commission tient au calendrier plus que contraignant qui nous est imposé, bien cavalièrement.

Ainsi, le texte a été transmis au Sénat le 17 décembre dernier, et la commission des affaires culturelles n’a pu se réunir que le 6 janvier, à la veille de la reprise des travaux du Sénat.

Nous avons donc disposé de moins de vingt-quatre heures pour prendre connaissance des rapports et des propositions d’amendements. Ce n’est pas le travail des deux rapporteurs qui est en cause, bien sûr, mais le fait que nous avons manqué de temps pour lire leur rapport, qui n’est disponible au bureau de la distribution que depuis hier midi.

J’ai d’ailleurs apprécié que Mme le rapporteur ait exprimé tout à l’heure avec force le même regret et la même insatisfaction que moi sur ce point. Comprenez, madame la ministre, que nos capacités à réagir rapidement, aussi grandes soient-elles, puissent avoir des limites !

On nous dira que l’urgence a été déclarée pour ce texte. Mais de quelle urgence s’agit-il désormais ? Notre collègue Marie-Christine Blandin nous a brillamment rappelé hier soir quelles sont les véritables urgences ! Pourquoi nous presser, puisque le dispositif central de ce projet de loi est en application depuis trois jours ?

Le groupe socialiste considère que les délais extrêmement réduits accordés ne permettent pas au Sénat de discuter sérieusement, dans un esprit de concertation, des dispositions d’un projet de loi qui a d’ailleurs déjà fait une première victime : les rediffusions d’éditions locales sur France 3 !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons le renvoi du texte à la commission.

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